Mali/Vers un nouveau départ?

Nazaire Kadia (analyste politique)

Les échanges « d’amabilités » et de « civilités » entre le Mali et la France sont sur le point de connaître leur épilogue. Le président français, M. Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane et européennes de l’opération Takuba, du territoire malien. Celles-ci seront sans aucun doute redéployées au Niger, au Tchad et probablement en Côte d’Ivoire. Il s’agit de partir sans partir du Sahel. Le gouvernement français envisage un retrait échelonné sur plusieurs mois, quand Bamako exige un retrait sans délai, et sous la supervision de ses forces armées.

En tout état de cause, le mali et son gouvernement de transition sont donc devant leurs responsabilités mais aussi devant l’histoire. Il faudra faire mentir les hommes politiques français, qui ont mis en exergue dans leurs invectives suite à l’expulsion de l’ambassadeur français, l’incapacité de l’Etat malien à protéger sa population. Le gouvernement du colonel Goïta se trouve dans l’obligation de montrer sa détermination et sa capacité à se battre pour recouvrer l’entièreté de son territoire, pacifier le pays, organiser des élections et s’en aller la tête haute, la conscience tranquille et la satisfaction d’avoir fait pour le pays, ce qu’il avait à faire.

C’est sûr que la tâche ne sera pas aisée et de tout repos ; la route sera longue, la traversée difficile et la transpiration abondante. Mais ne pas abandonner et ne pas abdiquer face aux difficultés est la marque des grands hommes.

Le peuple malien doit également s’attendre à voir des «  vertes et des pas mures ». Son cheminement sera semblable à celui de l’or, de l’état brut à l’état pur, qui lui confère sa valeur marchande : le passage à l’épreuve du feu. Il devra également intérioriser et intégrer dans ses projections, la réaction de ceux qui malgré eux, plient bagages. Soit, ils sont  fair-play et laissent le Mali donner une trajectoire nouvelle à sa destinée ; soit la rancœur tenace, ils pratiquent la politique de la terre brûlée avant de libérer les bases qu’ils occupent dans le nord du pays. Tous les cas de figure doivent être envisagés.

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Le dire et s’y préparer, ne seraient pas une mauvaise chose en soi. On a en mémoire, les difficultés qui furent celles de la Guinée du président Sékou Touré, au lendemain de son « non » à de Gaulle et de l’indépendance du pays en 1958. La France de cette époque n’a pas digéré ce qu’elle considérait comme un affront, qu’il fallait faire payer à la Guinée et à son président M. Ahmed Sékou Touré.

Alors tout y passait : des mercenaires mis à contribution pour déstabiliser le pouvoir du président Sékou Touré, une propagande médiatique sans commune mesure pour noircir au maximum l’image du président guinéen, présenté comme un dictateur sanguinaire, des opposants instrumentalisés pour saper les fondations du pouvoir guinéen de l’intérieur.

Cerise sur le gâteau, les services secrets français ont imprimé des faux billets de francs guinéens, qu’ils ont déversés en Guinée avec pour objectif de faire s’écrouler l’économie du pays.

Il reste entendu  que le président Sékou Touré n’était pas un enfant de cœur, mais ses réactions proviennent de la hantise de mauvais coups auxquels il doit constamment faire face.

Certes les époques ont changé, les méthodes aussi ; mais on n’est jamais assez prudent, car « depuis quand a-t-on vu le molosse se départir de sa déhontée façon de s’asseoir ? ».

Fort de ces éléments de l’histoire, le gouvernement du colonel Goïta doit s’atteler pour ce nouveau départ, à pallier le retrait des troupes occidentales, et sécuriser son territoire. Il se doit également de rechercher partout, des solutions aux problèmes existentiels qui ne manqueront pas d’assaillir le peuple malien du fait de l’embargo que subit le pays. Il ne faut pas se le cacher, l’objectif de l’embargo n’est pas de sanctionner les dirigeants de la transition, mais d’affamer le peuple malien et le pousser à la révolte pour renverser le gouvernement.

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De ce fait, le peuple malien et son gouvernement doivent œuvrer en synergie pour réussir la transition. Les résolutions qu’ils prendront et les actes qu’ils poseront, détermineront durablement l’avenir et le devenir de leur pays et par-delà, l’avenir et le devenir des pays francophones voisins.

Et s’il y a eu un soir au Mali, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.