Immigration clandestine vers l’Europe/ La capitale de la Région du Haut-Sassandra sert–elle d’arrière base?
Dossier réalisé par Jocelyne Hermine/afriquematin.net
Le problème de l’immigration clandestine est devenu de nos jours un business rentable, dans lequel les promoteurs ou « entrepreneurs » gagnent gros. Et cette affaire gagne du terrain dans la région du Haut-Sassandra. Chaque jours, nombreux sont des départs clandestins qui sont organisés dans cette ville où les immigrants s’y retrouvent pour aller à l’aventure.
Comment les jeunes arrivent-ils à prendre de telle décision ?
«C’est une compagnie de transport située non loin d’un lieu de prière bien connu qui est chargé de convoyer les éventuels candidats à l’aventure », nous fait savoir Ibrahim, un des promoteurs. Pour lui, « ceux qui se proposent d’y aller, ont perdu tout espoir, parce que livrés à eux-mêmes », souligne-t-il. Le Mali, le Niger sont les itinéraires à suivre à partir de la ville de Daloa pour ensuite joindre la Libye. Et c’est de ce pays que tout se complique. Selon IB « ce sont les plus durs qui avancent, moyennant la variante somme de 500.000 à 1 million de Fcfa ».
Que deviennent donc ceux qui n’arrivent pas à bon port ?
« Ceux qui n’arrivent pas à destination, soit, ils perdent la vie ou soit, ils sont capturés par les différentes milices qui en font d’eux des esclaves. D’autres sont recrutés comme miliciens et d’autres aussi sont réduits en esclavage. Lorsque ces derniers sont enfin libérés, ils deviennent des consommateurs de drogue, d’alcool et autres addictions », reconnait Ibrahim.
La responsabilité des parents
L’histoire pathétique de Konaté A., ce père de famille, dont le fils s’est lui-même fait victime de ce fléau se souvient. « Une nuit, mon fils m’approche pour m’annoncer qu’un réseau de passeurs pour se rendre en Europe existe dans la ville de Daloa et que le nombre de places pour les candidats est limité ». Suite à cette nouvelle qui a fait tilt dans son esprit, « je lui ai fait comprendre le danger qu’il courrait en embrassant ce genre de projet. Tout en lui promettant de payer, évidemment ses cours, jusqu’à l’obtention du Bac, dans le but de lui donner cette chance, si le diplôme était empoché ». Une semaine plus tard et contre toute attente, le père se voit dépouiller de la somme de 500 000 FCFA, œuvre de son fils. En plus de cette manne, ses deux téléphones portables et sa motocyclette disparaissent. Konaté A est victime de vol et à côté de cet acte ignoble commis par son fils, il découvre une lettre de lui, annonçant son départ pour l’aventure.
A Daloa, le fléau a pris de l’ampleur. Aller en aventure, rien qu’en aventure, à tout prix et par tout moyen, c’est le rêve que caressent certains jeunes. Et pour épater les clients, ces marchands de la mort utilisent les réseaux sociaux pour attirer les éventuels vagabonds. Des photos de supposés amis qui ont réussi le voyage avec voiture de luxe, maison de luxe, des sorties en galantes compagnies, etc. Ce qui naturellement suscite des envies aux nombreux jeunes qui tombent dans ces pièges. Aussi dommage que ce soit, beaucoup y laissent de leur peau.
Que font donc les organisations ?
Plusieurs organisations sont nées jusqu’à ce jour. Leur mission, sensibiliser les jeunes sur les dangers liés à l’immigration clandestine. C’est le cas de l’Ong Sos Immigration clandestine qui, à-travers ces nombreuses activités a pu sauver des vies. Cette organisation est devenue un recours pour aider les jeunes à prendre conscience de ce danger qu’ils courent en allant illégalement en aventure. A leur actif, plusieurs activités ont été organisées, allant aux campagnes de sensibilisation, à des projections de films et des témoignages de personnes victimes de ce fléau. Le passage des membres de l’Ong-Sos Immigration dans la capitale des Antilopes a suscité un réel espoir au sein de la jeunesse. Malheureusement ce refrain « mourir à l’aventure est mieux que mourir au pays » continue d’animer de jeunes inconscients. Alors, peut-on conclure que la ville de Daloa est-elle devenue un véritable point de départ pour un eldorado inquiétant ? Le fils de Konaté A. est-il arrivé à bon port ? « Je ne sais pas et c’est là que se trouve mon inquiétude », dit-il avec beaucoup d’amertume. Et depuis ce fléau a pris de l’ampleur, avec plusieurs réseaux constitués, sous le regard impuissant des autorités et de parents, où bon nombre de départs ne sont pas si sûrs d’arriver voire d’être de retour.