Situation en Côte d’Ivoire: des universitaires ivoiriens aux Etats-unis interpellent le peuple français.

La Côte d’Ivoire, pays d’Afrique francophone, vit depuis plus d’une décennie une situation d’injustice qui heurte la conscience humaine et appelle à l’action. En choisissant aujourd’hui d’interpeller le peuple français sur le martyre du peuple ivoirien, nous, Caucus des Universitaires Américains d’Origine Ivoirienne (CUNAMORI), sommes pleinement conscients du caractère iconoclaste de notre démarche. On le sait, la politique africaine de la France, de gauche comme de droite, obéit à des codes, normes et conventions immuables qui ont durablement aidé à installer dans l’opinion publique française la certitude selon laquelle il n’y a point de débat qui vaille dès lors qu’il s’agit de l’Afrique. Nous voulons ici et maintenant battre en brèche cette thèse, porter la discussion au cœur de la société française, au plus près de ses forces vives: syndicats, associations, étudiants, citoyens engagés ou en rupture de ban avec la politique. Ce faisant, nous entendons lever le voile sur le drame dans lequel la France de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, par ses choix hasardeux, a plongé un pays, la Côte d’ Ivoire, moquée en prime comme le “joyau de sa couronne” coloniale !
Cher amis français, notre appel ne poursuit donc qu’une seule ambition: dévoiler la réalité de la situation de la Côte d’Ivoire. L’exigence morale ainsi cernée appelle instamment à la vigilance du peuple français.
Ainsi, le Caucus des Universitaires Américains d’Origine Ivoirienne (CUNAMORI) entend-il d’ abord rappeler au peuple français que c’est en son nom que la France officielle, émanation du suffrage universel, agit en Côte d’Ivoire, sans jamais lui rendre compte de son action dans ce pays.
Le Caucus des Universitaires Américains d’Origine Ivoirienne (CUNAMORI) exhorte donc le peuple français à prendre la pleine mesure de la gravité de la situation que vit le peuple de Côte d’ivoire.
Le Caucus des Universitaires Américains d’Origine Ivoirienne (CUNAMORI) signifie au peuple français qu’il est dès lors tout autant responsable que son gouvernement des impairs commis en Côte d’Ivoire.
Le Caucus des Universitaires Américains d’Origine Ivoirienne (CUNAMORI) soutient qu’il n’est plus possible au peuple français de continuer à s’abreuver à une grille de lecture manipulée qui nie l’injustice commise en Côte d’ Ivoire et foule aux pieds tout principe au nom des intérêts français. Les intérêts, parlons-en !
De grands groupes financiers se servant de l’exécutif français comme VRP de luxe mènent le bal en Côte d’Ivoire. Bolloré a ainsi la haute main sur les deux ports stratégiques du pays, Bouygues détient le monopole de l’eau et de l’électricité tandis qu’Orange est un fournisseur incontournable de la téléphonie. La France est présente dans le commerce du cacao, du café, des métaux précieux, du pétrole, etc… Quelque 300 PME hexagonales y prospèrent adossées aux gardes chiourme de l’armée française basée dans le pays. La diplomatie de la Côte d’Ivoire est inféodée à celle de Paris.
Le décor ainsi planté, expliquons maintenant au peuple français ce qui se passe réellement en Côte d’Ivoire depuis ces 20 dernières années?
. Reconnaissons d’abord que la stabilité tant chantée de la Côte d’ Ivoire, vitrine-otage de la France en Afrique, n’était que flatteuse. À la mort du vieux Président Houphouët-Boigny a succédé une lutte féroce pour le pouvoir opposant deux fiers héritiers du parti unique : Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Un Général, Robert Guéi, bras armé de l’oligarchie au pouvoir, leur ravit le graal et instaure une dictature militaire. Dès lors, la victoire de Laurent Gbagbo à l’élection présidentielle de septembre 2000 fut perçue comme une thérapie démocratique pour le pays. Opposant historique à Houphouët-Boigny et au parti unique, il prône l’accession au pouvoir par la voie des urnes. Très vite, cette vision novatrice et osée dérange en France où le vieux subconscient néocolonial n’a pas pris une ride.
Bien que conscient de l’interdépendance des Etats, Laurent Gbagbo reste cependant un souverainiste dans l’âme qui voulait faire de la Côte d’ Ivoire un pays indépendant au même titre que la France, votre pays. Tout naturellement, il ne peut se faire à cette idée raciste qui fait de tout président africain un obligé de Paris. Contrairement aux usages, il refuse de travailler sous la dictée du gouvernement français. L’exercice rétrograde et condescendant consistant à soumettre l’ordre du jour du conseil des ministres à l’approbation de Paris lui est insupportable. L’establishment français dans son ensemble lui fera payer cette outrecuidance. Laurent Gbagbo concentrera alors toutes les haines des gouvernements successifs français offusqués qu’un leader ivoirien « sujet de son pré carré africain », ose remettre en cause l’idylle nouée avec Houphouët-Boigny et recyclée par Bédié et Ouattara.
Cette idylle a un nom : la françafrique, un système d’ exploitation multiforme honteux que François Mattei, journaliste d’investigation français, décrivait ainsi en 2014 :
« Ce sont des mécanismes de domination coloniale qui sont supposés avoir disparu, qui officiellement ont disparu, mais qui sont en fait masqués. Les piliers de la Françafrique existent bel et bien : présence militaire française en Afrique avec plus de 10 000 hommes et des interventions fréquentes, des accords de défense qui permettent cette présence militaire, la haute-main de la France sur le sous-sol de ces pays, par exemple pour l’uranium du Niger qui assure le quart de production électrique française, et le contrôle de la monnaie, le franc CFA, qui est imprimé en France, en Auvergne, et qui est géré par le Trésor public français. Aujourd’hui, la France prend 50 % des devises d’exportations de ces pays : ventes de cacao, café et minéraux, notamment, pour garantir la monnaie. » (Cf. La françafrique est une réalité. In: Buzzles. La pièce d’infos qui vous manque. Rubrique Internationale du 30 novembre 2014).
Chers amis français, vous conviendrez que pareille ignominie n’est acceptable nulle part au monde. Encore moins en…France, un pays connu et reconnu pour son nationalisme sourcilleux. Le Général de Gaulle n’avait-il pas « foutu » les Américains dehors sans égard aucun pour leur déterminante contribution à la libération de la France des griffes du nazisme ? Laurent Gbagbo est-il un épigone de de Gaulle ? A vous d’en juger.

Avant son accession au pouvoir d’Etat et aussi au cours de sa gouvernance, Laurent Gbagbo a témoigné de son aversion pour la Françafrique. L’agenda qu’il élabore pour lutter contre ce phénomène abject est très détaillé :
. Laurent Gbagbo veut obtenir le démantèlement du 43ème Bima, base militaire française installée à Port-Bouët, au sud d’Abidjan, par le Général de Gaulle et au plaisir obséquieux d’Houphouët-Boigny, premier Président du pays.
. Il entend se retirer du Franc CFA, cette monnaie coloniale qui travaille contre les économies africaines.
. Il rejette le tête-à-tête stérile avec la France pour promouvoir une politique du « donnant-donnant » et d’égalité en diversifiant les partenaires économiques. Il se rend ainsi en Chine en avril 2002 pour toucher du doigt les leviers ayant permis à ce pays de sortir du sous-développement.
. Au rebours de ses pairs africains, il refuse la mendicité de l’aide au développement et met en place un « budget sécurisé ». Ce budget réoriente radicalement la philosophie du développement en vigueur en décrétant que la Côte d’ Ivoire se doit d’abord de compter sur ses propres ressources et ne considérer tout apport extérieur que comme appoint. En principe, pareille innovation aurait dû ravir la France, elle qui – on ne nous le rappelle que trop souvent – se dit contrainte de porter à bout de bras des pays africains défaillants. Que nenni ! Allez savoir pourquoi !
. Il dénonce un code des investissements irresponsable autorisant les entreprises étrangères – majoritairement françaises – installées en Côte d’ Ivoire à rapatrier la totalité de leurs bénéfices, obérant ainsi toute possibilité d’un véritable décollage économique du pays.
Au plan symbolique:
. Il dédaigne les fameux sommets franco-africains dont l’objectif inavoué est de réévaluer constamment et de conforter la place centrale de la France dans sa basse-cour africaine tout en infantilisant les dirigeants africains et leurs peuples.
. En patriote vigilant, il interdit à son armée de se joindre aux rituels défilés du 14 Juillet à Paris car il a conscience que ce faisant, il rétrocède l’indépendance de son pays à la France.
. Il n’accepte pas que l’on veuille faire financer les scrutins nationaux – baromètres de souveraineté – par la France avec laquelle il entendait d’ailleurs traiter d’égal à égal.
. Alors que ses pairs africains en villégiature imméritée en France, regardent ce pays comme un horizon indépassable, y dilapidant les deniers de leurs pays, lui, trouve plaisir à se reposer dans les stations balnéaires modestes de la Côte d’Ivoire.
. N’ayant ni biens personnels ni comptes bancaires en France, il passe pour une anomalie aux yeux de ses pairs.

Visiblement, Laurent Gbagbo était devenu un symbole gênant que la France se devait de neutraliser au plus vite au risque d’ouvrir la porte à une contagion mortelle dans sa sphère d’influence. La rébellion sanguinaire de septembre 2002 – rébellion de restauration du vieux système de privilèges – soutenue par les gouvernements de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy trouve ici tout son sens. Tout y passa: intelligence, soutien logistique, diabolisation et lynchage médiatique de Gbagbo, campagne diplomatique de pression, tout fut mis en œuvre pour tuer dans l’œuf une espérance, une expérience unique d’émancipation politique, économique et culturelle en Afrique francophone en ce début de 21e siècle. Laurent Gbagbo ne pourra plus gouverner librement et dérouler son programme de bien-être au profit des populations et devra, pour la sauvegarde de la paix, partager le pouvoir avec un groupement de rebelles adoubés par la France.

Ainsi seront signés les fameux Accords de Marcoussis – accords de paix en trompe l’œil – ayant permis à la France non seulement de temporiser pour réorganiser une rébellion de vieux soudards incapables mais aussi et surtout de déposséder le président Gbagbo de ses prérogatives légitimes, le tout dans un contexte de gouvernement d’union où dirigeants élus démocratiquement et rebelles incultes formaient un attelage improbable. Et pour cause, la France en grande ordonnatrice redoutait une sortie de crise avec un Laurent Gbagbo renforcé dans sa légitimité.

Un scrutin présidentiel truqué d’avance par les officines françaises et hanté par une rébellion toujours en armes se tient en 2010. Il oppose Laurent Gbagbo aux deux obligés de la France, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Gbagbo est déclaré vainqueur par le Conseil Constitutionnel de son pays, juge suprême des élections. La Commission Électorale Indépendante à son tour proclame M. Ouattara élu au mépris des dispositions de la loi électorale mais avec le soutien ferme et constant des bénéficiaires de la déstabilisation du pays : la Communauté internationale, une entité qui se réduit ici à une poignée de pays occidentaux menés par la France. Sûr de son fait et par souci d’apaisement, Gbagbo préconise un recomptage des voix sous la supervision de l’Union Africaine ou de toute autre institution crédible. Refus hystérique de Ouattara et de ses alliés occidentaux menés par le Secrétaire Général de l’ONU, M. Ban Ki-Moon et son représentant en Côte d’Ivoire, M. Choi, un homme des basses besognes. Quant à Nicolas Sarkozy, son hostilité envers Laurent Gbagbo et son activisme au profit de Ouattara laissent pantois. Ainsi, la solution du recomptage concédée à Al Gore en 2000 par la Cour Suprême de la Floride (recomptage annulé, il est vrai, après-coup le 12 décembre 2000 par la Cour Suprême des États-Unis), préconisée ensuite en Haïti en 2010 par Bill Clinton et la France et récemment implémentée au Gabon en 2016, était du coup brocardée comme « perte de temps !!!». On comprendra très vite le but de la manœuvre : imposer une solution militaire.
La guerre en Côte d’Ivoire sera atroce, faisant plus de 20 000 morts. Sur le terrain, lors de la bataille décisive d’Abidjan en avril 2011, la déroute des mercenaires de Ouattara contraint la France, son alliée, à jeter le masque. Les hélicoptères d’attaque du contingent français “La Licorne” massacrent alors les populations civiles indignées qui tentaient de rallier le quartier présidentiel de Cocody. Le bilan macabre, largement sous-évalué, fait état de 300 morts en l’espace d’une journée. L’armée d’occupation de Sarkozy épaulée par le contingent des Nations-Unies, pilonne également les casernes militaires d’Agban et d’Akouédo à Abidjan. Enfin, toujours appuyées par les hélicoptères de combat, les forces françaises bombardent au lance-missile le palais présidentiel d’un pays indépendant et capturent son Président légitime pour, in fine, rétablir la domination impériale de la France sur la Côte d’Ivoire, son ancienne colonie.
Chers amis français, méfiez-vous des campagnes d’intoxication financées à coup de milliards d’euros par le pouvoir d’Abidjan et menées par certains journalistes corrompus de l’Hexagone. Retenez que M. Ouattara n’a pas gagné l’élection présidentielle de 2010. Pour conforter son pouvoir usurpé, il a dû, au pas de charge et contre tout bon sens, transférer Laurent Gbagbo à la Cour Pénale Internationale pour y être jugé pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Aujourd’hui, cela fait déjà six ans que les vainqueurs de la guerre sont au pouvoir et à l’œuvre en Côte d’Ivoire. Quel bilan ?

Au plan politique et syndical, le tableau est bien sombre. Le pouvoir antidémocratique d’Abidjan, liberticide à souhait, s’attaque avec hargne aux avancées démocratiques obtenues de haute lutte par Laurent Gbagbo et ses camarades. Jugez-en vous-mêmes ! A ce jour, les centres de détention du pays comptent plus de trois cents prisonniers politiques proches de Laurent Gbagbo. La presse est bâillonnée par un CNP (Conseil National de la Presse) qui, loin de réguler la profession, se charge, telle une Gestapo tropicale, de dresser la liste des journalistes à embastiller pour délit de presse. Les libertés syndicales sont piétinées et les syndicalistes jetés en prison, limogés ou mutés vers des postes déshérités. La machine répressive du pouvoir les traite non pas comme des partenaires au dialogue social mais plutôt comme des ennemis politiques à abattre.

La réconciliation, clé de voûte de la cohésion nationale, reste un vœu pieux. Charles Konan-Banny, le Président de l’ex-Commission Dialogue, Vérité, Réconciliation (CDVR), créée le 13 juillet 2011, fut sommé par Ouattara de ranger son rapport au placard. M. Banny met aujourd’hui en garde, recommandant de ne point confondre le « calme avec la paix ». Une « justice des vainqueurs » est en marche, frappant toujours dans le camp de Laurent Gbagbo, jamais dans celui de Ouattara, qui peut ainsi nier impunément les crimes imputés à ses mercenaires par les ONG internationales. Ces criminels en treillis font actuellement office d’armée nationale de la Côte d’Ivoire ! Cerise sur le gâteau, ceux-ci viennent d’obtenir individuellement de leur employeur Ouattara, par la force des armes, une villa et le versement d’une « prime de rébellion » estimée à 12 000 000 FCFA, soit 18 000 Euros: une vraie misère, n’est-ce pas ? Du coup, le pays est contraint à un exercice d’ajustement hâtif de ses finances. Et si toutes ces largesses avaient été consenties hors-budget dans le plus démocratique des pays!

Au plan social, c’est le désenchantement. Si le régime s’octroie volontiers des taux de croissance à deux chiffres, les populations crient famine. C’est donc une croissance appauvrissante que les médias français aux ordres refusent de qualifier comme telle. Aujourd’hui, les foyers ivoiriens sont abonnés à la «mort subite », doux euphémisme pour nommer le seul, unique et précieux repas quotidien. Le chômage atteint des proportions inédites. Le « rattrapage ethnique » – trouvaille discriminatoire de M. Ouattara – qui réserve les emplois publics et privés aux seuls pro-Ouattara originaires du septentrion ivoirien – fait office de politique nationale de l’emploi dans un pays où cohabitent pourtant une soixantaine d’ethnies ! Livrée à elle-même, la jeunesse, gage de survie de la nation, se gangstérise en se décomposant en « microbes » et autres « coupeurs de routes » : viols, attaques à la machette et meurtres gratuits sont le lot quotidien des populations ivoiriennes dans un silence sonore, comme autant de tributs cyniques payés au recyclage des mercenaires de Ouattara. Une nouveauté : de nombreux jeunes fuyant le « paradis » de Ouattara s’en vont mourir sur les plages méditerranéennes. C’est pourquoi, la complaisance de la France officielle qui, au nom des intérêts, déroule le tapis rouge au dictateur Ouattara en visite à Paris est choquante et mérite d’être dénoncée. Voilà donc le visage de la Côte d’Ivoire de Ouattara telle que voulue par ses soutiens extérieurs.

Peuple français, le Caucus des Universitaires Américains d’Origine Ivoirienne (CUNAMORI) connaît ton esprit d’engagement. Des horreurs du Liban aux crimes odieux de la Bosnie, des tragédies de l’Irak au martyre de l’Arménie, tu as toujours fait montre d’une capacité d’indignation qui force le respect. Ta mémoire ne doit pas être sélective. Refuse de cautionner les dérives nostalgiques des gouvernants français sans vision qui ont décrété la fin de l’Histoire en Côte d’Ivoire en prenant fait et cause pour le régime du gouverneur tropical Ouattara. Ne te rends pas complice de ton gouvernement et de ses élites mafieuses qui s’allient volontiers aux dictateurs africains véreux pour se partager les richesses de la corruption, du vol et des viols. Agis dès maintenant! Ose-leur demander des comptes quant aux visées de la politique poursuivie en Côte d’ivoire en ton nom. Faute de quoi, après la déflagration qui s’annonce, ton “je ne savais rien de tout ça” tombera dans des oreilles de sourds. Car demain, il sera trop tard!

PASCAL KOKORA

Caucus des Universitaires Américains d’Origine Ivoirienne (CUNAMORI)