Front populaire ivoirien/ Il ne faut pas se tromper de combat

Par Nazaire Kadia (analyste politique), Afriquematin.net

Depuis son retour en terre d’Eburnie, la posture, les faits et gestes du président Laurent Gbagbo déroutent plus d’un ivoirien et beaucoup plus les militants de son parti. Et pour cause !

Les attentes des ivoiriens sont nombreuses, et chacun d’entre eux a préparé un chronogramme d’activités qu’il aimerait voir le président Gbagbo exécuter.

Pour les uns, son programme d’activités doit débuter par la réconciliation au sein de sa famille politique à l’effet de parvenir à une réunification de celle-ci. Pour les autres, il devrait aller à Duékoué ou à Guitrozon pour saluer la mémoire des nombreuses victimes de la crise postélectorale de ces localités qui ont payé un lourd tribut à ladite crise. Pour d’autres encore, il aurait dû, à son arrivée faire une adresse à la nation, ce qui aurait eu l’avantage d’avoir une lisibilité sur ses intentions.

Dans l’incertitude et dans le doute, ses faits, ses paroles et ses gestes sont scrutés à la loupe pour décrypter sa pensée et avoir un aperçu de ses intentions. Ainsi se fondant sur ce qu’elles croient avoir aperçu, certaines personnes se laissent aller à des commentaires et à des affirmations qui sont juste le fruit de leurs propres fantasmes.

Les militants de la case ronde ne sont pas en reste. Après s’être délectés des deux ruptures opérées par le président Gbagbo, ils en sont aujourd’hui à bâtir toute une thèse sur la phrase prononcée par l’ancien président à son quartier général de campagne. Pour avoir dit au Secrétaire Général du FPI, M. Assoa Adou, qu’il se mettait à sa disposition comme un soldat, le président Laurent Gbagbo serait dans une posture de belligérance, incompatible avec la réconciliation nationale chantée à tout va.

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Mais de tout cela, l’ancien président ne fait cas et ne dit mot. Il a opté pour l’exécution de son propre agenda à travers un calendrier qui lui est propre. Ce silence ou presque, jette le doute et la confusion dans l’esprit de nombreux ivoiriens.

Le doute et la confusion vont également bon train après l’adresse prononcée par la vice-présidente du FPI, Mme Simone Gbagbo. Peu après l’annonce de la demande de divorce à elle parvenue, de nombreuses personnes d’attendaient à une réaction relative à cette situation. Elle n’en fit pas cas. Tout au contraire, elle a décliné sa vision, celle d’une Côte d’Ivoire réconciliée avec elle-même ; vision qui n’est autre que celle du FPI et portée par le président Laurent Gbagbo.

A travers cette prise de parole, certains y voient une volonté manifeste de l’ex-première Dame de s ‘affranchir de la « pesanteur Gbagbo », de prêcher pour sa propre chapelle, de vouloir faire ombrage au référant du parti et bien plus d’en prendre les rênes.

Ainsi naît progressivement une querelle de clocher, non fondée sur des éléments tangibles, mais sur des présomptions, des interprétations et des projections d’états-d’âmes ; tant il est vrai qu’un texte ou un discours peut s’appréhender en fonction de la grille de lecture dont on dispose et de son propre cadre de référence. On apprend dès lors que désormais le FPI est partagé en « pro » ; des pro-Laurent Gbagbo, des pros-Simone Gbagbo et des pro-Affi.

Des invectives infondées ont déjà commencé à fuser dans certains milieux. C’est le lieu d’attirer l’attention de ces « pro », de ne pas se tromper de combat et surtout de ne pas lâcher la proie pour l’ombre.

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Un parti politique, à moins qu’il ne soit unique, peut être traversé par des courants. C’est également le lieu des débats contradictoires dans le respect de l’essence qui fonde le parti. L’histoire dit-on évolue par contradictions. De ces contradictions nait la matrice qui conduit l’action, et c’est celle-là que retient l’histoire. Tout militant a donc le droit d’avoir des ambitions et même vouloir prendre la tête du parti. Cela participe de la démocratie interne et en dernier ressort, ce sont les militants qui qui décident.

En réalité, au-delà des supputations, des interprétations, des projections et même des procès d’intention, personne ne dispose d’éléments permettant de savoir ce que fera le président Laurent Gbagbo encore moins la vice-présidente Simone Gbagbo.

La sagesse voudrait donc qu’on observe et qu’on ne débatte que lorsqu’on a réellement matière à débat. Il faut se sortir des émotions, des états-d ‘âmes et même des procès d’intention pour se conduire en politique.

S’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.