Coupe du monde 2022/Peut-on compter sur le Maroc pour capitaliser son parcours remarquable

L’équipe marocaine de football est parvenue à se hisser en demi-finale de la récente Coupe du monde de football au Qatar, une première pour une équipe africaine à parvenir à ce stade d’un Mondial. Comment le royaume pourrait-il profiter de cette performance des Lions de l’Atlas en termes de rayonnement à l’échelle mondiale ? Professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Pierre Vermeren donne des pistes

 La réussite inédite de l’équipe marocaine de football pourrait-elle apporter au Royaume des gains diplomatiques ? 

 Des gains diplomatiques, je ne sais pas, parce que la diplomatie, c’est quand même autre chose que le football. Toutefois, on peut compter sur le Maroc pour effectivement capitaliser sur ce parcours tout à fait remarquable à la Coupe du monde, notamment en Afrique, parce qu’on sait que le Maroc a une diplomatie africaine très active. Il veut compter parmi les grands. Le défi de remporter la Coupe d’Afrique des nations dans deux ans a déjà été lancé, ou en tout cas, d’y briller, c’est certain.

Le Maroc, qui est dans une compétition très importante avec ses challengers, notamment arabes, que ce soit l’Algérie où l’Égypte, va tout faire pour briller. Mais enfin, il faut quand même rester réaliste, le football, c’est effectivement très important, c’est de la politique et on l’a vu durant tout ce mois. Toutefois, les victoires diplomatiques et les victoires sportives sont quand même de deux ordres différents.

« En tant que premier pays africain, arabe et maghrébin à atteindre ce niveau de la compétition footballistique internationale, le Maroc a marqué un point ».

Ce parcours extraordinaire des Marocains au mondial, vient-il confirmer la stratégie du soft power sur laquelle Rabat mise depuis plusieurs années pour affirmer son rôle à l’international ?  

Oh, dans le domaine du sport, oui, très clairement, parce que, quand on termine premier de son groupe, et qu’on bat deux très grandes équipes européennes, il y a quand même peu de hasard. C’était une réussite méritoire et préparée. Encore une fois, cette académie de football près de Rabat, qui a été créée en 2009, on voit que 13 ans après, on a un résultat tout à fait remarquable.

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De plus, cette fois-ci, le Maroc possédait un entraîneur marocain, ce qui est aussi une première. La dimension nationale, nationaliste, est très forte, avec une célébration digne des grandes nations de football, quand l’équipe est rentrée chez elle, avec des images diffusées un peu partout en Afrique et dans le monde arabe.

Il y a une diplomatie du sport tout à fait évidente. Néanmoins, on est quand même dans le domaine du sport, même si le sport fait partie du soft power, même si le sport améliore l’image des nations et que clairement le Maroc joue cette carte.

Certains observateurs avancent que cette victoire sportive est une victoire symbolique sur l’Algérie- partagez-vous cet avis ? 

Je crois que l’Algérie avait remporté la dernière Coupe d’Afrique des Nations. Elle n’a pas participé à cette Coupe du monde, donc clairement là, oui, dans le petit match bilatéral entre le Maroc et l’Algérie, le Maroc a marqué un point. En tout cas, il s’est vengé de la dernière étape, et cette fois-ci pas au niveau africain, ni maghrébin, mais au niveau international, donc bien sûr, ça va entraîner certainement une réaction de la part de l’Algérie.

En tout cas, en tant que premier pays africain, arabe et maghrébin à atteindre ce niveau de la compétition footballistique internationale, le Maroc a marqué un point. C’est un point précieux, c’est quelque chose évidemment de très apprécié. On connaît la passion du football qui traverse tout le Maghreb, qui est très puissante aussi en Algérie. Il y a évidemment pour eux un challenge à relever, mais ce challenge a été porté cette fois-ci par le Maroc clairement.

On a vu des joueurs et des supporters brandir le drapeau palestinien quand l’équipe marocaine gagnait. Or, on sait que le Royaume a normalisé ses relations avec Israël. Comment interprétez-vous cette situation – d’un point de vue politique ? 

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Je pense que ça aurait été n’importe quelle équipe d’un pays du Maghreb ou du Moyen-Orient, on aurait eu aussi des drapeaux palestiniens. Alors c’est vrai que tous les pays n’ont pas la même histoire avec la Palestine, avec Israël. Mais on sait très bien que la cause palestinienne reste très chère au cœur et aux opinions publiques dans la région, au Maroc en particulier.

Moi, ça ne m’a absolument pas surpris. De toute manière, vous savez, la politique internationale, la realpolitik domine. Après, il y a le cœur, et dans le cœur des Marocains, c’est clair que si le pays et le Royaume mettent souvent en avant, ses relations avec Israël, ce n’est quand même pas vraiment étonnant qu’il y ait une très puissante affection vis-à-vis des Palestiniens, dont on n’a plus beaucoup parlé ces dernières années pour diverses raisons, notamment depuis les printemps arabes.

Mais, le peuple marocain, qui, pendant des décennies a manifesté en faveur des Palestiniens, n’a pas évidemment oublié cette cause, comme on vient de le voir. Je pense que ce n’est pas du tout le hasard, ce n’est pas non plus marginal. C’était une expression, je dirais, légitime et surtout pas très confidentielle et pas très inattendue.

Source : rfi.fr