RD Congo : la scène politique se (re)met en branle

Retour triomphal de Moïse Katumbi, nomination d’un chef de gouvernement : après l’élection de Félix Tshisekedi, une nouvelle séquence s’ouvre dans le pays.

 

La RD Congo est-il enfin sorti de son tunnel postélectoral essentiellement secoué par le refus de Martin Fayulu de reconnaître la victoire de Félix Tshisekedi et marqué par le duel d’influence à distance que se sont livré Joseph Kabila et le nouveau président ? Celui-ci aura mis du temps à nommer un Premier ministre, mais il y sera quand même arrivé. En effet, après quatre mois d’attente et de tractations, le nouveau président de la République démocratique du Congo a accepté de prendre comme chef de gouvernement un homme au profil très singulier, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, qui lui a été proposé par son prédécesseur, Joseph Kabila, et ce, pour former un gouvernement de coalition. Ce même lundi, Moïse Katumbi, un poids lourd de l’opposition, s’est rappelé au bon souvenir de l’alliance Tshisekedi-Kabila, avec un retour d’exil triomphal devant des dizaines de milliers de partisans dans son fief de Lubumbashi (Sud-Est).

Un chef de gouvernement fruit d’intenses tractations

Revenons à Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Qui est-il ? Le nouveau Premier ministre de RD Congo est un économiste septuagénaire mi-technocrate, mi-politique, qui, pour citer le porte-parole du chef de l’État, a été nommé en vertu de « l’accord politique » entre les coalitions de MM. Tshisekedi et Kabila. Cet accord politique donne toute sa saveur à l’« alternance » saluée ce même lundi à Kinshasa par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Devant la presse, le nouveau Premier ministre a remercié le chef de l’État et son prédécesseur Joseph Kabila, « qui [l]’a proposé comme candidat Premier ministre en [l]’assurant de sa confiance ». M. Ilunga Ilunkamba était en retrait de la vie politique à la tête de la Société nationale des chemins de fer congolais (SNCC). Une des innombrables entreprises publiques dont les salariés ont fait grève pour réclamer le paiement d’arriérés de salaires (jusqu’à 227 avait avancé un média en ligne congolais).

Ce docteur en sciences économiques aurait 72 ans, d’après un CV qui circule sur les réseaux sociaux, alors que son entourage avait avancé un âge plus élevé. Il a été quatre fois vice-ministre et deux fois ministre au Plan et aux Finances, selon la présidence, qui a dû rafraîchir la mémoire des Congolais : M. Ilunga Ilunkamba aurait été au gouvernement pour la dernière fois en 1991, à l’époque de l’ex-dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997), d’après son CV. Vieux routier, il doit faire le trait d’union entre le président Tshisekedi, qui dispose des importantes prérogatives que prévoit la Constitution, et M. Kabila, qui conserve tous les autres leviers du pouvoir, à commencer par une large majorité au Parlement. Il doit maintenant former un gouvernement où les partisans de M. Kabila devraient être majoritaires, puis solliciter la confiance de l’Assemblée nationale où il va devoir compter avec les partisans de Moïse Katumbi.

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Quelle place pour Moïse Katumbi ?

Le principal opposant à l’attelage Tshisekedi-Kabila s’appellera-t-il Moïse Katumbi ? La question est posée. L’ex-gouverneur du Katanga est rentré au pays, trois ans, jour pour jour, après son départ en pleine tourmente judiciaire sous la pression de l’ancien régime Kabila. Tout vêtu de blanc, le riche homme d’affaires et président du TP Mazembe, champion en titre du football congolais, a fait un retour digne d’une rock star ou d’un joueur-vedette, salué par des dizaines de milliers de fans pendant cinq bonnes heures entre l’aéroport et le centre-ville. Pendant cette longue caravane, l’AFP n’a relevé aucun incident majeur à Lubumbashi, où les regroupements d’opposants étaient systématiquement dispersés dans les derniers mois du régime Kabila avant les élections du 30 décembre. « Je reviens pour la paix et pour la reconstruction nationale dans notre pays », a-t-il ajouté, promettant de respecter la Constitution. M. Katumbi, exilé en Belgique, avait tenté en vain de revenir en août pour présenter sa candidature à l’élection présidentielle. Sa condamnation à trois ans de prison a depuis été annulée. Allié puis adversaire de l’ex-président Kabila qui l’a qualifié de « Judas », M. Katumbi a déclaré qu’il se situait toujours dans l’opposition au président Tshisekedi. Il devra préciser le rôle qu’il entend jouer avec Martin Fayulu, le candidat qu’il a soutenu à l’élection présidentielle du 30 décembre et qui revendique la victoire.

Un lundi pas comme les autres

« Un autre pas en avant dans la démocratie en #RDC avec le retour au pays de @moise_katumbi #Changement », a tweeté l’ambassadeur américain Mike Hammer. « C’est une belle journée », a également glissé le ministre français des Affaires étrangères, en visite à Kinshasa. « Le président Emmanuel Macron m’a demandé de saluer toutes les initiatives prises par le président Tshisekedi dans le domaine de l’État de droit », a-t-il déclaré en sortant du bureau du président Tshisekedi, quelques heures avant la nomination du nouveau Premier ministre. Il a annoncé un programme d’aide de 300 millions d’euros à la RDC pendant les cinq ans du mandat de M. Tshisekedi. Le résultat de l’élection congolaise est le fruit d’un « compromis à l’africaine », avait déclaré en février M. Le Drian, après avoir mis en doute la victoire de M. Tshisekedi proclamée par la Commission électorale. « Il y a eu une vraie élection démocratique, je la constate, validée par la Cour constitutionnelle et validée par l’Union africaine », a-t-il, cette fois, déclaré lundi à Kinshasa.

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Source: lepoint