Consommation de la drogue/Des marchés en mutation permanente
Le marché de cette substance psychotrope ou psychoactive n’a jamais été aussi mondialisé, actif et diversifié. Face aux interdictions, les trafiquants innovent, les produits se transforment, les routes se déplacent. Tour d’horizon des grandes tendances qui façonnent aujourd’hui le trafic mondial, à l’occasion de la « Journée mondiale contre la consommation de la drogue ».
L’essor de la production, des routes mondiales et des prix élevés en font l’un des trafics les plus lucratifs de la planète. Même si le nombre d’usagers dans le monde par an (25 millions) reste beaucoup plus faible que pour le cannabis (228 millions de personnes), la cocaïne se vend beaucoup plus cher. En France et même en Europe, on estime que le marché de la cocaïne rivalise, en valeur monétaire, avec celui du cannabis, voire est en train de le dépasser.
Une chose est sûre en tout cas, il n’y a jamais eu autant de poudre blanche en circulation dans le monde qu’en 2023. « Avec plus de 3 708 tonnes, la production illégale mondiale estimée de cocaïne ». Selon le rapport 2025 de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), il est plus de trois fois plus qu’en 2010. La production est de plus en plus concentrée en Colombie qui a encore vu augmenter la superficie des cultures illicites de cocaïer, dont est issue cette substance, alors qu’en Bolivie et au Pérou – les deux autres pays producteurs -, la production se tasse.
Pour échapper aux contrôles, les itinéraires du trafic de cocaïne changent et passent désormais souvent par des pays de transit tels que le Brésil ou plus récemment l’Équateur. Les Antilles françaises, notamment la Martinique et la Guadeloupe jouent un rôle important comme zone de rebond vers l’Hexagone.
En 2024, sur les 52 tonnes de drogue saisis en France, essentiellement de la cocaïne, 33 provenaient de cette seule région, selon la justice. Les ports de Rotterdam, Anvers et Le Havre sont devenues des plaques tournantes du trafic en Europe.
L’Afrique est aussi considérée comme une zone de transit entre l’Amérique du Sud et l’Europe. En 2015, les saisies dans les pays du Sahel (Burkina, Mali, Niger) s’élevaient à 13 kg ; en 2022, elles atteignaient près de 1 500 kg.
L’offre augmente, la demande aussi et les saisies témoignent des tendances, elles ont explosé sur tous les continents, notamment en Europe, où elles dépassent pour la cinquième année consécutive les quantités interceptées en Amérique du Nord, et dans des zones auparavant marginales comme l’Afrique et l’Asie (+84 % en 2023 par rapport à 2022).
Le rapport 2025 de l’ONUDC confirme et renforce cette tendance, évoquant une « diffusion horizontale et verticale » de la consommation : horizontalement entre milieux sociaux, verticalement vers des publics plus jeunes. Il insiste sur la progression de l’usage dans des milieux professionnels sous pression (logistique, finance, santé), ainsi que chez les étudiants et les adolescents, avec une précocité croissante dans plusieurs régions du monde, notamment en Europe. L’usage ne se limite plus à la recherche de plaisir, mais devient fonctionnel : amélioration des performances, régulation du sommeil ou de l’humeur, augmentation de la concentration.
Certains produits, comme la Cocaïne, les amphétamines, les méthamphétamines, voire les microdoses de LSD sont désormais utilisés comme stimulants ou pour « tenir le coup ». On assiste ainsi à la montée de drogues dites fonctionnelles, avec des conséquences sanitaires encore mal évaluées.
Avec la massification d’un marché de la drogue qui génère des dizaines de milliards d’euros chaque année, les organisations criminelles ont acquis des tailles critiques qui en ont fait des acteurs géopolitiques à part entière. Une importance visible en Colombie ou au Mexique où ils ont infiltré depuis des décennies le plus haut niveau du pouvoir, de nombreux gouverneurs ayant des liens avec les cartels, et dans certains pays d’Amérique centrale.
Mais aussi en Europe avec la « Mocromafia », et ce réseau d’origine marocaine, spécialisé dans le trafic de cocaïne, a semé la terreur aux Pays-Bas et en Belgique à coups de règlements de compte et d’assassinats ciblés. Ces dernières années, on voit aussi comment la crise du fentanyl est au cœur des dissensions entre les États-Unis et la Chine, et les États-Unis et le Mexique.
Le rapport 2025 de l’ONUDC va plus loin et décrit ces organisations comme des « entités non étatiques dotées d’une influence territoriale, économique et politique ». Il cite l’Équateur comme exemple marquant car, en quelques années, le pays est devenu un hub majeur pour le trafic de cocaïne, au prix d’une explosion de la violence, d’attaques de prisons, et même de l’assassinat d’un candidat à la présidentielle.
En France, si la situation n’est pas comparable, localement, certains territoires sont fortement marqués par l’emprise de réseaux criminels violents, comme dans les grandes villes de Paris, Lyon ou Marseille, et jusque dans les communes rurales. Une situation alarmante qui a entraîné l’annonce de la création d’un parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) pour « sortir la France du piège du narcotrafic ».
Désormais, certaines organisations criminelles sud-américaines n’hésitent plus à délocaliser leur production directement en Europe. L’UE devient une « zone d’implantation opérationnelle » pour certaines de ces structures, notamment pour des activités logistiques, de production et de blanchiment, souligne le dernier rapport de l’ONUDC.
Plusieurs laboratoires clandestins de transformation de pâte de coca ou de production de drogues de synthèse ont été découverts aux Pays-Bas ou Pologne, parfois gérés par des chimistes envoyés depuis l’Amérique latine. Au mois de mai dernier, un laboratoire de méthamphétamine lié au puissant cartel mexicain du Sinaloa a été découvert dans le sud de la France.
Source : rfi.fr