Religion: quand Dieu parle en breton

Le phénomène est assez méconnu mais tend à s’amplifier. En Bretagne, les mariages et les baptêmes se célèbrent, de plus en plus, en langue bretonne. De Saint-Brieuc à Quimper, en passant par Pontivy et Hennebont, reportage.

« En ano an Tad, hag ar mab, hag ar Spered Santel ». Oui, la célèbre formule, présentée comme l’une des dernières paroles de Jésus après sa résurrection se dit aussi en breton. Au nom du père, du fils et de la culture bretonne, les prêtres de l’Ouest manient ainsi le celte comme ils ont usé, pendant des millénaires, du latin. Des paroles et un accent bien de chez nous qui résonnent ainsi dans nos chapelles et nos églises, même lors de sacrements officiels comme le mariage.

En quatre mois trois demandes

Un phénomène plutôt récent qui toque surtout à la porte du Centre-Bretagne, terre bretonnante s’il en est. Ainsi, à Pontivy, le père Ivan Brient s’étonne de voir son planning se charger d’hermines et de triskels. « Depuis mai, j’ai eu trois demandes de mariages bilingues, c’est-à-dire en langues française et bretonne. Je n’en avais pourtant eu aucune sur les seize dernières années. Il y a une vraie demande », confie le religieux morbihannais, se rappelant également « d’une demande d’enterrement en breton ». Comme pour mieux rappeler que la langue régionale n’est pas morte. Car si « l’église, depuis trente ans, a quelque peu oublié la dimension de la langue bretonne », comme le pense Ivan Brient, elle semble aujourd’hui rattraper le temps perdu. Mais le chemin fut long : il a d’abord fallu passer par Rome, en 1965, à la faveur du concile Vatican II. Les prêtres renoncèrent alors à la soutane et surtout, les langues usuelles purent se substituer au latin. Les traductions en breton se sont alors couchées sur les livres liturgiques, à l’image de celui du centre spirituel bretonnant de Minihi-Lévénez, à Tréflévénez (29).

Même en pays gallo

« Le nôtre est daté de 1977 », note le père Job an Irien, du diocèse quimpérois, qui, cette année, a uni deux couples à la sauce celte. « Ce phénomène n’est pas une déferlante mais il existe. Et ça me fait plaisir », avoue ce curé pour qui « il est normal de prier en breton ». Des prières et des sacrements « made in Breizh » qui franchissent même la frontière du pays gallo. « J’ai eu une demande de baptême il y a deux ans », se souvient le père Le Quellec, de Saint-Brieuc. « Je sais qu’il y a une demande de gens qui sont attachés à la Bretagne, jeunes ou anciens, d’ailleurs », confie le prêtre costarmoricain. Justement, Maël et Soizig, de Kervignac, sont jeunes. Et fièrement attachés à leur région. Hier, à Pontivy, ils ont ainsi baptisé leur petit Gireg au cours d’une cérémonie entièrement bretonnante, menée par le père Brient. « On vit en breton, alors pour nous, la question ne s’est même pas posée. Il y a une cohérence », explique le couple, qui s’est dit « oui » – pardon, « ya » ! – dans leur langue de coeur, à Hennebont. Dans quelques années, le petit Gireg, au bras de sa douce, se mariera peut-être, lui aussi, en breton. « Gireg, hag asanti a rit beza va fried ? », (« acceptez-vous de me prendre pour épouse ? »), lui demandera alors sa belle…