Déclaration de KONE Bruno : le FPI réagit

Monsieur KONE Bruno, Ministre ivoirien de la Communication, de l’Economie numérique et de la Poste, et par ailleurs porte-parole du gouvernement, a rencontré le Conseil National de la Presse (CNP) le jeudi 2 février 2017.

Les propos tenus par le membre du gouvernement au cours de cette rencontre tels que rapportés par la presse écrite, dont le quotidien Le Temps dans sa parution N°3998 du vendredi 3 février, suscite la réaction ci-après du Front Populaire Ivoirien en trois (3) points : les faits (1) ; l’analyse du FPI (2) ; conclusion (3).

1-Les faits
La visite du premier responsable d’un département ministériel à ses collaborateurs dans les démembrements administratifs dudit département est une pratique de routine normale. C’est dans ce cadre que Monsieur KONE Bruno, Ministre du gouvernement Ouattara, ponte du RDR, parti détenteur du brevet de falsification de l’Histoire de la Côte d’Ivoire qu’il utilise comme fonds de commerce politique, a déclaré, pince sans rire : « Les Ivoiriens pensent que la presse est à l’origine de leur malheur ».
Puis, se voulant plus précis et restant en cela tout à fait fidèle à l’addiction de son parti à la projection psychologique dont l’une des manifestations consiste à accuser l’Autre de ce que l’on avait soi-même l’intention de lui faire subir, le Ministre de la République se fait porte-parole du militant RDR et assène : « Il y a ceux qui veulent construire la Côte d’Ivoire et la presse de l’opposition, c’est-à-dire les méchants ivoiriens qui n’aiment pas leur pays et qui veulent le détruire » (Le Temps N°3998 du vendredi 3 février 2017, P 3).
Une telle déclaration, faite par un Ministre, es qualité, ne peut laisser indifférent la Front Populaire Ivoirien, tant les enjeux en sont réels. Cela appelle l’analyse succincte du FPI comme il suit.

2-L’analyse du FPI
L’aveu, par le Monsieur KONE Bruno lui-même, de ce que les Ivoiriens souffrent le martyr sous le régime Ouattara dont il est une personnalité influente, adhérant ainsi, bien tardivement, au constat général établi par des observateurs à l’esprit d’analyse non corrompu, y compris par les soutiens d’ici et d’ailleurs du régime Ouattara, est assurément le mérite à mettre au crédit d’une survivance de lucidité que le citoyen KONE Bruno peut encore légitimement revendiquer.
En dehors de cet aveu, le reste de la déclaration du Ministre emprunte l’esprit de la propagande de militant adepte du manichéisme commode que traduit la lettre de ladite déclaration : l’angélisme autocentré qui se manifeste par la gratification de soi et des siens, ceux qui, la main sur le cœur, « veulent construire la Côte d’Ivoire », d’un côté ; et les Autres, à savoir « la presse de l’opposition », partie intégrante des « méchants Ivoiriens qui n’aiment pas leur pays et qui veulent le détruire », de l’autre.
Le Ministre KONE Bruno se rend ainsi coupable d’un fait de catégorisation tranchée des Ivoiriens, dont la dénonciation a pourtant longtemps été invoquée par les deux composantes civile et militaire de l’ex-rébellion armée pour justifier le glaive porter dans le sein de la mère patrie en 2002 (lire Pourquoi je suis devenu un rebelle de Soro Guillaume, la Charte du Nord 1 et 2 entre autres).
A ce sujet, ce n’est guère un vil détail de noter que jamais auparavant, l’opinion nationale et internationale n’a été aussi unanime sur l’activation de la catégorisation comme outil de décision et de gouvernance sous le régime Ouattara à travers la préférence accordée à l’ethnie, et ce, en application de la politique de rattrapage ethnique. Les promotions dans la haute administration ivoirienne depuis 2011, confortées par les plus récentes nominations dans l’institution militaire, et dont la presse a fait un large écho, ont achevé de faire douter de leur conviction même les thuriféraires les plus irréductibles du régime.
Peut-on objectivement rendre la presse coupable des effets du rattrapage ethnique, pourtant sereinement revendiqué de notoriété publique par son auteur en 2011, sans se couvrir de ridicule ? Dans quelle mesure la presse de l’opposition en particulier est-elle la cause du martyr que souffrent tous ces cadres, personnes ressources et experts ivoiriens, et d’une façon générale ces fils et filles de Côte d’Ivoire non originaires du Nord, et dont le tort est soit de ne pas avoir le pédigrée nordiste soit d’être des pro-Gbagbo ?
Il relève pourtant du bon sens élémentaire que le remède à un mal n’est efficace qu’à la condition d’en avoir bien identifier la source ou la cause. En l’occurrence ici, les journalistes de la presse de l’opposition ne peuvent être ni « à l’origine » du malheur des Ivoiriens ni de ces « méchants Ivoiriens qui n’aiment pas leur pays et qui veulent le détruire ». Il s’agit-là, assurément, d’une fuite en avant poltronne et sans scrupule traduisant le refus ou l’indigence d’une introspection productive.
Mais le RDR, parti Etat est coutumier de la logique sans frais du bouc émissaire selon laquelle « l’enfer c’est les Autres ». Adama Bictogo, un autre cacique du RDR en charge de la mobilisation ne déclarait-il pas, il y a peu, qu’on aurait évité les mutineries à répétition si le Président Laurent GBAGBO s’était promptement plié aux injonctions de la communauté internationale et avait accepté de quitter le pouvoir en 2011?
Qui, Monsieur le Ministre, au prix d’un mépris cynique a soutenu que seuls deux cents (200) cyber activistes désœuvrés s’exhibaient sur la toile pour dénoncer la cherté de la vie en Côte d’Ivoire ? La presse fait l’événement parce qu’elle en assure la couverture et la diffusion auprès du grand public. Mais seuls les choix en pensées, en discours et en actions des acteurs politiques créent l’événement. L’actualité politique en France, dominée par des révélations en cascade sur les candidats déclarés à la présidentielle d’avril-mai prochain dans ce pays l’attestent fort bien. C’est leur passé de citoyens et d’hommes politiques qui les rattrape par la médiation de la presse, activée ou non par des adversaires. Quelle leçon doit-on en tirer in fine ?

3-Conclusion
De ce qui précède, il résulte que tout statut social emportant des charges publiques est toujours assorti de la contrainte d’un code d’honneur et d’éthique, et donc du sens de la responsabilité. Et le premier niveau de l’exercice de cette responsabilité passe par la pleine conscience des enjeux des déclarations rapportées au contexte de leur production. Un Ministre, grand serviteur de l’Etat dans une République, ne parle pas sans prêter attention aux effets pervers de sa prise de parole. Il ne parle pas non plus, de mauvaise foi avérée, la main sur le cœur, car les faits sont têtus et la mémoire collective d’un peuple au sujet de son Histoire est incorruptible.
En effet, sous le régime Ouattara aujourd’hui, plus aucun Ivoirien ne peut avoir le moindre doute sur les principaux acteurs, commanditaires, bénéficiaires et exécutants de l’ex-rébellion de 2002 parachevée en 2011. Le peuple connaît ces « méchants Ivoiriens qui n’aiment pas leur pays et qui veulent le détruire », et leur affiliation politique ; ceux qui œuvrent à mettre la Côte d’Ivoire en lambeaux au niveau économique, du corps social et dans son aspiration à être un modèle de démocratie ; à être une nation libre et souveraine.

Pour le Front Populaire Ivoirien
Professeur Hilaire BOHUI
Secrétaire National