L’Allemagne, ce pays où l’enlèvement international d’enfant est légal
Le Parlement européen a voté jeudi une résolution ciblant Berlin qui n’applique pas le droit international pour les enfants nés d’une union entre un(e) Allemand(e) et un étranger.
Mieux vaut éviter d’avoir un enfant avec un(e) Allemand(e) si on n’est pas soi-même Allemand et/ou si l’on ne vit pas en Allemagne. Nulle germanophobie mal placée dans ce conseil, mais un simple constat : si la séparation tourne mal et que le parent allemand décide de repartir en Allemagne avec l’enfant (ou les enfants), la justice germanique, dont le bras armé est le tout-puissant Office d’aide sociale à l’enfance (Jugendamt), refusera qu’il quitte le sol allemand au nom de «l’intérêt supérieur de l’enfant». Or, Berlin viole ainsi le droit international (conventions de La Haye de 1980 sur l’enlèvement international d’enfants et de 1993 sur l’autorité parentale et le droit européen (règlement de 2003 en phase finale de révision et jurisprudence de la Cour de justice européenne).
Faute de statistiques, on ne connaît pas le nombre d’enfants ainsi enlevés à l’affection de l’un de leur parent depuis 1950, mais il se monte sans doute à plusieurs milliers voire dizaine de milliers. Cela fait une vingtaine d’années que les institutions communautaires, mais aussi la France, les unions franco-allemandes étant très nombreuses, essaient de traiter à l’amiable ces drames dont on ne soupçonne guère les ravages. En vain.
Le Parlement européen, saisi régulièrement par des pétitions de parents non allemands victimes d’un enlèvement international d’enfant, a décidé de hausser le ton contre l’Allemagne, puisque ce pays est le seul de l’Union à refuser d’appliquer le droit européen (l’Autriche, qui avait la même interprétation de l’intérêt de l’enfant, est rentrée dans le rang). Le 29 novembre, par 307 voix contre 211 et 112 abstentions, il a adopté une résolution ciblant uniquement Berlin, ce qui est sans précédent et montre l’agacement des eurodéputés.
Langue maternelle
La résolution décrit le système mis en place outre-Rhin pour refuser d’exécuter les décisions judiciaires européennes ordonnant le retour des enfants. Outre l’interprétation extensive, puisant sa source dans une loi du régime nazi, de l’intérêt de l’enfant qui est toujours de rester auprès de son parent allemand en Allemagne, même en cas de violence ou d’abus avéré contre le parent non allemand, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe estime que l’Allemagne n’a pas à exécuter une décision de justice européenne si l’enfant, même de moins de 3 ans, n’a pas été entendu par le juge… Surtout, le pouvoir du Jugendamt est proprement terrifiant : c’est lui qui recommande au juge la décision à prendre et peut décider de mesures temporaires (comme la tutelle) sans aucun appel possible. Il peut aussi s’opposer au droit de visite du parent non allemand, imposer sa présence lors des visites ou refuser que le parent non allemand parle dans sa langue maternelle à son enfant…
Cette volonté de placer l’Allemagne au-dessus de tout n’est pas exceptionnelle. Il est révélateur d’un comportement plus général de ce pays qui a le plus grand mal à respecter les normes qu’il souhaite que les autres appliquent. Au fond, c’est l’ancien ministre des Finances social-démocrate allemand, Hans Eichel, qui a vendu la mèche, en novembre 2003. Alors que ses collègues lui faisaient remarquer que Berlin avait violé le Pacte de stabilité et qu’il fallait donc qu’il accepte des sanctions, il a lâché devant les yeux sidérés de l’assemblée : «Mais enfin, le Pacte n’a jamais été conçu pour s’appliquer à l’Allemagne !»
SOURCE:https://www.liberation.fr/planete/2018/12/02/l-allemagne-ce-pays-ou-l-enlevement-international-d-enfant-est-legal_1695556