Litige foncier à vridi Ako: un opérateur acquiert 231 hectares à 06 F le mètre et manœuvre pour contraindre la chefferie à signer les attestations


Par André MADY – Afrique Matin.Net 

Le village de Vridi Ako, village presqu’ile de la Commune de Port-Bouet, dans le District d’Abidjan, est dans la tourmente depuis qu’un opérateur économique tente d’obtenir de force un terrain. Se réclamant propriétaire de 231 hectares, dans la zone encore sous servitude de l’Etat, des mains de quelques villageois pour un montant de… 14 millions de francs Cfa, Joseph-Désiré Biley, c’est de lui qu’il s’agit, manœuvrerait pour une destitution du chef du village qui refuse de signer son ‘’attestation de propriété coutumière’’.   

L’Honorable Yamblé Sagou Jean-Marcel, chef  de Vridi-Ako, village Ebrié de la Commune de Port-Bouet, n’est plus en odeur de sainteté avec une partie de ses administrés. Accusé de plusieurs maux par ses détracteurs, le Pasteur Gnaba Mobio est en embuscade pour le remplacer. Des rencontres avec des résidants de Vridi Ako, ainsi qu’avec le Pasteur Gnaba Mobio, l’Honorable Yamblé Sagou Jean-Marcel et Joseph-Désiré Biley révèlent qu’en lieu et place d’une véritable contestation du chef actuel, c’est plutôt un problème foncier qui éloigne d’ex-collaborateurs de lui, et qui exigent sa destitution.

Des accusations contre le chef du village

En effet, dans un courrier adressé au ministre d’Etat ministre de l’Intérieur et de la Sécurité en date du 28 Avril 2016, les dissidents ont énuméré 9 points de discorde avec leur chef. ‘’1- Monsieur Yamblé Sagou Marcel s’est accaparé un terrain de 6 hectares appartenant à la famille Bessidjro et les a cédés à la société CHEC chargée de l’agrandissement du canal de Vridi et ce, moyennant un paiement mensuel de 350 000 F Cfa. La famille Bessidjro n’en a rien bénéficié ; 2- Il a fait prendre 105 voyages de terre rouge sur la parcelle appartenant au Pasteur Gnaba Mobio. Le cout d’un voyage de sable étant de 45 000 F, c’est au total 4 750 000 F du Pasteur Gnaba que Monsieur Yamblé Sagou Marcel a confisqués ; 3- Il a dépossédé 6 grandes familles de 12 hectares de terrain et les a octroyés aux marins. Ces familles concernées sont : Adjo, Gbéké, N’Gbodi, Sagou, Gbalè, Gnablé ; 4- Il a gardé par devers lui la subvention de 2 500 000 F que la Mairie de Port-Bouet a octroyé au village de Vridi-Ako, au titre de l’exercice 2016-2017, pour son épanouissement ; 5- Il refuse catégoriquement de délivrer des attestations de propriété à plusieurs propriétaires terriens qui souhaitent régulariser leur situation vis-à-vis de l’administration foncière. Les demandeurs en question sont : Gnablé Léon, Koutouan Nicolas, Bessidjro Mathias, Danho Michel, Gbalè Agenon, Akro Ghislain, Akedan Isidore, Adjo Joseph, Gnaba Mobio Honoré, Sagbé Ahibedjui Jean et autres ; 6- De son propre chef, M Yamblé Sagou Marcel a cédé une partie du débarcadère pour la construction d’une station d’essence. Ce dernier a perçu 300 000 F des mains des réalisateurs. Les notables n’ont pas eu connaissance des clauses du contrat ; 7- Il a confié la réhabilitation puis l’exploitation du château d’eau du village à un certain Kaboré quand bien même il savait que la chefferie dispose de 400 000 F pour faire face à cette dépense ; 8- Il a confisqué la vedette du village qui sert d’ambulance dans l’évacuation des cas graves sur les hôpitaux généraux de la ville. Il a même refusé que le corps du pilote Adjo Awo, décédé, soit transféré par celle-ci. De même, dame Bessidjro Martine, qui se trouvait dans une situation difficile d’accouchement n’a pu être évacuée. Conséquence, la jeune dame a perdu son bébé ; 9- Depuis que M Yamblé Sagou Marcel a été porté à la tête du village de Vridi-Ako, il n’a jamais produit de bilan financier’’, écrivent-ils, et font signer la lettre par le doyen du village, qui se défend de n’en avoir pas pris connaissance avant de signer, parce qu’analphabète.

Des ressortissants de la CEDEAO s’en prennent à la gestion du chef

Il en est de même de ressortissants de la communauté CEDEAO, rencontrés dans le village mercredi 19 avril 2017. Pour Djakaridja Ouédraogo dit ‘’DK’’, Secrétaire général du bureau de cette communauté, Dorkerono Justice Kofi, son adjoint, Gideon Quarshie Fiawosime, président de la communauté, Nanéma Souleymane, président de la communauté Burkinabé, Sassouvi Jerome, chef de la communauté Béninoise et Hovor Dogbey, chef de la communauté Ghanéenne qu’entouraient quelques membres de la communauté CEDEAO lors des échanges, ‘’nous n’avons rien contre le chef Yamblé Sagou Marcel. Cependant, nous lui reprochons son orgueil, le fait qu’il nous insulte à longueur de rencontres, nous lui reprochons en un mot sa gestion des hommes. Il décide, à son seul niveau, de nommer des chefs à la tête des communautés sans se référer aux communautés. Et c’est parce que nous ne voulons pas engager de bras de fer avec lui que nous préférons désormais nous en référé aux autorités administratives pour le règlement de tout conflit. Il menace même de nous chasser du village’’, dénoncent-ils entre autres griefs. Ce qui, selon eux, les emmène à composer avec ‘’le nouveau chef’’ dont ils vantent l’esprit d’ouverture. ‘’Depuis sa nomination (sic), il nous a déjà reçu cinq fois à son domicile, contrairement au chef Sagou Marcel qui, depuis 2007 qu’il a été nommé, ne nous reçoit que pour nous insulter’’, justifient-ils leur position.

Accusé, le chef donne des explications

Toutes choses que l’Honorable Yamblé Sagou Marcel, Inspecteur, protection sécurité défense  à la Gendarmerie nationale de Cote d’Ivoire, conteste avec la dernière énergie et justifie son refus de signer des attestations de propriété coutumière, dans un document de 36 pages adressé à toutes fins utiles au ministère d’Etat ministère de l’Intérieur et de la Sécurité, la tutelle, ainsi que partout où besoin en a été. Vridi Ako, qui existe, en tant que village reconnu par l’Etat de Cote d’Ivoire depuis moins de trois (03) ans, est situé sur une superficie totale de 1551 hectares frappés de servitude. ‘’A ma prise de pouvoir (en 2007, ndlr), les 1551 hectares étaient frappés de servitude et mis sous réserve par l’Etat de Cote d’Ivoire pour l’extension du Port d’Abidjan. Aucune vente, dans cette zone, quelle qu’elle soit, ne pouvait être autorisée par le ministère de la Construction et de l’Urbanisme. C’est en 2014 que les doléances formulées par le comité de gestion au nom de la communauté et des autorités du village ont permis d’intégrer le village dans le nouveau schéma directeur d’Abidjan, en lui concédant 433 hectares sur les 1551. Le Port dispose encore d’une grande superficie dont il peut disposer à sa guise. Ainsi, tous les opérateurs économiques qui s’installent ou qui sont installés sur le territoire réservé au domaine portuaire sont le fait du Port Autonome d’Abidjan. C’est le cas de la société Chinoise CHEC, qui a été installée par l’autorité portuaire ; C’est aussi le cas des sociétés ECOSLOP et SIPREL qui envisagent de s’installer dans le domaine portuaire. C’est pour des raisons de bon voisinage, et pour ce que les purges n’ont pas encore été versés que le Port a demandé aux Chinois de rencontrer les autorités villageoises. Néanmoins, il a été négocié et obtenu de la société CHEC le versement de 300 000 F comme prime de cohabitation et 50 000 F destinés aux déplacements du chef de village.

 ‘’Pourquoi je refuse de signer des attestations de propriété coutumières’’

 En ce qui concerne mon refus de la signature des attestations, c’est que l’existence du village n’étant pas encore formalisé, il était hasardeux de signer quelque document que ce soit concernant les parcelles du village. Le document soumis à ma signature par la dissidence est douteux et irrecevable par la notabilité. Ces dissidents demandent d’attribuer la reconnaissance de propriété d’une parcelle du patrimoine du village, estimé à plus de 231 hectares à M Joseph-Désiré Biley qui, si ce fait est établi, en sera l’unique propriétaire. La gestion du village étant collégiale, ce d’autant plus que des membres de la génération Tchagba, la génération montante, sont membres à part entière du comité de gestion au même titre que la génération Dougbo au pouvoir. Certains membres de cette génération montante, dont Bessidjro Bakoua Mathias (qui fait partie de la dissidence, ndlr) font partie intégrante du bureau de la chefferie. Dans ces conditions, comment peut-on me traiter de dictateur. La gestion du village étant confiée à un comité, plusieurs signatures interviennent pour la sortie des fonds. Je suis officier de la Gendarmerie depuis plusieurs années maintenant, et j’ai quand même réalisé quelque chose qui me met à l’abri du besoin, et qui m’assure une sécurité sociale.On m’accuse aussi de confisquer le bateau du village. Mais, c’est parce que j’ai refusé que des gens à qui j’avais confié la gestion voulaient l’utiliser pour usage personnel, en transportant leur production de caoutchouc jusqu’au lieu de la pesée, en lieu et place du transport des cas urgents pour lesquels il avait été confié à responsable’’, se défend l’Honorable Yamblé Sagou Marcel. Qui s’engage à ‘’maintenir un climat de paix, de cohésion sociale et de continuer la gestion collégiale avec tous les fils et filles de Vridi Ako ; A rencontrer les membres de la dissidence pour un dialogue franc et constructif sous l’arbitrage de la chefferie d’Abadjin Kouté et du Maire de la Commune de Port-Bouet, et à réintégrer les membres de la dissidence dans le comité de gestion du village, en cas de dialogue fructueux’’, promet-il.

Joseph-Désiré Biley prend position contre le chef du village 

Interrogé sur la question des 231 hectares, Joseph-Désiré Biley reconnait les avoir acquis, effectivement. Pour lui, point n’est besoin de tergiverser sur la question. Il accuse même l’Honorable Yamblé Sagou Marcel d’avoir gardé par devers lui près de 4 millions de francs de boisson qu’il lui aurait offerte pour le village. Bien plus, il soutient détenir ‘’un document’’ que ce dernier lui aurait signé, et qu’il refuse cependant de montrer. Pour lui, ‘’Sagou Marcel n’est plus chef du village de Vridi Ako, un point un trait’’, dit-il. Et de dire, encore, qu’il lui suffit d’appeler le Préfet d’Abidjan pour qu’il obtienne son arreté de destitution, et celui de nomination de son poulain, le Pasteur Gnaba Mobio, qui serait prêt à signer son attestation de propriété coutumière.

Créé dans les années 1920 en tant que campement par Ako Dogbo Gaston, un pêcheur, et qui y a délimité un territoire de chasse de 1551 hectares, Vridi Ako, devenu village plus tard avec l’arrivée de populations d’Anoumabo (village situé dans la Commune de Marcory, ndlr) d’où il est originaire, d’Abadjin Kouté, de Godoumé et plusieurs ressortissants du Ghana, du Togo, du Benin, de l’ex-Haute Volta, du Mali et de bien d’autres pays pour un besoin de pêche, était considéré comme ‘’le cordon littoral’’ d’Abidjan. Le 14 Mars 1977, l’Etat de Cote d’Ivoire l’a réservé comme ‘’zone destinée à l’extension des installations du Port Autonome d’Abidjan sur les territoires de la Sous-préfecture de Bingerville et de la ville d’Abidjan’’ par l’arrêté n° 219 CAB/SADU. ‘’Est prononcée la mise en réserve au profit du ministère des Travaux Publics et des Transports, pour l’extension des installations du Port Autonome d’Abidjan, des terrains figurant sur le plan au 1/5000 annexé au présent arrêté, portant le n° 76-2-017 D du 20 avril 1976, modifié sous la légende ‘’limite de l’emprise du domaine portuaire’’, précise l’article 1 de ce décret. Et à l’article 2, il est précisé : ‘’L’octroi de toutes concessions, la délivrance de tous titres fonciers, l’exécution de tous travaux et de toutes transformations de l’état du terrain telles que plantations pérennes, ouverture de carrières, remblaiements sont suspendus dans le périmètre défini à l’article 1, à l’exception des zones dites ‘’occupations différées…’’.

Vridi Ako frappé de servitude jusqu’en 2015

En 1998, par le décret n° 98-151 du 25 Mars 1998 portant délimitation des zones d’extension du Port Autonome d’Abidjan (Locodjro, Ile Boulay, cordon littoral (devenu Vridi Ako), ndlr), le président Henri Konan Bédié indiquait que ‘’le site mis en réserve sur le cordon littoral à l’Ouest du canal de Vridi, d’une superficie de 1553 ha 94 a 47 ca compris entre les abscisses 380300 d’une part, et les ordonnées 579 000 et 582 500 d’autre part dans le système de coordonnées du cadastre’’. Durant toutes ces années, Vridi Ako n’était pas reconnu comme village, et n’existait donc pas sur la cartographie de la Cote d’Ivoire. Il a même été frappé de servitude en 2000, comme l’indique le journal officiel ‘’n° 2000-669 du 6 septembre 2000 portant approbation du schéma directeur d’urbanisme du Grand Abidjan’’. C’est en 2014, devenu première autorité coutumière en 2007 et reconnu par l’administration avec l’arrêté n° 02 PA/SG/D1 du 02 janvier 2009 portant sa nomination en qualité de chef du village de Vridi Ako, que l’Honorable Yamblé Marcel a écrit au ministre de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme. Par ce courrier référencé 2014 N° 064/DA/CPB/VVA/SKJ du 19 avril 2014, avec pour objet ‘’doléances du village de Vridi Ako’’, l’Honorable chef a prié le Gouvernement de porter un regard sur les conditions d’existence de son village. ‘’Un village frappé de servitude n’est pas rayé de la carte de son pays. C’est pourquoi, j’ai l’honneur de venir humblement vous demander de vouloir intégrer ce village, son extension et une parcelle arable pour se nourrir dans ce schéma (le schéma directeur d’urbanisme du Grand Abidjan)’’, écrit-il.

Joseph-Désiré Biley achète 1 m2 à 06 F environ

C’est dans l’attente de la réponse du gouvernement que Joseph-Désiré Biley ‘’achète’’ 231 ha 26 a 19 ca avec des villageois (près de 2 400 000 mètres carrés), à…14 millions de francs, soit le mètre carré à 06 F, dans une zone soumise à forte demande, à Abidjan. Les ‘’vendeurs ‘’ soumettent à signature de ‘’l’attestation de propriété coutumière’’ à leur chef, le 16 juin 2014. Ce dernier refuse de la signer, sachant bien que le faisant, il se mettait en marge de la loi. Il n’en fallait pas plus pour que ‘’les vendeurs’’ montent une fronde contre lui, et exigent sa destitution. Des sources concordantes accusent Joseph-Désiré Biley de les pousser dans le dos, lui qui jure que ‘’pour rien au monde, je ne permettrai à quiconque de me spolier de mes terres’’. Et qui demande que ‘’la SIPREL, dont le Directeur général, N’Guessan, est mon ami, doit discuter avec moi, parce que les 35 hectares sur lesquels ils veulent mettre leurs installations sont sur mon terrain’’.

Le village de Vridi Ako en voie de lotissement

La réponse favorable aux doléances du chef de village permet à Vridi Ako de, non seulement devenir un village à part entière en 2015, mais aussi d’obtenir l’acquisition définitive de 268 hectares du site où il est installé et de son extension, et de 433 hectares de terre arable, propriété du village,  sortie ainsi de la zone de servitude. Les démarches pour le lotissement et l’approbation de ces terres sont en cours, et ne peuvent faire l’objet d’aucune transaction pour l’heure.