Abidjan: quelles mesures pour accompagner le « confinement » des populations?
Par Léon SAKI – Afrique Matin.Net
Après l’intervention du Chef de l’Etat sur la question du Coronavirus, il convient à chacun de faire sa petite analyse.
Nous avons interpellé les autorités sur l’urgence sanitaire de la pandémie et la nécessité de prendre des mesures urgentes concernant les écoles. Et le lendemain, le gouvernement a fermé les écoles. Nous avons apostrophé le gouvernement sur les risques sanitaires à l’intérieur du pays, dénoncé la mise en quarantaine à caractère sélectif, la porosité à risque de nos frontières terrestres, la défaillance du système sanitaire en vigueur et l’amateurisme de son appareil de gestion.
Et le Chef de l’Etat a parlé. Qu’est-ce que nous en pensons?
Pour nous, il faut d’abord saluer les mesures de prévention prises par le Président de la République qui réalise enfin ainsi la pleine mesure du danger. Aussi, même s’il aurait dû se montrer plus ferme face à certains cas d’indiscipline et de non-respect des mesures d’Etat par des hommes d’Etat à travers des sanctions disciplinaires, il faut tout de même saluer le courage du président Ouattara d’avoir désavoué, pour une fois, son plus proche collaborateur Gon Coulibaly, à qui, il a sûrement tiré les oreilles dans les vestiaires.
Après avoir écouté le Chef parler ce lundi 23 mars 2020, en milieu du 20 heures, sans hymne national au début et à la fin, avec une journaliste pressée de reprendre l’antenne, je reste désormais convaincu que les jours qui s’annoncent seront très décisives et difficiles tout simplement parce que les dernières mesures contraignantes prises sont des mesures de confinement quand le gouvernement décide d’interdire les déplacements hors de la capitale économique ivoirienne à partir du jeudi 26 mars pour contenir la propagation de la maladie.
Qu’il soit progressif comme le dit le président ou pas, un confinement a toujours un impact sur la vie économique et sociale des populations.
A près de 50%, l’activité économique est au ralenti d’où la flambée des prix des produits de première nécessité. L’inflation et le chantage marchand issus de la rareté des produits sur les marchés entièrement vides contribuent à la grande paupérisation des ménages aux abois.
Quelles mesures d’accompagnement pour garder en vie les populations en proies aux nouvelles donnes ? A la fin du mois, la CIE et la SODECI viendront couper le courant et l’eau, les propriétaires de maisons viendront vider les locataires. Qu’est-ce qui a été prévu pour l’éviter ?
Au Sénégal, le Président Macky Sall, conscient de l’impact des mesures liées à l’endiguement du COVID-19 a lors de son adresse à la nation annoncé une enveloppe de 50 milliards consacrée à l’achat de vivres destinés à l’aide alimentaire. Il a également prévu des mesures fiscales et spécifiques en soutien aux entreprises, et enfin la mise en place d’un fonds de riposte et de solidarité doté de 1.000 milliards de francs CFA.
Même si le Sénégal revendique plus de cas que la Côte d’Ivoire (79 contre 25), il faut retenir que, selon les experts, le nombre de cas déclarés n’a rien à voir avec le nombre de cas réels.
En Côte d’Ivoire, aucune mesure de soulagement, d’appui et de soutien en faveur des populations et des dommages liés aux contraintes du confinement n’a pété prise. Tout ce qui a été fait n’a été fait que pour contraindre, pas plus.
Et pourtant un homme qui a faim est un homme qui cherche sa liberté parce qu’il n’est pas libre.
A quoi servent des mesures de restriction si elles contribuent à affamer les populations ?
Ne soyons donc pas surpris d’assister, les jours à venir, au non-respect de ces dispositions et des révoltes, synonyme d’aggravation des risques de contraction et de contamination au COVID-19.
L’autre aspect du discours du président de la république qui interpelle la conscience collective, c’est la non-suspension provisoire de l’opération d’enrôlement. Comment peut-on continuer de s’enrôler alors que les mesures de lutte contre la propagation du virus interdit le rassemblement de moins de 50 personnes ?
Depuis le début de cette opération, des voix ne cessent de s’élever pour réclamer la gratuité des CNI dont les frais ont été fixés à 5000 frs. Le mutisme du gouvernement face aux revendications de la société civile et des populations a donné lieu d’assister récemment à la colère de certaines villes et communes qui se sont soulevées massivement pour réclamer la gratuité de l’enrôlement en détruisant parfois le matériel de l’opération.
La non-suspension de l’opération d’enrôlement pourrait créer au sein du peuple, comme l’a prévenu Simone Gbagbo, « un sentiment d’injustice et de révolte pouvant l’amener à descendre dans les rues pour protester. Dans un tel scénario, la situation ne ferait que s’aggraver et maintiendrait la propagation du virus hors de tout contrôle ». Alors pour quelle raison le président a-t-il maintenu l’enrôlement ?