Presse/Voici pourquoi cet écrivain détestait les journalistes

Très acerbe à l’égard de la presse moderne, l’écrivain en fut aussi un collaborateur prolifique, s’essayant à toutes les rubriques et allant jusqu’à diriger d’éphémères rédactions.   

Si la presse n’existait pas, il faudrait ne pas l’inventer. ​Cette boutade de Balzac révèle l’ambiguïté d’un écrivain qui a compris à l’aube de l’ère médiatique la force émergente du quatrième pouvoir. Il est le premier intellectuel ​à développer un discours anti-média, ouvrant la voie à d’illustres successeurs. Pour lui, les journalistes sont des personnages vénaux, corrompus, dont la puissance est disproportionnée par rapport au talent.  –

Balzac a été un écrivain qui, durant toute sa carrière, a demandé son pain aux journaux. L’expérience la plus fournie et active de journalisme intervient en 1830 et 1831. Convaincu de l’incapacité de la librairie à nourrir les écrivains, Balzac se jette dans la littérature périodique, prépubliant ses nouvelles dans les revues littéraires, et distribuant généreusement à plusieurs périodiques des volées d’articles critiques et de petites études de mœurs.

 Devenu journaliste politique, Balzac fait ainsi paraître du 26 septembre 1830 au 29 mars 1831, dans Le Voleur, une série de dix-neuf longs articles intitulés Lettres sur Paris, ensemble remarquable aussi bien par l’acuité de l’analyse politique – que par l’invention de la chronique d’actualité. Il multiplie les points de vue sur la société en faisant intervenir des épistoliers imaginaires. Il illustre ainsi une certaine prise de conscience des multiples échelles du politique et des niveaux possibles de description d’un espace public.

Un marchepied vers la politique

En même temps, l’efficacité de cette description d’une société particulièrement opaque et complexe s’accompagne du brouillage des opinions propres du journaliste. Effectivement, l’opacité de son positionnement politique, même après son ralliement au légitimisme à la fin de 1831, a sans doute nui aux ambitions de Balzac. Les articles qu’il livre aux journaux légitimistes sont tellement ardus et en fait subversifs que Le Rénovateur finit par refuser en septembre 1832 un long texte intitulé Du Gouvernement moderne.

Balzac a pensé le journalisme comme un marchepied vers la politique et, à cause de l’illisibilité de ses positions, il n’a pas eu le succès escompté. En fait, l’unité politique la plus pertinente de ses textes journalistiques – consiste dans le combat contre la situation précaire de l’artiste, lutte qui mobilise une grande partie de sa vie.

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Honoré de Balzac a contribué à inventer puis à incarner avec force la posture paradoxale de l’écrivain journaliste, à la fois écœuré et fasciné par l’entrée de la littérature dans l’ère médiatique.

 Source : ouest-france.fr