Mort de Papa Wemba/ Le témoignage de Peter Gabriel et de Stromae
Par Iris Fabiola Yaëlle/afriquematin. net- source : liberation
Benjamin, et le dernier survivant après la mort de Franco Luambo, en 1989, puis celle de Tabu Ley Rochereau en 2013, Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba alias Papa Wemba fait partie des trois monarques de la rumba congolaise. Cette musique qui fait danser toute l’Afrique depuis plus d’un demi-siècle. Le dimanche dernier aux environs de 5 heures du matin, alors qu’il venait de commencer son concert dans le cadre du Festival des musiques urbaines (Femua) à Abidjan, il s’est effondré sur scène. Des images de télévision montrent ses choristes et ses musiciens se porter à son secours. Quelques heures plus tard, la nouvelle de sa mort submergeait les réseaux sociaux.
En août 2013, dans un entretien dans un quotidien français, Stromae expliquait ainsi son recours à une voix de tête: «Je suis très à l’aise dans cette voix-là. C’est l’influence de Papa Wemba qui ressort.» Ce timbre haut perché avait aussi séduit l’Anglais Peter Gabriel, qui produira trois disques de l’artiste sur son label Realworld. Dans l’espoir, finalement déçu, d’imposer planétairement la rumba et son trépidant dérivé, le soukouss. L’ancien chanteur de Genesis avait même programmé le chanteur congolais en première partie de sa tournée mondiale, en 1993.
Né en 1949 dans le Kasaï, au cœur de l’ancien empire du Congo belge, l’artiste adopta d’abord le pseudonyme de Jules Preisley. En 1969, il fonde Zaiko Langa Langa, un ensemble qui marque le passage de la rumba, réappropriation des rythmes cubains par les musiciens africains, vers le soukouss, influencé par le funk et la soul. Le Zaïre était alors le laboratoire d’une modernité ancrée dans l’héritage des ancêtres. Le groupe participe ainsi aux concerts organisés en septembre 1974 à Kinshasa en marge du championnat du monde de boxe opposant Mohammed Ali et George Foreman.
Au delà de la musique et de sa voix prodigieuse, Papa Wemba restera dans l’histoire pour avoir lancé le mouvement des «sapeurs». Lors de ses voyages en Europe, il s’habillait auprès des plus grands couturiers, ce qu’imitèrent les autres stars de la rumba. Cette façon d’afficher son statut social et sa notoriété donna naissance à la Société des ambianceurs et personnes élégantes (Sape). Les concerts, en Europe comme au Congo, devinrent ainsi des concours d’élégance masculine, avec une surenchère de marques prestigieuses. C’était un autre pied de nez à la rigueur de Mobutu, qui avait interdit aux fonctionnaires les vêtements trop occidentaux, et imposé l’abacost (pour «à bas le costume»), une déclinaison de la veste Mao.