Le Mozambique à la manœuvre face aux menaces du coronavirus et du djihadisme

Meurtri par deux cyclones dévastateurs en 2019, le Mozambique a vu sa reconstruction freinée par la crise économique liée au coronavirus. Pour se relancer, le pays d’Afrique de l’Est doit également remporter son combat contre deux autres fléaux majeurs et intimement liés : les trafics de carburant et l’insurrection djihadiste.

Durement touché en mars et avril 2019 par les deux cyclones Idai et Kenneth, le Mozambique affronte à présent les conséquences tout aussi inattendues de l’épidémie de coronavirus. Malgré un nombre de cas limité à 1 330 et seulement 9 décès enregistrés à la mi-juillet, la progression de la maladie met le système hospitalier dans un état de tension supérieur à la normale. Alors que l’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 30 juillet, certaines restrictions ont pu être assouplies par le président mozambicain Filipe Nyusi. La reprise d’activité progressive a ainsi été autorisée dans les écoles, mais aussi dans les secteurs de la fabrication et du tourisme. Et pour cause : la république de près de 30 millions d’habitants a besoin de relancer la machine économique pour pouvoir lutter efficacement contre la pandémie, mais aussi poursuivre la lente reconstruction du pays, qui porte encore de lourds stigmates des récentes catastrophes naturelles.

Le trafic de carburant, une gangrène pour l’économie

La lutte contre les trafics de carburant regonfle les caisses de l’État

Avant l’apparition du coronavirus, l’année 2020 s’annonçait pourtant pleine de promesses pour le pays, avec une croissance anticipée à 5 %. Les dernières estimations du FMI (Fonds monétaire international) situent désormais ce taux à 2,2 %, tandis que l’EIU (Economist Intelligence Unit) prédit une récession de 2,4 % cette année. Dans son malheur, le Mozambique dispose néanmoins de sérieux motifs d’espoirs. Au nord du pays, les gigantesques projets gaziers de Total – 23 milliards de dollars d’investissement – et d’Exxon Mobil font en effet figure de puissants leviers de relance économique, le carburant représentant déjà environ 10 % des revenus totaux de l’État. Mais à l’image du continent africain, où près de 100 milliards de dollars s’évaporent chaque année, le trafic de carburant est particulièrement répandu au Mozambique, notamment via le « Maputo corridor » (« couloir de Maputo »), qui le relie à l’Afrique du Sud. Selon une étude conduite en 2013 et 2014, la contrebande de combustible priverait le pays de plus de 60 millions de dollars par an…

LIRE AUSSI :   RDC : Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Pour combattre ce trafic, le gouvernement mozambicain a mis en place depuis 2017 un système de marquage de l’essence. Un additif chimique invisible à l’œil nu – qui n’altère pas la qualité du produit – permet ainsi d’identifier la provenance du carburant afin de vérifier qu’il est vendu légalement, que les taxes ont été payées, et qu’il respecte les normes environnementales et de qualité fixées par les autorités. Pour augmenter les bénéfices, les trafiquants mélangent fréquemment le combustible avec du kérosène, moins cher à l’achat, qui est ensuite revendu dans certaines stations-service, ce qui nuit aux moteurs, pollue davantage et occasionne d’importantes pertes fiscales. En trois ans, le dispositif de marquage a produit de très bons résultats. Depuis 2017, la consommation de kérosène a été divisée par 10, s’écroulant de 11,1 millions à 1,1 million de litres, ce qui montre combien le carburant était frelaté. Dans le même temps, les revenus fiscaux provenant des ventes de carburant ont également augmenté significativement. En 2019, la hausse s’est élevée à 12 % par rapport à l’année précédente.

Un nouvel appel d’offre pour désigner un prestataire de contrôle des carburants

Le choix du prestataire en charge du contrôle des carburants est donc d’une importance capitale pour les autorités publiques. Le suisse SICPA, en charge du marché depuis deux ans, voit aujourd’hui sa position concurrencée dans le cadre du nouvel appel d’offre lancé par le Ministre des Ressources Naturelles et de l’Energie du Mozambique.

Le Bureau Veritas, géant historique français de l’inspection et de la vérification, manifeste son intérêt pour le marché organisé par les autorités de Maputo, espérant poser un nouveau drapeau en Afrique pour cette activité très prometteuse. Son expérience dans le contrôle qualité des produits lui permet d’ambitionner une place dans le cercle très fermé des principaux acteurs de la traçabilité des carburants. Cependant, il ne possède pas de solutions de marquage et ne peut agir seul. Quant à l’américain Authentix, lui aussi actif dans le contrôle des carburants, sa solution est aujourd’hui obsolète et le groupe est connu pour avoir investi davantage dans le marketing que dans le développement de sa technologie ; il est par ailleurs pris dans une polémique relative à sa participation à des initiatives communes avec les lobbies industriels. En effet, Authentix sponsorise une initiative commune aux industriels, que ses solutions ont vocation à contrôler, soulevant des questions de conflit d’intérêt qui ne sont pas inexistantes dans le secteur pétrolier.

LIRE AUSSI :   Fondation Maria Rosa Mystica/ Kouassi Kouadio Lucien reçoit les bénédictions des fidèles

Maputo attend le soutien de ses partenaires pour contrer l’insurrection djihadiste

Raid djihadiste meurtrier au Mozambique

Dans l’attente de la sélection du meilleur prestataire, et pour que cette manne financière puisse servir à la relance, le Mozambique doit encore réussir à contenir le mouvement d’insurrection djihadiste qui sévit dans le nord du pays. Depuis 2017, les attaques sanglantes se multiplient, en particulier dans la province du Cabo Delgado, très prisée pour ses ressources en hydrocarbures. Ces trois dernières années, les milices terroristes auraient déjà fait plus de 1 300 morts, selon une ONG locale. Dernier épisode en date : le 27 juin, huit ouvriers travaillant sur le projet d’extraction gazière de Total ont été tués lors de l’attaque de leur véhicule par cinq rebelles… Face à la gravité de la situation, le gouvernement attend beaucoup de ses partenaires diplomatiques, à commencer par la France.

Bloqué à Maputo depuis le début de la pandémie, le ministre de la défense Jaime Neto a prévu de rencontrer Florence Parly, son homologue française, lors du Forum de Paris sur la Paix du 11 au 13 novembre prochains, afin de lui demander son aide. Il sollicite notamment la fourniture par l’armée tricolore d’imagerie satellite au service de renseignement et de sécurité de Cabo Delgado ainsi qu’une coopération maritime. Un engagement concret est donc attendu dans les prochains mois de la part d’Emmanuel Macron. Le Mozambique table aussi sur un renfort du Zimbabwe et de l’Angola. Les présidents Joao Lourenço et Emmerson Mnangagwa ont en effet assuré Maputo de leur soutien, mais rien n’a encore été concrétisé à ce jour. Idem pour le Portugal, dont le président Joao Gomes Cravinho se serait dit prêt à intervenir, selon le média Africa Intelligence. Espérons qu’il ne faille pas attendre un autre drame pour que ces promesses soient suivies par des actes…

LIRE AUSSI :   Lassina Karamoko, président de Lider: "Mamadou Koulibaly ne m'effraie pas"

La rédaction