Conflit foncier/Abatta, Akandjé et Abouabou : les dessous d’un litige foncier historique

La question foncière en Côte d’Ivoire continue de susciter de vives tensions. Ce vendredi 7 mars, une conférence de presse s’est tenue à la Riviera Palmeraie, animée par M. Guidy Édouard, expert en foncier, accompagné de M. Grah Taussiagnon, président de l’ONG Jury International. Placée sous le thème « Origines historiques du litige foncier à Abatta, Akandjé et Abouabou : stratégies de résolution et recommandations pour une issue durable », cette rencontre a permis de mettre en lumière les enjeux historiques et actuels des conflits fonciers qui secouent ces villages.

Lors de son intervention, M. Guidy Édouard a passé en revue les différents contentieux territoriaux et lancé un appel aux autorités pour une action urgente et concertée.

Akandjé : un territoire contesté

Dans son exposé, M. Guidy Édouard a retracé l’histoire foncière du village d’Akandjé, soulignant les anomalies liées à l’émergence de nouveaux villages sur des terres historiquement reconnues comme appartenant à cette communauté. Selon lui, les campements de Djorogobité 1 et 2 ainsi que le lotissement de Bessikoi sont installés sur des terrains relevant d’Akandjé.

L’expert foncier s’appuie notamment sur des documents coloniaux datant du 17 avril 1930, qui attesteraient que 1 840 hectares de terres appartiennent légitimement à Akandjé.

« La parcelle de la Palmeraie couvre une superficie de 1 840 hectares 40 ares 00 centiares (18 404 000 m²). Un procès-verbal établi le 17 avril 1930 atteste qu’elle est la propriété du village d’Akandjé. C’est sur cette parcelle qu’Abobo Baoulé a installé deux campements, Djorogobité 1 et 2, qui, après avoir reçu des arrêtés de nomination de chefs de village, ont acquis le statut de villages officiels. Pour leur attribution territoriale, ce sont 800 hectares d’Akandjé qui ont été cédés, soit 400 hectares pour chaque campement. À cela s’ajoute le lotissement de Bessikoi, dont seule la mairie d’Abobo Baoulé peut fournir la superficie exacte », a-t-il expliqué.

Dahlia Fleur : une spoliation foncière ?

S’agissant du village d’Abatta, M. Guidy Édouard a mis en exergue un autre litige sensible, celui des 199 hectares du domaine de Dahlia Fleur. Il a rappelé que ce terrain avait été réquisitionné par l’administration coloniale française en 1900, avant de faire l’objet d’un titre foncier officiel le 12 mai 1916. Après l’indépendance, ce domaine a continué d’être exploité sous bail, le dernier occupant en date étant un Italien du nom d’Italo Babertta. Selon l’expert, ces terres reviennent de droit au village d’Abatta, qui en est privé depuis 124 ans.

« Dahlia Fleur couvre une superficie de 199 hectares. Ce terrain a été réquisitionné lors du transfert de la capitale de Bassam à Bingerville en 1900. Il a ensuite été immatriculé en titre foncier le 12 mai 1916 et exploité sous bail jusqu’en 1960 par les colons, dont le dernier en date était Italo Babertta. Aujourd’hui, nous constatons que ce domaine est morcelé et titré au nom de particuliers qui n’ont aucun droit légitime sur ces terres, contrairement au village d’Abatta. »

Il a également dénoncé l’absence d’une juste et équitable indemnisation avant tout projet de réserve foncière ou de redistribution des terres.

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Abouabou : un village privé de ses droits

Le village d’Abouabou fait face à une situation similaire. Son territoire, estimé entre 4 500 et 5 000 hectares, a été utilisé pour la construction de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, sans qu’aucune indemnisation n’ait été accordée aux populations locales.

« Abouabou est propriétaire d’un territoire couvrant entre 4 500 et 5 000 hectares, sur lequel a été construit l’aéroport Félix Houphouët-Boigny de Port-Bouët. Pourtant, jusqu’à ce jour, aucune indemnisation n’a été versée au village. Toutes les démarches entreprises pour obtenir réparation se sont soldées par un échec », a dénoncé M. Guidy Édouard.

Un appel aux autorités

Face à ces conflits fonciers récurrents, M. Guidy Édouard et M. Grah Taussiagnon ont exprimé leur souhait de rencontrer les autorités afin de proposer des solutions constructives. Ils en appellent au chef de l’État pour une intervention directe, estimant que ces litiges fonciers menacent la cohésion sociale et l’équité territoriale en Côte d’Ivoire.

Alors que la question foncière demeure un défi majeur pour la stabilité des populations locales, cette conférence de presse a réaffirmé l’urgence d’une réglementation plus claire et d’une reconnaissance effective des droits coutumiers pour prévenir de nouveaux conflits.