Sénégal-Coronavirus/Le Pr. Moussa Seydi explique l’utilisation de la chloroquine

Plus d’une centaine de cas de coronavirus sont confirmés au Sénégal. Un pays qui vit au ralenti, toujours en état d’urgence depuis le début de la semaine. Le couvre-feu est en vigueur de 20h à 6h. Dans un  l’hôpital à Dakar, la chloroquine est expérimentée par le chef du service des maladies infectieuses, le  professeur Moussa Seydi en vue de faciliter la guérison des malades. Le médecin s’est inspiré des travaux de l’infectiologue Didier Raoult à Marseille.

 Pourquoi avoir essayé la chloroquine sur vos patients?

J’ai essayé l’hydroxychloroquine pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’il y a les résultats préliminaires du professeur Raoult sur un petit nombre de patients. Parce que nous sommes en situation d’urgence sanitaire mondiale. Parce que nous avons besoin de traiter les patients très vite, pour libérer des places et prendre en charge d’autres patients. Le rapport bénéfice-risque était en faveur du bénéfice. C’est pour cela que nous avons commencé à traiter nos patients avec l’hydroxychloroquine, en ayant quand même la précaution de demander leur consentement préalable.

Y- a-t-il une différence entre l’hydroxychloroquine et la chloroquine ?

L’origine est la même, mais ce sont deux molécules légèrement différentes. L’hydroxychloroquine est mieux tolérée et peut-être qu’on a besoin d’une dose mois forte avec l’hydroxychloroquine.

  Très concrètement, que voulez-vous signifier lorsque vous dites « résultats encourageants » ?

Quand nous avons démarré le traitement chez nos patients, nous avons constaté que la charge virale baissait beaucoup plus rapidement. Maintenant, c’est juste un traitement que nous donnons aux malades, après consentement. Nous sommes ici dans une situation pratique, et plus tard, nous allons faire un traitement dans le cadre d’un projet de recherche scientifique, en respectant toutes les normes scientifiques avec l’Institut Pasteur de Dakar…

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« Quand nous avons démarré le traitement chez nos patients, nous avons constaté que la charge virale baissait beaucoup plus rapidement. Maintenant, c’est juste un traitement que nous donnons aux malades, après consentement », soutient le professeur Moussa Seydi.

On peut dire que  ce n’est pas scientifique, ce que vous faites ?  Et sur combien de patients vous avez essayé la chloroquine ?

C’est scientifique, mais ce n’est pas de la recherche. Si on avait une étude validée à cent pour cent, on aurait prescrit le traitement. Donc le médecin prescrit le traitement pour pouvoir guérir son malade. Ce n’est pas dans la recherche. C’est dans la prescription, juste dans la pratique. Et je vous confirme que nous avons utilisé la chloroquine  sur une cinquantaine de patients…

 Y-t-il des guérisons qui ont été observées ?

Il y a peut-être une personne qui est guérie, mais d’ici une semaine on verra le nombre de patients qui vont s’en sortir. Parce que là, nous nous sommes basés sur les résultats de l’Institut Pasteur, qui nous montrent une baisse assez rapide de la charge virale.

L’Organisation mondiale de la santé est assez réservée au sujet de la chloroquine, est-ce que vous n’avez pas l’impression d’aller contre l’avis de cette institution , en vous lançant dans ces expérimentations ?

 Je ne me positionne pas par rapport à aller contre un avis ou à un autre. Non, je prends mes responsabilités en tant que médecin. Je suis responsable de la prise en charge de ces malades au niveau national et je suis chercheur en même temps. Je prends toutes mes responsabilités en fonction de la manière dont je vois les choses. Ceci dit, ce médicament est à déconseiller en automédication. Ce serait très dangereux de le faire en automédication, et en prévention, il n’est pas prouvé que cela marche.

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A cet effet, avez-vous  un appel à lancer à vos compatriotes sénégalais ?

Je leur dis : non seulement, ne vous ruez pas sur l’hydroxychloroquine, mais c’est dangereux pour (vous)… La prescription doit être médicale ; ils ne connaissent pas les contre-indications. Par exemple, l’hydroxychloroquine ne doit pas être administrée chez un enfant de moins 6 ans, chez une femme enceinte, une femme en état de grossesse, une femme qui allaite… Devant certaines pathologies oculaires ou cardiaques on ne doit pas l’utiliser…

 Quel regard portez-vous sur  la transmission qui est devenue   communautaire ? Etes-vous inquiet ?  

La transmission communautaire est une bombe, elle peut nous mener vers n’importe quelle situation. On peut se lever un beau jour et avoir le nombre de cas multiplié par dix, quinze, cent ! Vous voyez, on vous disait dans les premières études comment on a contaminé deux à trois patients… Ensuite, d’autres ont dit sept, huit, neuf, patients… Mais nous, nous avons un patient qui a contaminé vingt-cinq autres personnes. Donc la transmission communautaire c’est vraiment extrêmement inquiétant pour nous !

Le virus circule au-delà des horaires de couvre-feu, – ; est-ce qu’il ne faudrait pas aller plus loin et opter pour le confinement des populations, comme cela se fait dans beaucoup de pays européens ?

– C’est la bonne méthode sur le plan sanitaire, -mais il faut tenir compte d’autres aléas.

Selon vous, le président n’est pas allé assez loin?

 Il est allé assez loin et même plus loin, mais il suit les recommandations qu’on lui donne. Nous, nous faisons des recommandations et à partir de nos recommandations, il prend les décisions. Actuellement, il n’y a pas eu une recommandation unanime pour demander un confinement total (compte tenu) de notre mode de vie.  Les gens vivent au jour le jour, la plupart sont dans un état assez précaire… Donc le confinement total peut être un peu difficile. Le fait de travailler à domicile, le télétravail, tout cela ce sont des aspects assez complexes. Donc il faut mûrir tous ces aspects, avant d’aller vers un confinement total. Mais il est presque certain que, tôt ou tard, nous irons vers cela.

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 Avez-vous les moyens, – de travailler à éradiquer ce virus ?

 Oui, par rapport au nombre de cas, nous avons parfaitement les moyens. Nous sommes à l’aise pour travailler, comme je l’ai toujours dit depuis le début. Mais si le nombre de cas explose, on n’aura plus les moyens…

 A partir de combien de cas cela va devenir un problème ?

C’est difficile de dire à partir de combien de cas, parce que chaque fois on s’adapte. Mais il vaut mieux ne pas attendre tous ces milliers de cas comme en Europe : on serait dans des difficultés plus énormes encore que les difficultés constatées dans ces pays. Donc la prévention doit être le combat qu’il faut mener en priorité.

Source : rfi.fr avec afriquematin.net