Reportage-Bonon/Sur les ruines des campements déguerpis
Un reportage de Brice Youlé-Correspondant permanent/afriquematin.net
Depuis le 17 septembre 2024, les habitants de plus d’une quarantaine de campements situés dans la forêt classée de Bonon, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, vivent une tragédie sans précédent. Suite à une opération de déguerpissement, une douzaine d’entre eux ont été totalement détruits, laissant des centaines de familles sans abri, sans ressources et avec un avenir incertain.
Pour certains, ces terres étaient leur foyer depuis plus de 34 ans, pour d’autres, plus de 50 ans. Aujourd’hui, deux mois après ces événements, les conditions de vie des déguerpis continuent de se dégrader. Entre maisons détruites, enfants déscolarisés, récoltes abandonnées et absence de soutien durable, leur cri d’alarme résonne comme un appel désespéré à l’aide.
Des maisons détruites, des vies brisées
L’expulsion a profondément bouleversé la vie de ces familles. Les habitations, les champs agricoles et même les infrastructures scolaires n’ont pas été épargnés. À Djénébakro, la seule école du village a été détruite, privant les enfants d’un accès à l’éducation.
Kouassi Valérie, une habitante de l’un des campements détruits, raconte, « voici ma maison, ils ont cassé. C’est ici que je dormais depuis plus de 25 ans. Aujourd’hui, je ne sais plus où aller », rappelle-t-elle avec émotion.
Comme elle, des dizaines de familles se retrouvent sans abri, contraintes de chercher refuge dans des localités voisines où elles vivent dans des conditions précaires.
Des enfants privés d’éducation
L’impact de ce déguerpissement sur les enfants est alarmant. Avec la destruction de l’école de Djénébakro et la saturation des établissements voisins, de nombreux enfants n’ont pas repris leur scolarité.
« Certains enfants n’ont pas repris l’école, soit parce qu’elle est trop loin, soit parce que nous n’avons pas les moyens », informe un paysan.
Les infrastructures éducatives, déjà insuffisantes dans la région, sont désormais incapables d’accueillir les élèves déplacés, compromettant leur avenir.
Des champs et des récoltes abandonnées
Le déguerpissement a également détruit l’unique moyen de subsistance des habitants : l’agriculture. Les champs de cacao et autres cultures vivrières ont été abandonnés. Les récoltes, laissées en brousse, sont régulièrement pillées par des voleurs.
Selon Kouadio Jules, un habitant de Yaokouadiokro, « on nous a permis de récolter nos cacaos, mais comme les voleurs savent qu’on n’est plus dans les campements, ils viennent la nuit pour voler nos récoltes. Nous n’avons plus rien à manger », indique-t-il avec beaucoup de regret.
Pour Nguessan David, établi à Dibykro depuis 1972, les conséquences sont catastrophiques, « je suis vieux, avec des enfants à l’école et d’autres à l’université. Comment allons-nous vivre ? On nous interdit de nettoyer nos champs, nos récoltes pourrissent en brousse », note-t-il.
Un appel urgent à la solidarité
Entre logements détruits, scolarité brisée et perte des moyens de subsistance, une intervention rapide et efficace est cruciale pour permettre à ces familles de se reconstruire.
Le drame des déguerpis de Bonon interpelle la conscience collective. L’État, les organisations humanitaires et la société civile doivent unir leurs efforts pour offrir un avenir à ces familles. Les besoins sont nombreux, notamment, le relogement, l’accès à l’éducation, le soutien alimentaire et la relance des activités agricoles.
Ainsi donc, deux mois après ce déguerpissement, ces familles vivent dans des conditions indignes, marquées par l’incertitude et le désespoir.