Production cacaoyère/Fortin Bley précise que le commerce équitable améliore la vie des petits producteurs
Avec près de 1,7 million de tonnes de cacao produites chaque année, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui le premier producteur mondial de cacao. Mais qu’en est-il du commerce équitable pour cette filière clé de l’économie ivoirienne ? 25 000 planteurs ivoiriens-sur 600 000 au total selon la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (Bceao)-appliquent les principes du cahier des charges de Fairtrade International (formation des producteurs, meilleure visibilité sur les contrats de vente, priorité donnée aux intrants naturels…). À l’occasion de la Quinzaine du Commerce Équitable qui s’est tenue récemment en France, Fortin Bley, producteur de cacao en Côte d’Ivoire et président de Fairtrade Africa en Afrique de l’Ouest depuis 2015, branche de l’association Fairtrade International, explique l’impact du commerce équitable sur la production de cacao.
Développer le commerce équitable en Afrique de l’Ouest est une initiative récente. Demeure-t-elle marginale en Côte d’Ivoire ?
En Afrique de l’Ouest, Fairtrade Africa chapeaute 135 organisations de producteurs. Avec une cinquantaine de coopératives comptant chacune environ 500 membres (soit environ 25 000 planteurs au total), la Côte d’Ivoire est le pays qui en dénombre le plus. Pourtant, le commerce équitable est encore peu développé. La première coopérative ivoirienne a vu le jour en 2006. Mais il faut attendre 2010 pour obtenir la certification du système Fairtrade-Max Havelaar, Max Havelaar étant une branche de l’association Fairtrade International. Cela n’a rien à voir avec des pays d’Afrique de l’Est comme le Kenya, très en avance, qui réalise déjà des partenariats Sud-Sud pour la production de café équitable.
Passer du commerce conventionnel au commerce équitable a-t-il eu un impact sur les conditions de production et de vente du cacao en Côte d’Ivoire ?
Au niveau de la production, l’application du cahier des charges de Fairtrade International a permis plusieurs évolutions. La première concerne la formation des producteurs. Alors que nos parents suivaient des techniques traditionnelles, nous sommes désormais formés à de nouvelles techniques plus productives et respectueuses de l’environnement. Et j’en arrive au deuxième point, la possibilité d’obtenir à coûts réduits des intrants homologués par le commerce international et par la Côte d’Ivoire, en favorisant au maximum les intrants naturels et les produits agro-chimiques verts, comme le compost.
Concernant la vente, la certification Max Havelaar a permis aux producteurs de cacao ivoiriens d’être placés au centre du processus et d’avoir un poids dans les négociations. Désormais, il existe une réelle visibilité sur les contrats passés avec les acheteurs. Avant ces derniers imposaient les termes du contrat, ou parfois il n’y en avait même pas !
A titre de comparaison, le planteur belge de cacaoyers KKO International avait signalé que l’obtention du label Rainforest Alliance donnait lieu à une prime sur le prix d’achat des fèves de cacao de la part des transformateurs. Y a-t-il une logique similaire avec le label Max Havelaar ?
Un système de primes de développement a été mis en place. Elles coûtent 200 dollars par tonne de fèves de cacao et sont payées par les acheteurs finaux, comme par exemple Cargill en Côte d’Ivoire. Elles n’impactent pas directement les revenus des petits producteurs car elles sont reversées aux coopératives. Néanmoins, elles permettent de financer certains projets proposés par leurs membres. Surtout, ces primes sont utilisées pour construire des écoles ou des centres de santé, et apporter de l’eau potable par exemple. Elles améliorent les conditions de vie des producteurs.
Certaines filières, comme le coton, ont beaucoup de difficultés à écouler les produits certifiés équitables. Ce risque existe-il pour le cacao ?
C’est vrai que nous avons connu des moments difficiles, notamment pendant la crise ivoirienne de 2010-2011. Depuis lors, même si aujourd’hui le prix minimum garanti* pour la fève de cacao en Côte d’Ivoire est inférieur à celui du marché, nous nous en sortons bien. Nous appliquons d’ailleurs toujours le prix le plus élevé, le prix minimum étant surtout un filet de sécurité.
Source.J.A