Prisons, affectations abusives: pourquoi fait-on du nord de la Côte d’Ivoire un enfer pour les Ivoirens?

Par Christ Zorro Afriquematin.net.

Est-ce une damnation qui s’est abattue sur le nord de la Côte d’Ivoire ou est-ce seulement une image préfabriquée dans le but de ternir l’image d’une composante entière du territoire Ivoirien ? Les faits, hélas, jouent en la défaveur de cette partie du pays et les tenants actuels du pouvoir ivoirien ne semblent guère se soucier des conséquences à long terme de cette perception malsaine que se fait graduellement du nord une bonne partie de l’opinion nationale.

« L’opinion asservit tout, parce qu’elle agit doucement et longtemps ; elle est comme l’atmosphère qui nous environne, et agit sur nous sans que nous nous en doutions » disait en 1819 le médecin Français chauvot de beauchêne dans ses maximes. Il ne croyait pas si bien dire, tant  cette assertion trouve un écho dans ce qui pourrait être indexé comme le mal qui risque, si l’on n’y prend garde, de porter préjudice à toute la Côte d’Ivoire.

Le nord est perçu comme un goulag : les faits sont tenaces et bien établis. Et nul, s’il n’est doté d’un minimum de bon sens,  reconnaitra que c’est le lieu que privilégient les tenants actuels du pouvoir pour incarcérer tous les opposants politiques. De la prison de Bouna en passant par Odienné et Katiola, les prisons du nord sont  des lieux tristement célèbres oùdes sévices indélébiles ont été infligés et continuent de l’être  à d’illustres fils qui ont concouru à la prospérité de ce pays et par voie de conséquence, de  cette partie de la Côte d’ivoire : Laurent et Simone Gbagbo ont été incarcérés à Odienné, Pascal Affi N’guessan  et Michel Gbagbo pour les plus connus à Bouna, feu Basile Mahan Gahé ex-secrétaire de la centrale syndicale Dignité, Geneviève Bro Gregbe et le ministre Béchio Jean Jacques à Katiola.

Les « fils du nord » en partie responsables de cette image : l’actuel ministre de l’éducation nationale, Mme Camara Kandia, en tentant de mettre à mal le leadership du syndicaliste Comoé Mesmin, a tenté de l’éloigner de la capitale en l’affectant à Minignan, sous-préfecture d’Odienné. Affecté ce syndicaliste dans une région autre que le nord n’aurait certainement pas alimenté autant la  polémique. La région du nord est-elle le purgatoire ? En 2000, au plus fort de la transition militaire, l’actuel chef d’Etat Ivoirien, le Président Alassane Ouattara, lançait depuis la capitale Française : « On ne veut pas que je sois candidat parce que je suis du nord et musulman ». Etait-ce à dessein ou était-ce une saute d’humeur malheureuse ? De toute évidence, cette phrase controversée de l’homme politique Ivoirien a creusé une profonde division d’entre les fils de la Côte d’Ivoire et contribuée en partie aux tensions qu’a subies ce pays. En outre, Le célèbre regaeman Ivoirien, Alpha Blondy, fut accusé à l’époque d’être un partisan d’une charte dénommée « la charte du nord ». Cette étrange charte était particulièrement  illustrée avec une carte de la République de Côte d’Ivoire, qui s’est curieusement révélée semblable à la carte née de la scission de la Côte d’Ivoire pendant la crise militaro-politique qu’a connue ce pays.

Les séquelles laissées au nord par la rébellion armée de 2002 : De même que l’Allemagne de la chancelière Angela Merkel a du mal à se défaire de son passé nazi, le nord de la Côte d’Ivoire peine à se refaire une nouvelle virginité. Même les campagnes orchestrées çà et là pour redorer l’image de cette partie de la Côte d’Ivoire arrivent difficilement à « passer » chez bons nombres d’Ivoiriens. Les crimes de l’ex-chef de guerre Kouakou Fofié, qui n’a pas hésiter à étouffer dans des containers, des dizaines de personnes, rappellent la terreur des camps de concentration tels auswitch et les affectations des fonctionnaires d’Etat au nord continuent, cinq ans après la crise post-électorale, de susciter la frayeur chez ceux-ci.

La Coalition au pouvoir attise la rancœur des autres ivoiriens contre le nord : le Tribalisme bat son plein dans les couloirs du palais présidentiel. Rien qu’à voir les nominations à la tête des sociétés d’Etat et les listes des candidats admis aux différents concours d’Etat, Les tenants de la thèse dite « rattrapage ethnique » sont assurés de n’avoir pas de nombreux contestataires. Y aurait-il un indice à même de faire prendre conscience, au président Ouattara, du précipice dans lequel lui et ses collaborateurs conduisent inexorablement la Côte d’Ivoire ?

Voilà pourquoi le nord de la Côte d’Ivoire est devenu la hantise des Ivoiriens.