Affaire « Deux (2) milliards de Fcfa de Gbagbo à Jacques Chirac »/Un intellectuel recadre le Rhdp

Par le Professeur Nazaire Kadia 

Le débat autour des 2milliards de Fcfa attribués à Jacques Chirac soulève des questions sur la gouvernance et la transparence financière. Les critiques du Rhdp soulignent souvent les incohérences dans la gestion des ressources publiques et l’importance de la responsabilité dans les affaires publiques. Le Professeur Nazaire Kadia indique dans cette analyse que les acteurs de cette formation politique n’ont de leçon à donner à un tiers.

Décidément, l’onde de choc provoquée par l’interview de Robert Bourgi est loin de s’estomper. Les journaux en ont fait leurs choux gras, et les politiques s’en sont emparée pour l’exploiter en fonction de leurs besoins et des objectifs qu’ils se sont fixés. Il reste entendu que les dirigeants et les soutiens objectifs du Rhdp ne peuvent pas être en reste.

Au cours de leurs meetings de ces derniers jours, occultant la partie de l’interview où Bourgi affirmait sans sourciller que Laurent Gbagbo a gagné les élections de 2010, les responsables du Rhdp se sont désespérément agrippés à l’autre partie relative au fait que Laurent Gbagbo a « craché dans le bassinet » en finançant la campagne de Jacques Chirac à hauteur d’un peu plus de deux (2) milliards de FCFA, comme s’ils venaient de découvrir le Saint Graal.

Exploitant au maximum ce fait, ils ont traité Gbagbo de tous les noms, l’accusant de trahison et surtout de détournement de deniers publics, et doit par conséquent être poursuivi par l’Etat de Côte d’Ivoire.

Ecoutons à ce propos, l’un de ces cadres du Rhdp, Lancina Karamoko :

 « …C’est un acte égoïste voire une trahison. Et Gbagbo doit rendre compte au peuple ivoirien, parce qu’en matière de gestion de fonds, un tel acte est appelé détournement de fonds à d’autres fins. Le peuple ivoirien doit porter plainte contre Gbagbo à cet effet. Gbagbo a trahi la Côte d’Ivoire et le peuple doit le sanctionner. Il vient de donner raison à la justice ivoirienne… ». Ayiwaaaa bassitè ! Qu’à cela ne tienne !

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Le professeur Nazaire Kadia indique que « si Gbagbo doit être poursuivi pour l’acte posé, il est bienséant de rappeler à Lancina Karamoko les détournements de deniers publics (ceux qui ont été documentés) sous la gouvernance de ce pouvoir qui jusqu’aujourd’hui sont passés par pertes et profits ».

Si Gbagbo doit être poursuivi pour l’acte posé, il est bienséant de rappeler à Lancina Karamoko les détournements de deniers publics (ceux qui ont été documentés) sous la gouvernance de ce pouvoir qui jusqu’aujourd’hui sont passés par pertes et profits.

S’il est indéniable qu’au plan macro-économique le pays a fait des avancées comme ces dirigeants du Rhdp le clament partout, au point de demander un quatrième mandat pour Ouattara, il n’en demeure pas moins que l’envers de la médaille est moins reluisant.

La récurrence de ces détournements et autres malversations doit interroger plus d’un ivoirien

 Le quotidien des Ivoiriens rime toujours avec la cherté de la vie, et la paupérisation omniprésente. L’actualité il y a quelques temps, a bruit avec une présomption de détournement de fonds à hauteur d’un peu plus de 500 millions de F CFA à l’Artci. Encore serait-on tenté de s’écrier ! En attendant les résultats d’une enquête qui était en cours et dont on ne parle plus, on en vient à désespérer de notre pays si cela s’avérait.

Alors, aux belles performances et aux prouesses économiques que réalise le pays, il faudra adjoindre désormais, une autre prouesse, celle des malversations et des détournements de deniers publics. La récurrence de ces détournements et autres malversations, doit interroger plus d’un ivoirien. Ils sont de toute évidence encouragés par la quasi impunité dont bénéficient les auteurs.

La seule sanction qui leur est infligée, est de céder leurs fauteuils à d’autres personnes, sans plus. Les résultats des enquêtes diligentées son toujours attendus. Autant on est sidéré par la célérité avec laquelle la justice enquête, juge et condamne quand il s’agit d’affaires politiques, autant on est abasourdi par la lenteur que met cette même justice pour boucler les enquêtes liées aux détournements de deniers publics avérés.

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Les exemples sont légion.

Il y a quelques années, la presse a fait état de dizaines de milliards de F CFA volatilisés au Guichet unique. L’épaisse fumée qui a enveloppé cette affaire ne s’est jusqu’à présent pas dissipée. C’est un silence de cimetière assourdissant qu’il est donné d’entendre.

Cette même presse a révélé la disparition de 500 milliards de F CFA, fruits de la sueur de nos parents planteurs, au Conseil Café-Cacao. Comme sanction, on a juste relevé le directeur général de ses fonctions, sans poursuite judiciaire.

Qui de Diaby Lanciné du FER, Yapi Ange Désiré de la NPSP, Bilé Diéméléou de l’ARTCI, ? 

Et comme si cela ne suffisait pas, l’Etat de Côte d’Ivoire est allé sur le marché financier emprunter 300 milliards de F CFA, pour combler le « trou » creusé. Somme, que nous allons tous, à notre corps défendant, payer, alors que « pour nous n’est pas sorti dedans ».

Où en est l’enquête diligentée à cet effet ?

Quelle sanction a été appliquée au directeur général de cette structure hormis son limogeage ? Bienheureux, qui pourra nous fournir une réponse.

Tout porte à croire que la sanction suprême qu’on inflige à ceux qui sont convaincus de malversations et de détournements de deniers publics, c’est le limogeage.

Les cas les plus médiatisés dans cette course aux détournements sont ceux de certains directeurs généraux d’entreprises publiques et parapubliques, limogés suite à un audit commandité par l’Etat. Ainsi, Diaby Lanciné du FER, Yapi Ange Désiré de la NPSP, Bilé Diéméléou de l’ARTCI et Coulibaly Lamine de l’AGEF, épinglés par l’audit comme ayant opéré des malversations dans la gestion des entreprises dont ils avaient la charge, ont juste libéré le tabouret.

Pour l’instant, hormis Coulibaly Lamine, aucun d’entre eux ne connaîtra les délices de l’univers carcéral. On ne saurait oublier les malversations à la Petroci et à la Gestoci, avec à la clé, la disparition de 17 000 tonnes de gaz, sans qu’aucune explication ne soit donnée au peuple ivoirien.

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Alors, relever de leurs fonctions des directeurs généraux convaincus de détournements et de malversations, qui se sont enrichis sur le dos du contribuable ivoirien, et les laisser jouir en toute quiétude de leurs fortunes, malhonnêtement amassées, est le symbole achevé de l’impunité qui sévit dans la troisième République.

Les détournements de deniers publics semblent être consubstantiels à de nombreux managers nommés à l a tête des structures étatiques et paraétatiques.   

Cela ne peut qu’être un exemple que d’autres personnes seront bien tentées d’imiter, sûres que le ciel ne leur tombera pas sur la tête. Que dire du cas de Joël N’guessan, cadre du Rhdp, ex-président du Conseil d’Administration du Fdfp qui voulait jouer les Don Quichotte en dénonçant le détournement de fonds opéré par le Secrétaire général de cette structure et qui a lui-même été limogé sans que l’accusé ne soit poursuivi ?

Comme on le voit, en la matière, le Rhdp n’a pas de leçons à donner à qui que ce soit. Les détournements de deniers publics semblent être consubstantiels à de nombreux managers nommés à la tête des structures étatiques et para étatiques. Demander de poursuivre Gbagbo, c’est comme l’hôpital qui se moque de la charité ou demander à son voisin « d’ôter la paille qui se trouve dans son œil, en ignorant royalement la poutre qui se trouve dans le nôtre ». Mais la distraction ne passera pas.

Il est vraiment temps que soit mis un terme à l’impunité dont semblent bénéficier, tous ceux qui jusque-là, sont convaincus de détournement de deniers publics. Au-delà des effets d’annonce que constitue leur limogeage, ils doivent subir la rigueur de la loi après un procès, et être obligés de rendre ce qu’ils ont frauduleusement soustrait au peuple, qui « ne voit même plus le diable pour tirer sa queue ».

Ne pas le faire est une prime à l’impunité, qui est inacceptable.

Ainsi va le pays.

Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.