Dr Atri Kouassi (pharmacien, président de l’ONG « Mon Enfant, Mon Futur ») « …Tout don, quel qu’il soit est le bienvenu et contribuera à imprimer un sourire sur le visage des plus vulnérables »

Pharmacien et propriétaire d’une officine à San Pedro, Dr Atri Kouassi est Président de l’ONG « Mon Enfant, Mon Futur » partage dans cet entretien, son parcours professionnel et son engagement humanitaire. Lauréat du Prix National d’Excellence du Meilleur Artisan de Solidarité de l’Année 2023, décerné par le Ministère de la Solidarité et de la Lutte contre la Pauvreté. Il évoque ici les défis, les succès et les perspectives de ses actions en faveur des personnes vulnérables.

Dr Atri Kouassi réceptionne le 𝐏𝐫𝐢𝐱 𝐍𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐚𝐥 𝐝’𝐄𝐱𝐜𝐞𝐥𝐥𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐝𝐮 M𝐞𝐢𝐥𝐥𝐞𝐮𝐫 𝐀𝐫𝐭𝐢𝐬𝐚𝐧 𝐝𝐞 𝐒𝐨𝐥𝐢𝐝𝐚𝐫𝐢𝐭𝐞́ 𝟐𝟎𝟐𝟑

Il n’est pas courant de voir un pharmacien en activité loin de son officine. Qu’est-ce qui vous a poussé hors de votre poste de conseil ?

Je considère qu’il y a par moment des faits qui nous obligent à ôter momentanément la blouse car le Pharmacien est un acteur pluridimensionnel de la société. À ce titre, lorsqu’il identifie des axes qu’il pourrait emprunter et qui ne portent pas atteinte à l’honorabilité de la profession pharmaceutique, il peut y aller et dans mon cas, je dirais, il doit y aller. Voyez-vous aujourd’hui, notre jeunesse tombe sous l’emprise de la drogue « Kadhafi ». Qui, mieux que le Pharmacien, pourrait expliquer à la population en général et plus particulièrement à la jeunesse les méfaits de ce phénomène et les aider à s’en éloigner ?

Comment est né cet activisme sur le terrain humanitaire ?

Il y a des insuffisances dans la société qui nous amènent à agir. Par exemple, un bon nombre de cadres ivoiriens ont bénéficié des cantines scolaires. Par le passé, le Programme Alimentaire Mondial approvisionnait les écoles en vivres. Aujourd’hui, la fourniture de denrées est du ressort de l’État. L’État, face à ses propres difficultés engage les communautés à s’organiser pour prendre le relais. L’apport de l’Etat se chiffre à quelques vingt jours de repas par an. Je dis bien vingt jours. Et le nombre de rationnaires représente moins de la moitié des effectifs des écoles où sont implantées les cantines. Entre nous, êtes-vous informés de ce que vous devez contribuer à l’approvisionnement des cantines scolaires ? Dès lors, pour nous qui partageons le quotidien de ces populations vulnérables, il nous appartient de leur porter l’information, rencontrer les cadres et les mutuelles de développement afin de les sensibiliser et organiser nos parents dans les villages afin de faciliter la mise en place de processus d’approvisionnement des dites cantines. Et cela n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

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Qu’est ce qui a motivé la création de l’ONG « Mon Enfant, Mon futur » 

C’est anecdotique. Nous étions en visite dans une école primaire de la place et notre arrivée a coïncidé avec la récréation. Pendant que, gaiement, certains gamins dégustaient leur sandwich, d’autres assis à l’entrée des salles de classes ou repliés sous les arbres présentaient une mine assez triste. Pour nous qui avons connu une enfance difficile, le message était clair. Ces enfants n’avaient rien à se mettre sous la dent. Nous les avons fait recenser et chaque jour ils ont bénéficié d’un petit déjeuner à 10 heures. Au fil des années, le nombre grandissait et d’autres besoins tels que les visites médicales se sont fait sentir. Nous les avons donc ajoutées à nos actions. Tout seul, ne pouvant faire face efficacement aux sollicitations, nous avons décidé de mettre en place une organisation légalement constituée et bien structurée afin de pouvoir solliciter d’autres bailleurs. C’est ainsi qu’est née l’ONG « Mon Enfant, Mon Futur ».

Quels intérêts poursuivez-vous à travers toutes ces actions en faveur des personnes vulnérables ?

Le plus grand intérêt qui nous motive et qui en vaut la peine est celui d’être au service des autres, surtout de ceux qui ont le plus besoin de nous. Nous sommes heureux de voir les autres heureux. Juste cela. Il y a véritablement beaucoup à faire et nous avons décidé d’agir à notre humble niveau pour soulager un tant soit peu certaines populations. Je voudrais signifier que nos actions ont commencé bien avant la naissance du cadre formel qu’est l’Ong et elles n’ont pas attendu l’objectif des caméras pour se poursuivre.

Don de matériel d’entretien pour les latrines du groupe scolaire Lac 2 suite à une grande action de l’ordre des pharmaciens qui a réhabilité les toilettes de cette école.

Quelles difficultés rencontrez-vous sur le terrain ?

Les difficultés sont de tous ordres. Le fait de travailler sur fonds propres limite considérablement nos actions. Les besoins et sollicitations sont nombreux mais seul, nous ne pouvons changer toute la face du monde. Nos cibles se retrouvent aussi dans les hameaux reculés et les campements. Généralement l’accès à ces sites n’est pas du tout aisé du fait d’un certain nombre de voies d’accès peu praticables.

Bénéficiez-vous de soutiens ?

Grâce à Dieu, depuis quelques temps, nous bénéficions du soutien de bonnes volontés parmi lesquelles des confrères Pharmaciens. Nous profitons de cette lucarne qui nous est offerte pour leur exprimer notre infinie gratitude. Je pense particulièrement à Dr MENAN Guy Noel, Dr CAMARA René, Dr AMIN Yolande, Dr ANOUGBLE Mariette, Dr MABO Thierry et Dr ABOLEY Juliane. Merci également à toutes ces personnes qui nous ont fait des dons en nature qui ont permis d’imprimer un sourire sur le cœur des populations, en particulier celui des enfants.

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La Directrice Exécutive partageant un repas en compagnie des enfants
à la Cantine de Baba 3 et 4

Quels sont vos domaines d’action ?

Nos actions sont diverses. Il s’agit de la fourniture de vivres et la mise en place d’un processus de pérennisation de l’approvisionnement des cantines scolaires. Il y a aussi l’institution de visites médicales gratuites dans les écoles primaires et la prise en charge des enfants malades détectés. Nous avons aussi le volet approvisionnement en matériel d’entretien des latrines des écoles sans oublier le soutien aux orphelins et aux veuves.

La première édition de notre activité dénommée « Sur les pas de la solidarité » a permis d’organiser un Arbre de Noël pour égayer les enfants des paysans et partager un repas avec toute la communauté d’un village à la périphérie de San Pedro.

Un poème-hommage vous a été dédié dans l’œuvre poétique de l’écrivain ivoirien Necké Bernard intitulé « Poésie des peuples » paru aux éditions L’Harmattan dont Le titre du poème est ‘‘Le vagabond de la santé’’. Ce titre vous convient-il ?

Qui sommes-nous pour qu’un auteur nous fasse un clin d’œil dans son ouvrage en nous dédiant un poème ? Nous nous sentons hautement honorés, ma personne et mon village Djangokro qui sommes cités dans ce livre qui immortalise nous actions. L’image est assez révélatrice et nous le recevons comme un hommage à notre humble personne.

De vagabond de la Santé, vous passez à Ambassadeur de la Solidarité car après tout juste un an d’existence, vous êtes distingué 2ème Prix National d’Excellence du Meilleur Artisan de la Solidarité. Comment vous sentez-vous après la réception du prix des mains de Madame la Ministre de la Cohésion Sociale, de la Solidarité et de la Lutte Contre la Pauvreté ?

C’est un sentiment de fierté mais en même temps c’est un défi colossal à relever qui pourrait être perçu comme un fardeau au vue des défis que cela implique désormais. Mais tout geste qui soulage autrui, aussi petit soit-il, procure une indicible satisfaction. Initialement nous travaillions dans l’ombre. Aujourd’hui nous sommes révélés à la face du monde à travers cette distinction nationale. Nous devons, dès lors nous mettre pleinement dans la peau de pèlerins humanitaires, en étant des ambassadeurs de la solidarité qui portent haut le flambeau du partage, pour emprunter les mots de Madame la Ministre.

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Quel bilan pourriez-vous faire à ce stade de vos activités

Sans fausse modestie, la réalisation progressive de l’objet de notre structure est notre première satisfaction. Des enfants contraints de suivre leurs parents au champ de peur de passer une journée entière sans repas sont aujourd’hui assidus en classe, réduisant considérablement le taux d’absentéisme.

  • Les résultats scolaires se sont significativement améliorés dans nos zones d’intervention ;
  • Des cas de pathologie ont été détectés et nous œuvrons à leur prise en charge totale ;
  • Les conditions d’hygiène de certaines écoles sont devenues meilleures par nos actions ;
  • Des femmes ont pu relancer leurs activités commerciales grâce au soutien de l’ONG ;
  • Des enfants, dans des hameaux ont connu ce qu’est un arbre de Noël ;
  • Les consultations foraines ont permis de rapprocher les agents de santé des populations.

Quelles sont vos perspectives à moyen et long terme ?

Nous visons l’installation progressive de la pérennisation de l’approvisionnement des cantines scolaires, la réhabilitation des installations sanitaires des écoles, la prise en charge des enfants vulnérables jusqu’à la fin de leur cursus scolaire. Nous espérons étendre les différents projets au plan national.

Avez-vous un appel à lancer à l’endroit de vos confrères ?

Nous voulons dire à nos confrères que l’ONG mon enfant mon futur a besoin de leur soutien pour aider les personnes vulnérables. Nous ne demandons pas des choses extraordinaires. Vous avez vêtement qui ne vous sert plus, un kilo de riz, un litre d’huile, une boîte de conserve, un kit médical, un jouet en bon état, un cahier, un livre ou un stylo, 500f, 1000 F, 500.000 F…

Tout don, quel qu’il soit est le bienvenu et contribuera à imprimer un sourire sur le visage des plus vulnérables. Seul, on va vite mais ensemble, on va beaucoup plus loin. J’ai besoin du soutien de mes confrères pour réussir cette noble mission. Je retiens que Pharmacien doit être au service des communautés à tous les niveaux. Je vous remercie et vous souhaite une heureuse année 2024 à vous et à vos familles.

Le titre et le chapeau sont de la rédaction

Source : cercom ONG « Mon Enfant, Mon Futur »