Politique/La justice du temps sait rattraper les choses
Par Denis K. Zion*
Quelle image retenir de la séance parlementaire du mardi 1er décembre, qui a vu la députée de Tingréla se donner une énième fois en spectacle avec des propos des moins honorables à propos et à l’endroit des députés Maurice Kakou Guikahué, Affi N’guessan, Alain Lobognon incarcérés respectivement le 3 novembre et le 9 novembre 2020 et le 23 décembre 2019 ?
Une arène romaine où Mariam Traoré a allègrement troqué la tenue et l’écharpe tricolore de député en haillons et trident de gladiateur. Sans autre forme de scrupule, vis-à-vis de sa personne, encore moins vis-à-vis de l’Institution au sein de laquelle elle est censée représenter les braves populations de Tingréla, elle s’est adonnée à la pitrerie, une fois encore comme pour convaincre de ce que le sérieux et le recul ne font pas partie de son ensemble de définition. En effet, ce mardi, à la séance plénière, tout a commencé quand Gozé Seplé Bernard, député PDCI-RDA de Zoukougbeu, a posé un préalable au vice-président Diawara Mamadou.
C’est en lisant ce préalable qu’on entendit des grognes dans l’assemblée. Les débats étaient si vifs que certains ont redouté à un moment des empoignades physiques comme on en voit en Italie. Mais la contestation s’est faite plus hilarante quand la députée Mariam Traoré de Tingréla quitte son siège pour aller au centre en vociférant des injures et accusations qu’elle conclut en ces termes : « N’importe quoi…, c’est un coup d’Etat qui a échoué, on s’en fout, on ne libère rien ici (…) je m’en fous, on n’est pas d’accord… ».
La suite, les députés des groupes parlementaires de l’opposition PDCI-RDA,Vox Populi, Rassemblement ont finalement été empêchés de lire leur déclaration et ont été priés de quitter l’hémicycle. C’est dehors, face à la presse qu’ils ont tenu à lire leur déclaration censurée au sein de l’Assemblée Nationale. Pour rappel, les députés de l’opposition réclamaient la libération de leurs collègues incarcérés. Ce sont Alain Lobognon, Affi N’Guessan et Maurice Guikahué.
La véritable question est de savoir si cette députée a conscience de son statut d’élue du peuple et de l’Institution dans laquelle elle évolue. Sait-elle seulement les charges qui sont les siennes et la mesure et la sagesse qui devraient l’habiter chaque fois qu’elle doit prendre la parole ? Non, Mariam Traoré ne sait pas que les parlementaires sont soumis à diverses obligations et interdictions.
Au-delà des droits et obligations liés au mandat parlementaire, le député peut également exercer ès qualités diverses responsabilités au sein et en dehors de l’Assemblée nationale. Il est astreint au respect d’un code de déontologie. Le Déontologue de l’Assemblée nationale est chargé d’y veiller. Pis, Mariame Traoré, habituée du langage ordurier, ne sait pas ce qu’elle dit et fait.
Tout indique aussi que Mariam Traoré ne connait pas, mais alors pas du tout, Maurice Kakou Guikahué dont elle parle avec dédain et mépris.
Pr Maurice Kakou Guikahué embastillé à la MACA pour avoir dit NON au 3ème mandat de Ouattara et OUI au respect de la Constitution.
Sinon elle aurait su que Guikahué a été un homme clé dans l’avènement du règne de Ouattara dont elle jouit allègrement aujourd’hui ;elle aurait su que Guikahué dont elle parle ainsi a été aux côtés des Présidents Henri Konan Bédié, Albert Mabri Toikeusse, Anaky Kobena et de toutes les personnalités des partis houphouëtistes, qui formaient le solide bouclier protecteur autour d’Alassane Ouattara à l’Hôtel du Golf pendant les cinq (5) mois qu’aura duré la réclusion.
Elle aurait su aussi que ce Guikahué dont elle applaudit l’emprisonnement gratuit a été le principal promoteur de l’Appel de Daoukro lancé par le président Bédié le 17 septembre 2014, lequel appel a donné un second mandat à Alassane Ouattara, alors même que beaucoup d’Ivoiriens, surtout des militants du PDCI-RDA, n’étaient pas d’accord ; sinon elle aurait su que la cheville ouvrière de la campagne du candidat Alassane Ouattara sur le terrain, dans toutes les localités où ils s’est rendu au nom du président Henri Konan Bédié pour faire élire le candidat du RHDP, s’appelle Maurice Kakou Guikahué.
De la date de la mise en place de la plateforme RHDP en 2005 jusqu’au retrait du PDCI-RDA en août 2018, Maurice Guikahué a été l’homme-orchestre de l’organisation de toutes les cérémonies, manifestations et rassemblements du RHDP. Les gens comme Mariam Traoré peuvent se mettre en scène pour injurier et se moquer de tous ceux qui auront donné leur poitrine, leurs épaules pour consolider le régime Ouattara, mais ont-ils en idée que la roue de la vie tourne et que les premiers de ce jour peuvent rapidement être les derniers de demain ?
La justice du temps sait rattraper les choses, en ce sens que ce qui brille ce soir sera éteint demain et les bourreaux rapidement deviennent les juges. C’est connu, il est souvent et malheureusement loisible aux profiteurs qui ingurgitent les morceaux viandés du plat, de vilipender ceux qui ont accompagné à la chasse, rabattu et aidé à abattre le gibier et qui sont tenus hors de la table. Car, en réalité, si Alassane Ouattara n’avait pas été élu président de la République, il ne viendrait jamais à l’idée de quelqu’un d’élire dame Mariam Traoré. La dynamique de la victoire du RHDP n’a pas permis aux populations de Tingréla de faire le tri. Pour elles, il fallait donner une députée à la cause.
Ce qui n’est pas le cas de Maurice Kakou Guikahué, habitué très tôt au leadership (il a été élu président du mouvement des élèves et étudiants dans les années 70). Elu par les populations de Gagnoa, il a toujours démontré ses qualités d’homme politiquement cultivé, socialement incontournable et surtout d’élu de la Nation qui contribue par ses interventions à la marche du pays.
L’occasion est belle de paraphraser le Bâtonnier, Patrice Giroud, de Grenoble qui, dans “De la pitrerie en bande organisée”, disait : « Je laisse à nos députés le soin de dessiner les contours de cette nouvelle infraction étant ici précisé qu’à supposer qu’il leur en vienne l’idée, il faudrait en mesurer les conséquences gravissimes pour les partis politiques… ».
Laissons le soin aux vrais représentants du peuple de Côte d’Ivoire qui le veulent, de donner un grand contenu à la mission des parlementaires. Sinon, tant que l’ordre des choses avait permis aux privilégiés de faire des folies et de jouer les originaux aux frais des pauvres gens, il avait été facile de prendre pour de la personnalité ces pitreries, ce droit d’être inutile dont jouissait une minorité aux dépens de la masse.
Mariam Traoré est dans son rôle de députée-pitre pour ne pas que les débats la noient dans leurs profondeurs qu’elle est à mille lieues de maitriser. Pierre Dac expliquait la géométrie politique qui dispose que le carré de l’hypoténuse parlementaire est égal à la somme de l’imbécilité construite sur ses deux côtés extrêmes. La députée Mariam Traoré, par ses frasques et maladresses inconscientes ou non, illustre cela. Et c’est bien dommage pour notre Assemblée Nationale, pour l’ensemble des députés, et particulièrement pour le RHDP qu’elle tire par le bas. Tous les jours et publiquement. Malheureusement. Et honteusement.
*Maire de la commune de Toulepleu.
Membre du Secrétariat Exécutif du PDCI-RDA