Rdc-blocage de l’accord de paix/ Félix Tshisekedi accuse le pouvoir en place 

La vie politique en RDC est toujours comme suspendue… Près de deux mois après l’accord du 31 décembre dernier, il n’y a toujours pas de gouvernement de transition. Le décès d’Étienne Tshisekedi, survenu le 1er février dernier, n’arrange rien. Félix Tshisekedi, en donne les raisons.

Le ministre Léonard She Okitundu- a rejeté sur l’opposition tous les retards de la mise en œuvre de l’accord. Ce serait donc de votre faute, selon lui ?

C’est vraiment à tomber à la renverse cette déclaration parce que les termes de l’accord signé le 31 décembre sont clairs en leur article 3. Cet accord dit scrupuleusement ceci « Le Premier ministre est présenté par le Rassemblement. Ensuite, il est nommé par le président de la République conformément à l’article 78 de la Constitution ». Donc vous voyez bien qu’on ne dit pas que le Rassemblement présente plusieurs candidats Premier ministre parmi lesquels le président de la République en choisira un, mais plutôt le Premier ministre que le président de la République nommera. Je crois que c’est très clair : le blocage vient de nos amis d’en face qui continuent à s’accrocher sur cette exigence qui ne vient de nulle part et qui n’a jamais d’ailleurs eu lieu dans l’histoire récente de la République. Là, c’est de la distraction destinée, à mon avis, à faire passer le temps à tuer l’accord quelque part.

Il n’y a pas de rapprochement possible. Vous ne seriez pas d’accord effectivement que l’opposition propose trois noms au président Kabila et que Kabila choisisse ?

Le problème ici, c’est plutôt une question de principe. A partir du moment où on fait une entorse à l’accord en faisant cela, ça veut dire qu’à tout moment, on pourra revenir sur les autres termes qui ne conviendraient pas afin de les revoir aussi.

Mais on voit bien qu’en respectant scrupuleusement les principes, ces sources de blocage, on n’avance pas ?

Oui, mais en y mettant de la mauvaise foi aussi, on n’avancera pas. Si à chaque fois qu’on voudra avancer sur un point et qu’on sort une intention comme ça malveillante, évidemment qu’on n’avancera pas. Ici, je crois que c’est clair : il n’est pas  question de faire perdre la face à qui que ce soit. Ce sont des engagements que nous avons pris ensemble après moult discussions. Je ne vois pas où est-ce qu’il y a problème. C’est au Rassemblement de désigner la personne qu’il faut et c’est le président de la République qui le nomme. Donc dans tous les cas, il reste responsable de la situation. Donc il n’y a rien qui lui échappe.

Vous clairement, vous briguez ce poste de Premier ministre ?

Je ne le brigue pas clairement comme vous dites, mais il y a certains amis, beaucoup d’amis d’ailleurs au sein du Rassemblement, qui avaient souhaité que je le brigue. Mais je crois que le problème n’est pas à ce niveau-là. Moi ou un autre, l’essentiel c’est de respect des engagements pris afin de débloquer évidemment cette situation regrettable.

L’opposition elle-même ne facilite pas tellement la tâche de la mise en œuvre de cet accord. L’opposition montre un visage plutôt déchiré entre l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), orpheline aujourd’hui, et le groupe G7 (sept partis ayant appartenu à la majorité présidentielle et aujourd’hui dans l’opposition) proche de Moïse Katumbi. Sur le poste du président du Conseil des sages, sur le Comité de suivi, etc. Il y a vraiment des désaccords profonds ?

Je tiens à démentir d’abord, à tordre le cou à cette rumeur et à réaffirmer ici l’assurance que tout se passe très bien entre l’UDPS, le G7 et tous les autres partenaires : la Dynamique [de l’opposition de Kamerhe], l’AR [Alternance pour la République], les alliés de l’UDPS, etc. Ca se passe très bien. Pas plus tard qu’hier, nous avons eu une réunion très importante. Nous avons passé en revue évidemment tous ces problèmes. Il n’y a pas l’ombre d’un seul problème. Evidemment il est question ici de la succession d’Etienne Tshisekedi au poste du président du Conseil des sages du Rassemblement, par conséquent, celui du Conseil national du suivi de l’accord. Forcément, c’est une succession. On succède à un homme qui a été un grand homme, une référence, une icône. Ça ne peut pas se faire sans heurts. Et ce sont des heurts qui sont tout à fait démocratiques. Il n’y a rien à craindre et d’ailleurs tant mieux je dirais, parce que nous ne sommes pas dans un mouvement à pensée unique. Il faut évidemment que les uns et les autres expriment leurs ambitions, c’est tout à fait légitime. Mais l’essentiel est de finalement aboutir à une solution. Et c’est à cette solution que nous avons commencé à nous pencher depuis hier. Donc il n’y a vraiment pas d’inquiétude à entrevoir ou percevoir là-dedans.

La présidence du Comité de suivi va revenir à l’UDPS ou au G7 ?

Ça, on verra après le débat. Il n’y a pas que le G7 et l’UDPS dans le Rassemblement. Il ne faut pas ramener le tout à deux composantes. En tout cas, moi j’ai confiance à tous nos partenaires. Je sais que nous sommes tous conscients de l’ampleur de la mission qui est la nôtre. Et ce n’est pas au niveau de quelques postes qui lui restent qui sont éphémères, le poste de président du Conseil national du suivi de l’accord, et même le poste de Premier ministre, ce sont des postes qui sont limités dans la durée. Donc on ne va pas s’entredéchirer pour ce genre de chose.

Alors la dépouille d’Etienne Tshisekedi sera-t-elle rapatriée à Kinshasa assez vite maintenant, dans les prochains jours ? Là encore, blocage.

Oui, nous l’espérons. Quand je dis « nous », là je parle au nom de la famille. Nous l’espérons parce que ça a trop duré déjà. Ça va faire 18 jours, trois semaines presque et c’est trop. Mais je crois que ça dépendra là, une fois de plus aussi, du pouvoir en place.

Nous avons demandé un site pour l’inhumation du président Etienne Tshisekedi.

Vous demandez effectivement un mausolée ?

Oui, un site sur lequel sera érigé le mausolée. Nous avons plusieurs propositions. Je pense que ça va aboutir sur une solution. Ça, c’est la première étape, celle de trouver le site d’inhumation. Ensuite, il y a l’autre étape, les conditions de sécurité. Il y a énormément de tensions, surtout dans nos rangs, parce que les militants du parti ne veulent pas que le gouvernement actuel soit celui qui va organiser les funérailles, pour des raisons qui sont les leurs. Nous trouvons que si c’est cela, une condition qui peut ramener la paix dans les esprits et permettre à ces funérailles de se passer de manière paisible, pourquoi ne pas le faire ? C’est cet appel que nous lançons au gouvernement. Mais je tiens ici à préciser que nous n’en faisons pas l’exigence. Nous sommes en train de réfléchir au niveau de la famille de la réponse que nous recevrons dans les jours qui viennent. Par rapport aux conditions de sécurité dépendra notre décision de rapatrier ou pas la dépouille du président.

Source : rfi.fr