Déguerpissement des Forêts classées du Rapide gras / Voici la misère que l’on cache aux ivoiriens.

Par Haidmond Kaunan/ afriquematin.net

Installés avec la complicité des agents de l’administration forestière et rackettés chaque fin d’année par des agents de la société de développement des forêts de Côte d’Ivoire( Sodefor),    cinquante( 50) années durant   pour certains et soixante( 60 )ans pour d’autres, les occupants des forêts classées du Rapide Grah, du  côté de Méagui , ont été déguerpis ce  mercredi 15 janvier 2020 . Ils ont vu leurs campements  rasés et les agents commis pour la besogne  se sont emparés de leurs fèves de cacao séchés, leurs bétails et leurs volailles.

Tristesse et consternation .C’est le sentiment qui se dégage, à écouter Yao Yao, fils d’un illustre producteur de cacao.  « l’installation de nos  parents a été favorisée depuis 1970 à Walèbo, un grand campement   de  près de 2000 âmes dans la sous-préfecture de Méagui. Nous avions été convoqués par le sous-préfet pour nous parler de la nécessité de déguerpir des lieux à cause de la politique de reforestation de l’Etat. Et à notre  retour au campement , les machines avaient déjà rasé et calciné nos maisons. Tous nos bétails, volailles et les fèves de cacao séchés ont été emportés par les agents de la Sodefor ».  Et le déguerpissement des occupants de cette forêt qui ne date pas  de nos jours ne concerne pas un seul village. A en croire Fofana  Pisséhon,  cet autre planteur dont le géniteur avait été installé là il y a de cela  cinq décennies avec la complicité de l’administration forestière. » Nous sommes à Djiminikro. Nous parents occupent ces terres avec la complicité des agents de Eaux et forêts depuis déjà  cinquante ans .A chaque fin d’année, ce sont des millions de francs que nous cotisons pour eux avec  la  promesse de nous protéger contre toute tentative d’expulsion. Nous n’avons plus d’abris et nombre d’entre nous ont perdu tout leurs biens ».  Ce n’est pas Kouadio Bah de Ipou Ndrikro, le plus gros campement du département de Méagui , qui va démentir ce fait. «  Toutes nos écoles ont été détruites, avec plus de 600 élèves enseignés par des enseignants recrutés par le ministère de l’éducation nationale. Les villages qui viennent d’être touchés par l’opération sont  Ipou Ndrikro, Walèbo, Tano Koffikro,Djiminikro, Banditkro. Nos fèves de cacao, nos moutons, nos cabris , nos poulets, nos églises et mosquées n’ont pas été épargnés. Et ce sont des milliers de paysans qui sont aujourd’hui, sans abris.’  raconte-t-il. Curieusement l’opération de déguerpissement a été faite avec une certaine rapidité . Ce qui tend le tout suspect. Quand l’on sait, selon un agent du cantonnement des eaux et forêts à Soubré qui a bien voulu garder l’anonymat « Un communiqué du ministère des Eaux-forêts avait demandé l’arrêt de l’opération de déguerpissement pour éviter de mettre en mal la paix sociale, ce 16 janvier 2020 » . Et pourtant cette décision n’a  pas pu  freiner la détermination de la Sodefor qui a commencé par le rasage des campements et écoles.

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Les forêts classées du Rapide Grah partent de la sous-préfecture de Méagui  à celle  Grand-Béréby en faisant frontière à celle de la Haute Doddo, vers Tabou, via  les sous préfecture de Gabiadji, Doba et  San Pedro. Deux tiers de sa superficie sont occupées par des exploitants agricoles depuis des décennies.

Sodefor –Forêts de rapide grah: l’histoire se répète pour la malheur des paysans.

Qui ne se  souvient  du conflit Sodefor-occupants des forêts classées du Rapides Grah, en 2008? Cette crise concernait les occupants du côte de Goh, entre les sous-préfectures de Méagui et Gabiadji. Les occupants qui en avaient marre des rackets annuels de la Sodefor s’étaient soulevés contre la structure censée protéger le patrimoine de l’Etat mais qui malheureusement avait morcelé et vendu les parcelles aux paysans. Le bilan de cette tension  était de trois morts, du côté des occupants de Winamba, un campement des producteurs d’origine burkinabè et de Goh, celui des originaires de la région de l’Iffou. Des plantations et du  cacao séché incendiés, quatre cargos de la Sodefor calcinés par les occupants. Après enquête, le Préfet de région Ngusesan Obouo Jacques du Bas Sassandra, avait condamné la Sodefor . Et Dr Venance Kouadio Nguettia, alors directeur général  de ladite société d’Etat, . Une excuse publique sanctionnée de cérémonie de pardon  et de réconciliation avait été organisée par cette  structure. Conséquences de cette situation désastrause :  les premiers responsables techniques et administratifs de la Sodefor de Soubré, Méagui et San Pedro avaient été mutés avec des sanctions administratives à l’appui. Et Aujourd’hui,  voici qu’une situation similaire se répète.

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Un Déguerpissement  aux allures de règlement de compte politique ?

 Tout  porte à le croire. Tant il est allé  rapidement.  Le ministère des Eaux et Forêts qui a été mis en cause joue à présent  le  pompier. En effet,  comment comprendre qu’à moins de 10 mois des élections présidentielles,  l’on puisse  raser les logis de milliers de votants qui ont perdu  leurs pièces d’identité après le passage des bulldozers ? Le ministre Alain Donwahi  et feu son géniteur,  Bauza Donwahi,  savent bien ce qui les lient à  ces occupants du Rapide Grah, du côté de  Méagui, selon les  confidences recueillies auprès des populations. Hélas ,  En politique, dit-on, on ne regarde que ses intérêts. Sinon ces milliers d’électeurs qui font la sous-préfecture de Méagui ne devraient pas être aujourd’hui des persona non grata.