Burkina-Présidentielle/Roch Christian Kaboré définit ses priorités

Roch Marc Christian Kaboré, le Président sortant et  candidat à sa propre succession  s’exprime aussi sur l’hypothèse d’un second tour.  Dans cet entretien, il dévoile ses nouvelles ambitions et l’avenir du Burkina-Faso, notamment la voie   du dialogue avec les groupes armés qui sévissent au Nord et à l’Est du Burkina.

 Monsieur le président, vous dites que vous avez déjà beaucoup fait en cinq ans sur le plan économique et social, mais y-a-t-il un secteur où vous n’avez fait que la moitié du chemin et qui motivera un effort particulier ?

Je n’ai jamais dit que nous avons tout fait. J’ai simplement dit qu’on a été freinés, tant nos ambitions étaient grandes pour le Burkina Faso dans trois facteurs. Premièrement : le terrorisme. Deuxièmement : la fronde sociale, et enfin troisièmement : la Covid19.

Donc c’est pour dire que le programme a été exécuté sur l’ensemble du territoire national, dans tous les secteurs économiques et sociaux de notre pays. Maintenant, avec le combat que nous menons contre le terrorisme, les cinq ans à venir nous permettront de mieux faire. Donc voilà ce que j’ai dit. On n’a pas tout fait, parce que ce serait une prétention de dire qu’on a tout fait.

 Quel est le secteur économique ou social qui vous semble prioritaire pour votre éventuel deuxième mandat ?

Le secteur social qui me semble prioritaire, ce sont surtout les questions de santé, les questions d’éducation, les questions d’eau potable, toutes les choses qui concernent l’amélioration des conditions de vie des populations, l’électricité, les secteurs sociaux de base. Parce que c’est ce qui nous permettra plus tard, avec les facteurs de production, d’accompagner le développement de notre pays.

 L’ancien Premier ministre Kadré Désiré Ouédraogo, qui est l’un de vos adversaires, souligne le fait que le développement, a été très inégal et que des régions entières sont restées enclavées. Que répondez-vous à cette petite assertion ?

…Au Burkina Faso, en termes d’enclavement, notamment d’infrastructures, j’estime que nous avons fait quand même un bon travail à ce niveau »

Vous savez, au Burkina Faso, en termes d’enclavement, notamment d’infrastructures, j’estime que nous avons fait quand même un bon travail à ce niveau. Il est évident que le désenclavement du pays ne se fait pas en un jour. Et dans le nouveau programme qui a été élaboré, nous avons dit qu’il faut rééquilibrer le développement entre les régions, de manière à ne pas laisser des régions en marge du progrès économique et social de notre pays. Je pense que Kadré Désiré Ouédraogo a été Premier ministre pendant longtemps, je voudrais qu’il rappelle, durant son mandat qui était le plus long qui est parti du mois de  février 1996 à novembre 2000, ce qu’ils ont pu faire en matière de désenclavement, pour pouvoir s’occuper des autres aujourd’hui.

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Sur le plan sécuritaire, tous vos adversaires dénoncent votre bilan et l’un de vos adversaires, Eddie Komboïgo, s’étonne que vous ne soyez pas capable d’identifier les agresseurs…  

Je pense qu’une telle assertion est vraiment pour moi quelque chose qui ne correspond pas à des réalités. Nous savons très bien quels sont ceux qui agissent sur le territoire national burkinabè. Et quand on dit « personne non identifiée », c’est parce que nous ne pouvons pas donner le nom des personnes qui agissent sur ce terrain-là.

Je voudrais simplement noter que, contrairement à ce concurrent qui préconise des négociations diplomatiques, nous avons dit et répété que, quand on engage des négociations diplomatiques, c’est une reconnaissance de fait. Comme je dirais, c’est une légitimation des terroristes dans notre pays. Et ça, ce n’est pas acceptable. Peut-être qu’il leur proposera une ambassade au Burkina Faso pour mieux gérer la paix… En tout état de cause, je pense que cette position n’est pas burkinabè du tout.

Que répondez-vous quand même au chef de file de l’opposition Zéphirin Diabré, qui affirme qu’il faut identifier, parmi les agresseurs, ceux avec qui on peut dialoguer pour casser le front des groupes armés ?

Mais est-ce que « casser le front » des groupes armés amène forcément la paix, puisque vous aurez un front avec un groupe et les autres vont continuer à travailler sur le terrain ? Je pense quand même qu’il faut être un peu censé. Je considère que ces personnes ne connaissent pas la réalité du terrorisme dans notre pays et ils ne savent pas non plus que la base du terrorisme, aussi, c’est transfrontalier. Ce n’est pas simplement au Burkina Faso. C’est une base qui travaille aussi bien sur le côté du Mali, du Niger, du Burkina Faso. Donc il faut bien comprendre ce que c’est, d’abord.

Quelle est la  priorité que vous envisagez ?

….La priorité effectivement au travail militaire, parce que de toute façon, nous devons sécuriser notre pays, ça c’est une première mission qui est incontournable. Nous devons déployer l’armée, nous devons faire plus de recrutements et nous travaillons aussi avec les communautés locales, pour qu’elles agissent sur tous les Burkinabè qui sont dans ces réseaux, afin qu’ils puissent regagner leur pays, en déposant les armes.

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Nous avons déjà lancé, à Djibo et à Dori, un appel pour dire que tous les fils du Burkina Faso qui se sont trompés, qui sont allés travailler dans ce cadre, s’ils veulent venir construire le pays, qu’ils déposent les armes et regagnent leur territoire. Et je pense que ce n’est qu’à travers un travail de proximité avec les communautés locales, qu’on arrivera progressivement à atténuer les effets du terrorisme dans notre pays et à pouvoir faire les projets de développement, qui permettent effectivement de trouver satisfaction pour des populations qui peuvent estimer, peut-être, qu’on ne les prend pas suffisamment en compte dans les aspects du développement.

Vous avez annoncé récemment que vous êtes dit prêt à saisir la main tendue par l’ancien président Blaise Compaoré qui veut rentrer au pays, mais seulement après une table ronde au premier semestre 2021. Du coup, dans le camp de Blaise Compaoré, on vous répond : « Mais non, une table ronde sans Blaise Compaoré, ça ne sert à rien. Il faut d’abord qu’il rentre et faire ensuite la table ronde ».

Ça encore, c’est une position incongrue. Parce que, j’ai dit et répété que tous ceux qui sont à l’extérieur, peuvent rentrer. Ceux qui ont des problèmes avec la justice passeront devant les tribunaux et s’acquitteront de leur mission de montrer leur innocence. Je pense que tout cela est très clair. La question de la présence de Blaise Compaoré au niveau de la réconciliation nationale n’est pas une nécessité absolue, puisque, comme vous le savez, il y a un mandat d’arrêt qui a été lancé. Il faut d’abord lever ces obstacles, avant que les choses ne puissent se faire. Mais pour ma part, je considère simplement qu’une fois que nous aurons fait les élections, nous verrons les modalités dans lesquelles il pourra rentrer, en attendant de pouvoir faire face à a justice, conformément aux textes en vigueur dans notre pays.

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Donc il pourrait rentrer avant cette fameuse table ronde ?

Absolument, mais si la justice démontre qu’il est coupable, il répondra là-bas et cela veut dire que sa participation sera difficile. Je l’ai toujours dit, la réconciliation nationale, c’est la vérité, la justice et la réconciliation. Je dois rappeler, par ailleurs, que nous avons déjà eu une séance de réconciliation au temps du président Blaise Compaoré, où nous avons pris un certain nombre de décisions d’amnistie, qui, après l’insurrection du mois d’octobre 2014, ont été remises en cause. Ce qui signifie simplement que, quand on fait justement, de manière cavalière, des erreurs de réconciliation nationale, on revient au point zéro. Et c’est là où nous sommes encore.

Nous sommes au point zéro de la reprise de toutes les questions sur lesquelles nous avons fait, comme ils disent, une justice transitionnelle qui a consisté à amnistier l’ensemble des chefs d’État, en nous disant que tous les actes qu’ils ont posés, ce sont des actes qu’ils ont posés au nom du gouvernement, au nom de l’État du Burkina Faso. On a déjà une expérience, donc on ne va pas retomber dans les mêmes problèmes quotidiennement.

Il y a cinq ans, vous avez été élu dès le premier tour. Mais aujourd’hui vous subissez l’usure du pouvoir et vous avez face à vous douze adversaires. Est-ce que vous vous préparez à la perspective d’un deuxième tour ?

Vous savez, quand on est président, on se prépare à toutes les perspectives. En tout état de cause, j’ai beaucoup de respect pour mes concurrents, et comme j’ai dit, le 22 novembre, c’est le peuple burkinabè qui tranchera. Certains disent que le président Roch Kaboré n’a rien fait de bon dans ce pays, laissons le peuple juger et on verra bien…

Vous avez dit que quand on est président, on se prépare à toute perspective, y compris à un deuxième tour… 

Je suis tout à fait préparé à toutes les éventualités. Je n’ai pas de problème de ce côté-là. Mais ce que je demande, tout simplement, c’est que chacun de nous prenne l’engagement d’accepter les résultats. Ça s’arrête là ! Personnellement, s’il y a un deuxième tour, j’irai au deuxième tour. Cela ne me pose aucun problème. C’est ça la démocratie.

Source : rfi.fr