Royaume des Baoulés/La rupture est-elle réellement consommée entre les partisans de la légalité et ceux de la légitimité ?

Une contribution de Ferro M. Bally*

Le royaume baoulé traverse des trous d’air, paralysé par une sévère crise de succession. Un groupe, à travers un communiqué en date du 13 mai 2024 de la Cour royale de Sakassou, annonce la nomination du 14ème roi en la personne de Nanan Kouadio Maxime. Un autre, au nombre des cadres et ressortissants de Sakassou conduits alors par Paul Akoto Yao, se range derrière celui qu’il reconnaît comme le 13ème roi, Nanan Kassi Anvo. Le journaliste Ferro Bally porte son regard sur cette crise créée et alimentée par une frange de politiques.

Ferro Bailly note que sur cette crise en pays Baoulé, la situation est devenue plus confuse en raison de l’ingérence des politiques.

L’imbroglio est total depuis la disparition, en 2004, du 12è roi des Baoulé, Nanan Kouakou Anougblé III. Une grave crise oppose deux clans rivaux, celui de Mo N’ga Tanou Monique, la soeur du roi défunt, et celui de Kassi Anvo, le propre fils de Tanou Monique. Infanticide contre matricide royal dans la guerre du trône.

Or, depuis la fin du règne de la deuxième reine des Baoulé, Nanan Akwa Boni (1760-1790), « seul un aboussouan ou awloba d’un roi, c’est-à-dire le neveu en ligne matrilinéaire, peut hériter de lui, », selon le texte du comité scientifique datant d’avril 2019 qui réserve donc la chaise royale aux hommes.

C’est ce droit coutumier, qui a été observé scrupuleusement du troisième roi des Baoulé, Kouakou Guié (1790-1820, neveu de la reine Akwa Boni) au 12è roi Anougblé III (1995-2004, neveu du roi Kouamé Guié II).

LIRE AUSSI :   Côte d'Ivoire-Présidentielle/International Crisis Group prévient : les conditions actuelles ne permettent pas de tenir une élection

Après le décès du roi Anougblé III, le principe sacro-saint, « aucun fils n’hérite du trône de son père et aucune soeur ne l’hérite de son frère » qui prévalait, a été jeté aux orties et violé. Et le royaume fait face à une dyarchie de fait.

Mo N’ga Tanou Monique, soeur d’Anougblé III, a rejeté le statut de reine-mère, qui lui revenait d’office, pour s’introniser 13ème Reine des Baoulé, fonction qui est destinée, en principe, à son fils utérin Kassi Anvo, neveu de Anougblé III et héritier légitime du trône royal. Et sur le terrain coutumier, c’est Nanan Kassi Anvo qui est reconnu jusque chez le peuple frère des Ashantis.

La situation est devenue plus confuse en raison de l’ingérence des politiques. Les rivalités entre Alassane Ouattara, chef de l’État et président du Rhdp, et Henri Konan Bédié, Baoulé et président du Pdci-Rda, se sont déportées sur ce champ pour le contrôle de cette forte communauté. L’un, détenteur du pouvoir public, est pour la soeur d’Anougblé III et l’autre, garant moral des Baoulés, pour le neveu du roi défunt.

Et les positions sont ouvertement affichées. Avant sa mort, qui vient d’être officiellement annoncée, la reine des Baoulés recevait la visite d’Alassane Ouattara, des autorités et ministres baoulé militants du Rhdp. Nanan Kouadio Maxime, choisi pour lui succéder, a prévu une délégation de haut niveau pour porter la nouvelle au chef de l’État. Afin de faire allégeance et continuer à bénéficier des bonnes grâces du pouvoir.

Quant à Bédié, il ouvrait, à l’instar des autres ressortissants baoulé qui revendiquent leur appartenance au Pdci-Rda, sa porte à Nanan Kassi Anvo. Mme Thérèse Houphouët-Boigny a même mis sa résidence de la Riviera à sa disposition, n’ayant plus accès à la Cour royale de Sakassou gardée par les forces de l’ordre.

LIRE AUSSI :   Niger : des élus réclament la libération de 15 femmes enlevées par Boko Haram

Ceci expliquant cela, aucune délégation de la reine Akwa Boni II n’a été dépêchée pour présenter les condoléances à la famille Bédié éplorée, depuis la disparition, le 1er août 2023, de l’ancien président de la République. Plus grave, ses partisans ont choisi d’attendre la veille des funérailles de N’zuéba programmées du 20 mai au 2 juin 2024 pour officialiser une mort, secret de polichinelle depuis le mois de mai 2023. Un timing calculé et à dessein.

Comme on le dit chez les Baoulé, « igname est vraiment coupée », c’est-à-dire que, dans cette guerre sans merci qui n’a cure des us et coutumes, la rupture est consommée entre les partisans de la légalité et ceux de la légitimité.

*Ancien rédacteur en chef de Fraternité Matin

Source : pressivoire.com