Elections générales/La situation juridique du président Laurent Gbagbo est préoccupante

Par Pr Séraphin Prao*

 Lors d’une conférence de presse conjointe, le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ont produit une déclaration commune dans laquelle ils dénoncent les irrégularités présentes sur la liste électorale et exposent des suspicions de fraudes sur cette même liste électorale.

 Le président de la Commission électorale indépendante, – Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, tente d’apporter des réponses aux différentes préoccupations soulevées par ces deux partis politiques mais échoue à convaincre. Le président de la Commission électorale indépendante dont le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » salue la communication a, dans ses sorties, informé l’opinion publique nationale et internationale que le ministère de l’intérieur qui a la charge de l’état civil national est défaillant et que c’est pour cela que des personnes décédées se retrouvent sur la liste électorale de 2023.

Lui et certaines personnalités politiques du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) se défaussent sur l’opposition en lui rétorquant qu’elle sait ce qu’il faut fournir pour que les noms des personnes décédées soient extirpés de la liste électorale. Autrement dit, c’est à l’opposition de le faire. Il est certain que si l’opposition n’avait pas parlé de ce problème, la Commission électorale indépendante aurait produit les cartes d’électeurs de ces personnes décédées pour que, de leur tombe, elles participent au vote à titre posthume.

« Le président de la Commission électorale indépendante soutient aussi que les irrégularités présentes sur la liste électorale le sont depuis 2008 »,selon Séraphin Prao

Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », c’est scandaleux de dire ces choses qui non seulement exposent les légèretés et insuffisances de la Commission électorale indépendante mais aussi montrent que l’administration ivoirienne, à travers le ministère de l’intérieur, semble n’avoir mis en place aucun dispositif ou mécanisme de centralisation et de gestion des données de l’état civil. Et pourtant, aucune inhumation ne peut se faire (en zone urbaine notamment) sans une déclaration de décès, un certificat de non-contagion, un permis d’inhumer et bien d’autres pièces, selon les cas, qui ne sont pas délivrées gratuitement.

La Commission électorale est-elle certifiée selon les normes électorales internationales ?

Disposer d’un montant de plus de douze (12) milliards FCFA et produire ce que l’on sait pour, ensuite, dire qu’il revient aux citoyens et aux partis politiques de produire les éléments nécessaires au retrait de la liste électorale des noms des personnes décédées et autres est une fuite en avant grossière et un gros aveux d’échec totalement inacceptable. Normalement, des conséquences devraient être tirées après ces aveux et l’Etat devrait auditer l’utilisation des fonds alloués à la Commission électorale.

Le président de la Commission électorale indépendante soutient aussi que les irrégularités présentes sur la liste électorale le sont depuis 2008. Soit. Alors, comment comprendre que des personnes âgées de trois ans se soient retrouvées sur la liste électorale produite en 2023 ? Le temps s’est-il arrêté en 2008 au niveau de la Commission électorale qui a, pourtant, organisé bien d’autres élections après 2010 ? Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », cet argument est cousu de fils blancs grossiers.

Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », au lieu de chercher à trouver des justifications à l’injustifiable, la Commission électorale indépendante gagnerait à travailler comme il faut selon les normes qualité. Si elle faisait régulièrement la mise à jour annuelle de la liste électorale comme la lui impose la loi, l’on n’aurait certainement pas eu les irrégularités que soulève l’opposition.

Notre Commission électorale est-elle certifiée selon les normes électorales internationales de certification des organes de gestion électorale de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) ? Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » s’interroge. Un tel discrédit qui couvre la Commission électorale indépendante devrait l’amener à solliciter elle-même un audit international pour garantir la fiabilité du fichier électoral et éviter la honte et les troubles consécutifs.

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Il revient aussi que, dans certaines localités, notamment à Aboisso, le président de la commission locale est aussi directeur de cabinet d’un des candidats en lice pour les régionales. Comment la commission centrale qui a à sa tête un juriste chevronné peut-elle laisser prospérer pareille situation susceptible de nuire à la sincérité du scrutin ?

 Est-on obligé de prendre le directeur de cabinet d’un candidat pour superviser une élection à laquelle participe son chef ? Les légèretés et insuffisances que présente la Commission électorale indépendante donnent l’impression qu’elle veut biaiser le jeu électoral au profit d’un camp et donc n’est pas neutre. Dès lors, ces légèretés et insuffisances perdent leur caractère anodin pour revêtir celui de manœuvres voulues effectuées à dessein ; ce qui est tout aussi malheureux qu’inacceptable.

Du cas du président Laurent Gbagbo

Le président de la Commission électorale indépendante a abondamment expliqué (c’est son sujet favori) que le retrait du nom du président Laurent Gbagbo de la liste électorale relève des dispositions légales en vigueur en Côte d’Ivoire. Soit. Mais comment comprendre que ce dernier qui est déchu de ses droits civils et politiques depuis 2018 est aussi président d’un parti politique légalement constitué et est même reçu, à ce titre, par le Président de la République.

Les populations ont besoin que le gouvernement de Côte d’Ivoire leur explique ces curiosités juridico-politiques dont les ivoiriens sont champions. Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », quand l’on veut être conséquent, il n’y pas de demi-mesure. Ou bien l’on est dans une situation de vengeance non avouée qui consiste à faire payer à un adversaire ce qu’il vous aurait fait et de lui faire voir de toutes les couleurs.

Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », la clé de la situation relative au président Laurent Gbagbo se trouve entre les mains du Président Alassane Ouattara. Que l’on arrête de jouer avec l’intelligence des ivoiriens en expliquant que le problème du président Laurent Gbagbo est juridique et qu’il se doit de se tourner vers la justice.

Le Président Alassane Ouattara a la responsabilité d’être chef de l’Etat. Qu’il se souvienne que c’est parce que le président Laurent Gbagbo, alors chef de l’Etat, l’a voulu, contre la volonté populaire élevée en Loi fondamentale, qu’il a pu être candidat en 2010 et élu président de la République. Oui, il a enduré des choses terribles qu’on ne devrait faire vivre à personne pour des questions électoralistes et qu’il ne devrait pas non plus faire vivre à quelqu’un d’autre. Mais, c’était sa croix qu’il devait porter. Que le Président Alassane Ouattara voit les choses ainsi. Sur terre, chacun porte nécessairement sa croix par une main tierce.

Mais si le président Laurent Gbagbo avait voulu s’arcbouter à la loi et avait brandi le respect stricto sensu des dispositions constitutionnelles, le Président Alassane Ouattara n’aurait jamais été candidat à aucune élection en Côte d’Ivoire, encore moins élu président de la République parce que la Constitution est la Loi des lois et est au-dessus des jugements rendus par n’importe quelle chambre judiciaire.

Le regret des Ivoiriens

Malgré cela, le président Laurent Gbagbo, au nom de la paix et de la réconciliation et contre l’avis de certains de ses partisans, a accepté de faire usage du pouvoir exceptionnel que lui donne la Constitution, de violer légalement cette Constitution pour que le Président Alassane Ouattara ait aujourd’hui le pouvoir d’agir pour le compte de la Côte d’Ivoire. Nous avons été tous témoins de cet épisode de l’histoire de la Côte d’Ivoire.

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L’inéligibilité du président Alassane Ouattara que lui-même avait reconnue et publiquement acceptée a empoisonné pendant près d’une décennie l’atmosphère politique et nuit gravement à la cohésion sociale en Côte d’Ivoire. Au moment où les effets pervers de ce poison de la division sont en train de se dissiper peu à peu, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » ne souhaite pas qu’un autre poison politique soit inoculé au corps social ivoirien qui a trop souffert des calculs politiciens auxquels l’on donne des allures juridiquement correctes pour se donner bonne conscience.

Nombre d’ivoiriens regrettent, aujourd’hui, l’acte de sagesse posé en son temps par le président Laurent Gbagbo. En effet, certaines personnes auraient préféré que la rébellion dure vingt-ans, voire trente ans s’il le fallait mais que la ligne dure soit maintenue vaille que vaille.

Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » demande au Président de la République, Chef de l’Etat, de ne pas encourager ceux qui nourrissent ce ressentiment grincheux parce qu’alors plus jamais aucune concession, même pour la paix et la réconciliation, ne sera faite après le passage au pouvoir du régime RHDP qui aura appris aux ivoiriens comment il faut être intransigeant et juridiquement fin. Que le RHDP ne pense pas à sa force actuelle qui ne tient que parce qu’il est au pouvoir. Qu’il pense aux générations à venir d’ivoiriens et à ses prochains dirigeants qu’il condamne par son intransigeance.

C’est maintenant qu’il faut agir

Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire, si la Côte d’Ivoire, notre si beau pays, si économiquement dynamique malgré les insuffisances sur le plan social, est encore une fois déchirée et défigurée pour des questions politiques, ce sera bien parce que le Président Alassane Ouattara aura voulu que le gigantesque travail qu’il a abattu après la crise post-électorale soit démoli de ses propres mains. Si notre pays étonne encore une fois le monde par sa capacité à résoudre ses contradictions politiques par le dialogue et le consensus, ce sera aussi parce que le Président Alassane Ouattara l’aura voulu. La clé du problème Laurent Gbagbo se trouve donc entre les mains du Président Alassane Ouattara. Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » persiste et signe.

Mais, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » est conscient qu’autour du Président Alassane Ouattara, il y a des faucons, comme pour tout pouvoir, qui ne veulent entendre parler d’aucune concession, qui sont prêts à en découvre avec qui veut, même si, pour cela, la Côte d’Ivoire doit disparaître et ressembler au Rwanda de 1994.

C’est pourquoi le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » sollicite la médiation éclairée de l’Archevêque d’Abidjan, Monseigneur Jean-Pierre Kutwa, appuyé par la Conférence des évêques, du Cheick Ousmane Diakité, aidé du Conseil supérieur des imams (COSIM), du Révérend Ediémou Blin Jacob, président de l’église du Christianisme Céleste, soutenu par le Conseil national des guides religieux de Côte d’Ivoire et de biens d’autres personnalités religieuses ou non dont la voix compte et fait autorité afin qu’elles aident à aboutir à un juste milieu acceptable pour que la Côte d’Ivoire ne revive plus ce que nous avons déjà traversé.

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Avec ces autorités religieuses, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » veut se positionner au centre de la gauche, contre les extrêmes de tous bords et toujours en faveur de la paix qui s’établit toujours sur la base des concessions mutuelles et du consensus.

Dans une Afrique dans laquelle la religion n’est pas folklorique et qui n’a pas encore tué Dieu, si les légats du divin parlent à des personnes qui ne veulent pas entendre raison, intransigeantes qu’elles sont mais qui, tous les dimanches et vendredis, sont assis dans les églises, les temples et les mosquées comme de beaux anges bienfaisants, alors, il faut prier Dieu pour que ce qui doit arriver arrive, aussi tragique soit-il. Dans tous les cas, tout est expérience et la sagesse tire sa substance de la bêtise humaine. Quand on n’a pas atteint le fond, on reste parfois sourd à la voix de cette sagesse.

Savoir faire le bon choix

Pour le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire », c’est maintenant qu’il faut agir pour anticiper et guérir à la racine ce cancer de la Nation ivoirienne. Il ne faut pas attendre au moment où le feu a déjà pris et où les esprits sont surchauffés et sourds à la raison pour tenter une quelconque conciliation. Elle ne marchera pas. Il est une vérité que la colère des trois grands est une éruption volcanique pour toute la société ivoirienne. Cela fait 28 ans que nous vivons périodiquement les mêmes choses. La Côte d’Ivoire n’est pas maudite à ce point ! Qu’aurait-elle fait à Dieu ?

Ces temps de troubles généralisés qui n’épargnent aucun pays de la planète commandent beaucoup de sagesse et de mesure dans l’approche de certains problèmes politiques intérieurs ; les fins de millénaires qui marquent la fin d’un temps sont toujours aussi turbulentes et tout devient instable et extrêmement volatil.

Entre l’eau pour éteindre la braise qui risque d’être incandescente et de tout ravager et le bidon de pétrole qui risque de transformer la petite braise en incendie national ravageur avec des conséquences intercommunautaires, économiques, sociales, humaines, etc. incalculables, le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » espère que le meilleur choix sera fait sans calcul aucun pour des élections générales inclusives, ouvertes, transparentes, crédibles et paisibles.

Le mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire » appelle le RHDP, en général, très irrité et irritable sur certaines questions politiques, notamment celles relatives au président Laurent Gbagbo, à se rappeler le gros dommage que la frilosité des appareils politiques a causé à ce pays et qui a nécessité de gros investissements de reconstruction post-crise.

En 2025, l’on doit avoir en lice ceux que l’on appelle les trois (3) grands ou l’on ne doit avoir aucun d’eux au nom de la paix et pour la stabilité de ce pays. C’est la position de principe du mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire ». Une génération et plus d’ivoiriens, soit 28 ans en 2023, 30 ans en 2025, n’a connu que des palabres adossés à la loi. Cela suffit. Il n’y a pas que ça.

Des challenges attendent le pays et c’est ensemble, unis et solidaires, malgré nos différences qui sont une source de richesse nationale inestimable, que nous devons les relever et non dans les coups politiques les uns contre les autres pour des enjeux électoralistes.

*Président du Mouvement « Les Démocrates de Côte d’Ivoire »