La Chronique du Vice-Président du PDCI-RDA Kobenan Tah Thomas : Crise ivoiro-malienne : « faut-il craindre la fin d’un cycle de triomphalisme diplomatique de Ouattara ! »

La Chronique ‘’Les Actualités Politiques Ivoiriennes’’, numéro 42 du mercredi 31 Août 2022 du Vice-Président du PDCI-RDA Kobenan Tah Thomas.

Bonjour chères concitoyennes et chers concitoyens.

Contre leur gré, les populations ivoiriennes sont en train d’être mobilisées dans ce qu’il conviendra de nommer désormais, la crise ivoiro-malienne des 49 soldats. A défaut de parvenir à un accord sur le traitement de cette question avec la junte malienne, l’exécutif ivoirien fait le choix de la multiplication de manœuvres parallèles. Entre aveu d’impuissance ou volonté de créer un enlisement total de la crise, nul ne saurait situer le sens de la manœuvre d’Abidjan.

Certes, de façon légitime, l’on pourrait soupçonner l’implication, voire la complicité de quelques personnalités de certains Etats voisins dans les crises ivoiriennes depuis 1999 ; mais rarement, il ne s’est posé une équation aussi lourde qui ait nécessité la mobilisation populaire au sein des populations respectives de nos Etats. Jusqu’à ce jour, dans les relations inter-états entre la Côte d’Ivoire et le Mali, nos populations respectives ont joué un rôle apolitique, se préservant de se convertir en argument de force politique et diplomatique. L’embrouille est grossière si l’on tient compte de l’analyse globale de la situation. Nos soldats sont de pauvres victimes d’une affaire politico-diplomatique devenue virale sur l’échiquier international.

L’embrouillement de l’affaire par le régime d’Abidjan semble avoir bien pris ; puisque sur le fonds de commerce de cet incident, il se crée, en apparence de façon spontanée, des collectifs de soutien aux soldats ivoiriens incarcérés. Très actifs sur les réseaux sociaux, ces collectifs de mobilisation populaire ont été à la base de l’annulation de concerts d’artistes maliens programmés sur Abidjan dont celui de Mariam Ba. Nous tairons bien volontiers les clashs qui ont cours actuellement sur les plateformes des réseaux sociaux, les médiations officieuses, via des canaux inhabituels et non-officiels, impensables même, etc…

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L’échec des initiatives classiques de la diplomatie des Etats a d’ailleurs conduit des vedettes nationales à composer des singles ; c’est le cas par exemple de la Voix Des Anges (alias VDA), Yodé & Siro, groupes de zouglou à succès. De part et d’autre, on instrumentalise, on cultive une forme de rancœur dont les premiers résultats espérés sont de plus en plus visibles. A l’encontre de notre exécutif, il faut retenir la conduite de cette manouvre qui consiste à populariser la gestion de cette crise là où il est question de l’aborder avec les arguments classiques de la diplomatie.

Cette volonté de créer de l’émotion et de récolter l’adhésion populaire du grand public ivoirien est ambivalente. Elle reste positive si elle ne vise qu’à la sensibilisation des uns et des autres sur les affres que produirait un affrontement inter-Etat. Mais nous savons tous que la sensibilisation des masses tient un rôle presque nul dans une affaire dans laquelle c’est le politique ivoirien qui détient et les cartouches, et les canons, et les ficelles de marionnettiste… En revanche, si elle résulte d’une incapacité de notre Etat à sortir de ce bourbier par des moyens pacifiques, il faut craindre la fin d’un cycle de triomphe diplomatique.

Pour nous, citoyens ivoiriens, il est hors de question de se désolidariser des soldats retenus dans les geôles maliennes. Et c’est de bonne guerre. En face au Mali, garder une dent dure contre la Côte d’Ivoire est tout aussi légitime pour les populations maliennes à qui l’on répète, sans cesse, que 49 mercenaires armés ont été envoyés par les autorités ivoiriennes pour prendre part à la déstabilisation de leur pays.

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Evidemment, les officiels maliens ne perdent aucune occasion pour dévoyer une certaine maladresse des autorités ivoiriennes qu’ils assimilent comme représentantes des pontes des démocraties libérales en pleine crise. Ils ont même porté devant le Conseil de Sécurité de l’ONU une plainte qui met en accusation la France comme bras séculier du terrorisme au Sahel qui déstabilise le Mali.

A la limite du zèle et de l’excès, il va de soi que l’action de la junte de Bamako irrite bon nombre d’individus tout comme elle suscite admiration pour d’autres. La junte s’illustre à donner du Mali l’image de figure de proue des peuples désireux de quitter le giron occidental décadent, avec son idée d’Etat universel pour laisser prospérer la continuité du peuple historique du Mali, libre et souverain dans ses choix.

Donc du côté malien également, il ne se profile aucun geste de désescalade ; à part bien sûr l’exigence d’excuses publiques formulée par les hommes du Palais de Koulouba et qui a été perçue comme une reddition par Abidjan. Il faut pourtant la paix pour les populations des deux Etats. Sans pour autant mobiliser celles-ci dans des batailles fratricides.

Merci et à la semaine prochaine.