Maroc-Algérie/Y aura-t-il une désescalade de la tension entre ces deux pays ?

Depuis son arrivée au pouvoir -, le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani a passé trois jours en Algérie et longuement rencontré son homologue Abdelmadjid Tebboune. Est-ce le signe d’un rapprochement au détriment du Maroc ? Ou le présage d’une médiation à venir de Nouakchott entre Alger et Rabat ? Chercheur en géopolitique et analyste principal à Global Initiative against Transnational Organized Crime, basée à Genève, Raouf Farrah donne son point de vue.

Cette visite du président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani à Alger témoigne-t-elle d’un rapprochement entre Nouakchott et Alger, peut-être au détriment du Maroc ?

Je dirais plutôt que c’est une consolidation de la coopération entre Alger et Nouakchott. Il faut savoir que les rapports entre les deux pays se sont améliorés au cours des dernières années, notamment depuis août 2018 avec la fameuse ouverture d’un poste frontalier temporaire à la frontière qui lie les deux pays au Sahara.

« Nouakchott a surtout essayé d’être fidèle à une position de neutralité, sans pour autant remettre en question ses engagements avec le Maroc », selon Raouf Farrah.

Il y a justement cette idée de création d’une zone franche à la frontière, d’où la création du poste frontalier qui a été construit en dur il y a quelques mois seulement. Et cela a permis d’avoir aujourd’hui des échanges économiques intéressants qui sont, certes, relativement faibles et qui sont estimés à à peine quelques millions d’euros, mais qui peuvent augmenter très vite. En plus de cela, il faut rajouter que ce qui intéresse surtout les deux pouvoirs, c’est aussi de désenclaver les deux régions frontalières qui sont assez pauvres.

 Je pense à la wilaya de Tindouf, côté algérien, et à la wilaya de Tiris Zemmour, côté mauritanien. Mais pour cela, il faudra construire le dernier tronçon de route qui manque, justement entre le poste-frontière qui lie les deux pays et la zone de Zouerate en Mauritanie. Et ça aussi, c’est un projet qui est à l’étude entre les deux autorités.

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Les exportations algériennes vers la Mauritanie ont doublé ces dernières années, est-ce que les relations commerciales de la Mauritanie ne sont-elles pas beaucoup plus importantes avec le Maroc qu’avec l’Algérie ?

Tout à fait. Les relations économiques mauritano-marocaines sont nettement supérieures à celles avec l’Algérie. C’est justement, d’après moi, la raison de cette visite, c’est qu’il y a une concurrence aujourd’hui entre Alger et Rabat sur qui sera en mesure d’être le plus proche de la Mauritanie. Et l’Algérie tente de concurrencer le Maroc. C’est l’une des dimensions d’une course au leadership maghrébin que se livrent l’Algérie et le Maroc dans le contexte actuellement très tendu d’une rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

Traditionnellement, la Mauritanie cherche à rester neutre entre le Maroc et l’Algérie. Mais, depuis la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat à l’initiative d’Alger le 24 août dernier, Nouakchott s’est-elle rapprochée plutôt d’Alger ou plutôt de Rabat ?

Je crois que Nouakchott a surtout essayé d’être fidèle à une position de neutralité, sans pour autant remettre en question ses engagements avec le Maroc, mais tout en consolidant ses relations diplomatiques avec l’Algérie.

L’année 2021 a été détestable du point de vue des relations entre le Maroc et l’Algérie. Que peut-on attendre pour 2022 ?

Il est très peu probable qu’il y ait une désescalade de la tension entre Alger et Rabat. L’entrée en jeu de l’interférence israélienne dans ce jeu de tension maghrébin est vraiment l’élément le plus important, selon moi, à retenir pour l’année 2021, et qui est peut-être l’élément le plus dangereux aussi parce que, du côté algérien, c’est perçu comme étant une vraie menace à la sécurité nationale et du côté marocain, disons que le soutien israélien a donné une sorte de coup de force à des velléités parfois bellicistes au sein de certaines parties du pouvoir marocain.

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Donc, l’entrée en jeu d’Israël, c’est un facteur déstabilisant, c’est un facteur d’insécurité, c’est un facteur qui va pousser les acteurs ayant les positions les plus dures à maintenir leur posture, alors que l’amélioration des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc passe par une approche diplomatique. Et ce n’est certainement pas l’arrivée d’Israël aux frontières de l’Algérie qui permettra d’aller dans ce sens.

La Mauritanie peut-elle capable de faire la médiation entre l’Algérie et le Maroc ?

Je ne le crois pas. En tout cas, pas de manière officielle. Je crois plutôt qu’il y a eu, selon certaines sources qui nous sont parvenues, une tentative de médiation par l’Arabie saoudite qui a approché les deux diplomaties, mais sans succès. A mon sens, le pays, qui est le plus à même d’engager une médiation, serait certainement l’Espagne. Elle n’est pas directement engagée, et elle aussi extrarégionale.

Source : rfi.fr