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Coopération/Pourquoi certains chefs d’État africains n’arrivent-ils pas à se départir de la France ?

Une analyse de Kédjébo Kpandji*

Depuis les indépendances des années 1960, les relations entre la France et de nombreux pays africains restent marquées par un enchevêtrement d’intérêts politiques, économiques, militaires et culturels. Malgré les critiques croissantes contre la Françafrique et les appels à un repositionnement géopolitique, plusieurs dirigeants africains maintiennent encore une forte proximité avec Paris. Les raisons sont profondes, multiples et rarement unilatérales.

Les constitutions, systèmes juridiques, administrations et écoles formant l’élite politique ont souvent été calqués sur le modèle français. Cela crée une continuité institutionnelle qui rend difficile un brusque décrochage. La Françafrique a installé pendant des décennies des réseaux informels liant dirigeants africains, responsables politiques français, entreprises et services secrets.  Même affaiblis, ces réseaux continuent d’influencer certains cercles de pouvoir.

Utilisé dans quatorze (14) pays, le franc CFA garantit une stabilité monétaire mais limite l’autonomie des politiques économiques. Certains dirigeants craignent les risques liés à une sortie brutale, notamment l’inflation, la perte d’investissements, l’instabilité financière.

Dans plusieurs pays, la France reste un investisseur important, un bailleur d’aide publique, un partenaire commercial stratégique. Rompre ce lien risquerait de fragiliser des économies déjà vulnérables.

La dépendance stratégique sécuritaire comme des accords de défense permettent à la France de maintenir bases et troupes dans plusieurs pays comme Djibouti, la Côte d’Ivoire, le Sénégal. Pour certains régimes, cette présence est perçue comme un garant de stabilité interne.

Face aux coups d’État, les rebellions ou les groupes armés, plusieurs dirigeants ont longtemps compté sur la logistique française, le renseignement, l’appui diplomatique international. Cette dépendance sécuritaire crée des loyautés politiques. Certains cercles économiques ou politiques africains bénéficient d’accords franco-africains. On peut citer les contrats publics, les marchés, les entreprises mixtes. Ils exercent une pression pour conserver cette proximité.

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 Il y a aussi le poids de la culture et la langue française qui jouent un rôle culturel majeur parlant les médias, l’éducation, bourses universitaires vu qu’une part significative des dirigeants, ministres, hauts fonctionnaires et cadres économiques africains ont été formés dans des institutions françaises. Cela facilite des réflexes de coopération et de confiance mutuelle.

Les enjeux géopolitiques contemporains sont aussi une cause lorsque la concurrence internationale s’installe, dont la Chine, la Russie, la Turquie, qui sont des puissances qui gagnent du terrain, mais certains dirigeants préfèrent jouer l’équilibre plutôt que rompre complètement avec la France. Changer de partenaire stratégique demande du temps, des infrastructures et des ressources, car beaucoup d’États manquent de moyens pour restructurer rapidement leurs alliances.

Il est important de noter que plusieurs États africains cherchent aujourd’hui à diversifier leurs partenariats et la relation avec la France est de plus en plus critiquée par les opinions publiques, l’influence française recule significativement dans certaines régions, le Sahel, Afrique centrale en particulier.

La difficulté de certains chefs d’État africains à se départir de la France résulte d’une combinaison de facteurs historiques, institutionnels, économiques, sécuritaires et politiques. Ce n’est pas uniquement un choix idéologique ou une volonté de dépendance, mais souvent une stratégie perçue comme pragmatique dans des contextes internes complexes.

Toutefois, les dynamiques actuelles montrent un rééquilibrage progressif comme la montée d’autres partenaires, les revendications souverainistes, la pression des opinions publiques.  L’avenir de la relation franco-africaine semble se diriger vers une coopération moins asymétrique, mais encore en construction.

*Membre de la société civile