Congres du Fpi : Affi N’guessan et l’effet pygmalion
Nazaire Kadia (analyste politique)
Le rideau est baissé sur le congrès du Front Populaire Ivoirien (Fpi) du président Affi N’guessan. La mobilisation fut grande et à la hauteur des défis que se sont lancés les militants de ce parti, la satisfaction aussi. Il n’y a qu’à voir les différentes publications sur les réseaux sociaux pour s’en convaincre.
Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que l’ombre de Laurent Gbagbo aura plané avant, pendant et après ce congrès.
Avant ce congrès, aucune interview du président Affi N’guessan ne put se faire sans que le nom de Laurent Gbagbo ne soit prononcé, au point où cela donnait l’impression que ce congrès avait pour objectif de démontrer à Gbagbo que M. Affi existait. Pendant le congrès, les différentes retransmissions en direct et les images qu’il a été donné de regarder ou de voir mettaient l’accent sur la forte mobilisation que Laurent Gbagbo n’aurait pas pu faire à l’Hôtel Ivoire doutant ainsi désormais de sa popularité.
Au lendemain de ce congrès, la satisfaction d’avoir réussi le pari se lisait toujours sur les visages des militants, convaincus que des lendemains meilleurs les attendent. Ils sont à féliciter pour le coup réussi et cela est à leur honneur.
Mais à écouter tous les discours et interviews du président Affi avant, pendant et après le congrès, et avec du recul, on peut se rendre compte qu’il est sous l’influence de « Pygmalion », et qu’en réalité, Laurent Gbagbo demeure toujours son référent, et tous les actes posés, le sont par rapport à lui. Son souci permanent est de démontrer que Laurent Gbagbo est fini, et que lui Affi fera mieux que ce dernier. C’est l’illustration parfaite que Laurent Gbagbo continue de le hanter en tant que maître, qu’il faut dépasser. Et là, il ne serait pas faux de déduire que l’effet pygmalion y est pour quelque chose.
La première définition du mot pygmalion est celle-ci : « personne amoureuse d’une autre, qui la conseille, la façonne pour la conduire au succès ». Ensuite en psychologie et en pédagogie, l’effet pygmalion est « l’influence que peut avoir un professeur ou un mentor sur un de ses élèves, suite à une supposition sur un parcours scolaire qui servira de référence pour l’avenir ».
La dernière définition qu’on peut retenir est celle-ci : « l’effet pygmalion ou effet Rosenthal & Jacobson, est une prophétie qui provoque une amélioration des performances d’un sujet en fonction du degré de croyance en la réussite venant d’une autorité ou de son environnement ».
Les définitions sont nombreuses, les implications aussi mais on s’en tiendra à ce qui est là-haut.
Au regard de ce qui précède, l’existence et la relative réussite de M. Affi Nguessan sur l’échiquier politique ivoirien sont certainement dues à son équation personnelle, mais en grande partie grâce au tutorat de Laurent Gbagbo. Que l’élève veuille aujourd’hui dépasser le maître, est dans l’ordre normal des choses, et est le signe évident que l’effet pygmalion marche à merveille. Car si l’élève ne dépasse pas le maître, c’est que ce dernier n’a pas atteint son objectif.
Cependant, il faut rester circonspect. Cela fait la deuxième fois depuis 2015, que le Fpi organise un congrès et fait salle comble. Quel bilan peut-on faire des retombées politiques de ces grandes mobilisations, surtout celle de 2015 ?
- 2015, élection présidentielle, le candidat du Fpi obtient 9% des suffrages
- 2016, élections législatives, le Fpi présente plus de 200 candidats pour 03 députés obtenus
- 2020, élections législatives, 02 députés.
A quoi aura servi la grande mobilisation au congrès de 2015 ? A quoi servira celle de 2021 ? L’avenir nous le dira.
Dans ces envolées du congrès, M. Affi déclare : « …le président Laurent Gbagbo se prenait pour Goliath, mais nous l’avons vaincu…On s’est fait renard pour vaincre les loups… ».
Par cette déclaration, M. Affi lui-même éclaire les ivoiriens sur les raisons profondes de la séparation intervenue entre lui et le président Gbagbo.
L’explication et l’interprétation de cette phrase par un ami mien, professeur de lettres de son état en disent long :
«… Le loup, c’est la franchise, le courage, l’intelligence, le sens du groupe et de la famille, (cf la mort du loup, Alfred de Vigny). Le renard, c’est le mensonge, la ruse, la traitrise et la flatterie pour la nourriture et l’intérêt égoïste, (cf le corbeau et le renard, Jean de la Fontaine) … ». C’est tout dire !
Assurément, Laurent Gbagbo avait vu juste, en esquivant le bras de fer qu’on voulait lui imposer, et demain nous situera. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours et l’ivraie sera séparée du vrai.