Visite de Bédié au Ghana/Le faux débat politicien autour de la posture du président du Pdci-Rda devant le Roi des Ashantis

A l’occasion de son séjour des lundi 12 et mardi 13 octobre 2020, au Ghana, sur invitation du président de la Cédéao, SEM Nana Dankwa Akufo-Addo, le président Bédié, homme de parole, a tenu à honorer une promesse faite à l’asantehene Otoumfo Osei  Tutu II.

En effet, lors de sa visite du mercredi 04 avril 2018, le leader de la plateforme unitaire de l’opposition ivoirienne et candidat du PDCI-RDA à la présidentielle 2020 avait manifesté devant le roi des Ashantis sa volonté de retourner le voir, dès que possible. Si la raison de sa visite au Chef de l’Etat et aux anciens présidents ghanéens retient principalement les souffles, ce retour aux sources de celui qu’on qualifie de « guide des Baoulés » n’est pas passé inaperçu.

En cause, l’attitude du président BEDIE devant son hôte. Sur les images, on voit le président BEDIE, dans une posture révérencieuse, s’incliner légèrement de l’avant pour saluer le roi. Il se redresse ensuite pour attendre, en retour, la salutation, tout aussi révérencieuse, du roi, puis que celui-ci l’invite à prendre la place spécialement aménagée à son intention.

Le président du Pdci-Rda Henri Konan Bédié et son épouse ont été reçu par le président ghanéen SEM Nana Dankwa Akufo-Addo

Salué par ces partisans pour son éducation et son humilité, le vieux sage est raillé par les ivoiritaires-rattrapeurs-tabouretistes-violateurs-parjureurs pour sa posture devant le roi. Les calomnies portent essentiellement sur deux quolibets : le président BEDIE avouerait son origine ghanéenne et se serait humilié, lui ancien chef d’Etat, qui plus est prétendant au fauteuil présidentiel, devant son cousin, « le petit roi des Ashantis ».

Sur le premier reproche, les habitants de la case à pandore oublient que le Ghana a été érigé en État souverain seulement le 6 mars 1957. Même en considérant la période coloniale, les frontières du Ghana actuel ne sont définitivement arrêtées qu’entre 1901 et 1922, avec l’ajout d’une partie du Togo allemand peuplé par les Ewés. En ce qui concerne le territoire ashanti, il n’est annexé qu’en 1896.

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Or, les Baoulés ont quitté le Royaume ashanti en 1701 pour la première vague (Alanguiras) et en 1730 pour la seconde vague conduite par son altesse royale ABLA POKOU (Assabous), qui deviendra plus tard la reine de l’ensemble des Baoulés, après un accord entre les leaders des deux vagues. Aucune de ses personnes n’avait la nationalité ghanéenne, mais toutes étaient bien des Ashantis, avant de décider de se donner une nouvelle identité en créant le royaume baoulé.

Plus tard quand la Côte d’Ivoire est créée, les Baoulés y étaient déjà. Ils peuvent donc revendiquer une origine ivoirienne proche et une origine lointaine ashantie. Le président Bédié n’était donc pas au Ghana en tant qu’Ashanti sujet de l’asantehene, mais en tant qu’Ivoirien et Baoulé libre rendant une visite de civilité à un souverain d’un pays frère, dont le peuple a une histoire particulière avec le sien.

Sa démarche ne visait point à privilégier son hypothétique origine ghanéenne à son authentique origine ivoirienne, mais s’inscrivait dans le cadre d’un retour aux sources qui peut aider à trouver des solutions à la crise ivoirienne, notamment à travers les conseils que pouvait lui promulguer le Chef traditionnel le plus puissant du Ghana.

Sur le second reproche, il faut éviter de confondre humiliation et humilité, même si les deux mots partagent la même racine. Car tout ancien président et chef de parti politique qu’il soit, le président BEDIE n’était pas dans son salon. Il était invité, de marque certes, mais invité tout de même. Il n’était pas non plus devant n’importe quel hôte. Il se devait de faire montre d’éducation et de courtoisie. Cela demande beaucoup de grandeur d’esprit, beaucoup d’humilité.

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L’arrogance n’y avait aucune place. D’ailleurs, à juste titre, un livre sacré bien connu du président BEDIE, catholique de son état, nous prévient : « l’humilité précède la gloire ; l’arrogance précède la chute ». Le président BEDIE fait preuve de grandeur d’âme en se pliant aux règles des lieux. En bon Akan – Ashanti et Baoulé sont deux peuples Akans, le second peuple cité étant le plus nombreux et le premier venant juste après – et en bon Africain, le président BEDIE sait que le chef ou le roi ne doit pas se lever pour accueillir son invité, quel que soit son rang.

Ce qui est différent d’un chef d’Etat qui peut attendre son visiteur sur le perron du palais ou de la résidence. Le président BEDIE ne pouvait en aucun cas être frustré que l’asantehene reste assis pour l’accueillir. Cela ne veut pas dire que le roi est au-dessus du chef de l’Etat.

« ‘La sagesse recommande que la main qui demande soit en dessous. Savoir cela et l’appliquer, même devant moins important que soi, est la marque des grands hommes », conclut Kouamé Yao Séraphin.

Respecter les us et coutumes n’est ni de la petitesse ni de la faiblesse ni de la bassesse. C’est une erreur grave, révélant une tare éducationnelle congénitale, que de raisonner de cette manière. Tout comme le roi des Ashantis n’est pas au-dessus du président ghanéen, il n’est pas au-dessus du président BÉDIÉ. Bien au contraire, puisqu’il n’a qu’un rôle symbolique depuis l’indépendance du Ghana. Pour rappel, le Ghana n’est pas une royauté, mais une république.

En plus, le roi des Ashantis n’est pas l’unique roi au Ghana pour prétendre avoir une légitimité plus grande que le président de la République sur l’ensemble du territoire national ghanéen. On retrouve ce même raisonnement erroné à propos des religieux. Pour beaucoup de fidèles, le komian, le pasteur, le prête ou l’iman est au-dessus du chef, du roi ou du président. Cela n’est pas vrai.

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En réalité, ces derniers sont des guides choisis par Dieu pour se mettre au service des premiers, afin de les aider à conduire le peuple selon la loi divine. Car, le délégué de Dieu devant le peuple, ce n’est pas le religieux, mais le souverain, le prince. Pour simplifier, les premiers sont justiciables devant les seconds qui ne sont justiciables que devant le Peuple et Dieu. Dans un Etat de droit ou moderne, le souverain ou prince étatique passe avant tout autre souverain.

Pour terminer, n’oublions pas que le président BEDIE est dans une démarche de recherche d’une solution, par rapport à la crise ivoirienne. Il est dans la posture de celui qui est dans le besoin, dans l’intérêt de son peuple et de sa nation. Or, la sagesse recommande que la main qui demande soit en dessous. Savoir cela et l’appliquer, même devant moins important que soi, est la marque des grands hommes. Le président Bédié est un grand homme.

Ceux qui viennent de lancer, en grande pompe, leur campagne, en faisant la sourde oreille aux exigences légales et légitimes de l’opposition, le savent. Ils savent aussi que l’enjeu de la visite du président BEDIE au Ghana ne se trouve pas dans la posture du Bouddha de Daoukro devant l’asantehene. Ils feraient mieux de renoncer à leur anticonstitutionnelle candidature et de se préparer à la transition politique. Le temps des faux débats est révolu.

Kouamé  Yao Séraphin

Maire et délégué PDCI-RDA de Brobo,

Chercheur en Science politique.