Côte d’Ivoire/Présidentielle 2015 : Les leçons d’un scrutin

Par Hervé Gobou – Afrique Matin.Net  

Le scrutin présidentiel en Côte d’Ivoire vient de connaitre son épilogue le mercredi 28 octobre 2015, avec la proclamation officielle des résultats qui donnent une large victoire (83,66%)  au président sortant Alassane Ouattara.

C’est le premier scrutin post-crise. Après la guerre postélectorale que le pays a connue entre 2010 et 2011. Tous les regards des analystes nationaux et internationaux étaient donc tournés vers la Côte d’Ivoire. Le scrutin allait-il se dérouler dans les meilleures conditions après la grave crise sus évoquée ?

Un scrutin apaisé, malgré la tension latente

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L’un des éléments positifs à relever pour cette élection, c’est l’atmosphère qui a régné pendant les opérations de vote. Alors que les ivoiriens et les observateurs redoutaient des violences électorales et postélectorales, tout s’est déroulé dans un calme général. Aucun incident majeur n’a été signalé du point de vue sécuritaire.

C’est plutôt au niveau technique qu’il s’est posé quelques soucis avec la tablette introduite dans le processus d’identification des électeurs. Cependant, l’absence de violence pendant cette période électorale ne cache pas moins la tension en état de latence. En effet, peu d’effort a été fait par le président réélu dans le sens de la réconciliation et de l’unité nationale.

Une partie de la population n’apprécie pas qu’au soir de la crise postélectorale de 2010-2011, la justice nationale et internationale se soit uniquement adressé à l’un des protagonistes, en l’occurrence  Laurent Gbagbo et ses  partisans.

Aujourd’hui, deux acteurs-clés (Laurent Gbagbo et Blé Goudé), , se trouvent à la prison de la Haye. En outre, plusieurs cadres et militants de l’opposition sont écroués dans les prisons du pays. C’est le cas de Simone Gbagbo, l’ex-première Dame, Hubert Oulaye, Assoa Adou, Dano Djédjé, Koua Justin, Dahi Nestor, Samba David…

Déficit de consensus autour du processus électoral

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Ce que l’on a pu constater dans le processus électoral, c’est le déficit de consensus entre les acteurs politiques. L’opposition et les candidats déclarés, à plusieurs reprises, ont relevé les conditions peu transparentes de cette élection.

Apparemment, ils n’ont pas été entendus, à la fois par la Commission Electorale Indépendante (CEI) et le président sortant. Alors que plusieurs problèmes liés à ce processus à commencer par les conditions d’éligibilité restent pendantes…

Cette absence de consensus a conduit au retrait de trois candidats, à savoir l’ancien ministre des Affaires Etrangères Essy Amara, l’ex-président de l’Assemblée Nationale Mamadou Koulibaly et l’ex-premier ministre Charles Konan Banny.

Opposition, les raisons d’un fiasco du boycott

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Certes les ivoiriens se sont abstenus de prendre part au vote, comme le notent les observateurs électoraux, mais l’opposition n’a pas pu mettre à exécution son mot d’ordre de boycott actif. Le communiqué signé par Aboudramane Sangaré appelait à ‘’empêcher ces élections par tous les moyens’’.

Ce qui ne fut pas le cas. Certainement en raison de la forte présence des Forces de défense et de sécurité sur les lieux de vote. Ce fiasco du boycott peut avoir  plusieurs fondements.

Primo, l’opposition n’était pas homogène. La crise qui a éclaté au Front Populaire Ivoirien (FPI, principal parti de l’opposition) entre la tendance conduite par Aboudramane Sangaré, qui ne jure que par Gbagbo et l’autre tendance guidée par Pascal Affi Nguessan, s’est accentuée avec des positions fortement cristallisées.

Secundo, l’opposition réunie au sein de la CNC (Coalition Nationale pour le Changement), s’est illustrée par des discordances qui ont laissé transparaitre leurs divergences idéologiques, à tel point qu’il était quasi-impossible pour une telle opposition d’avoir le dessus face à un Alassane Ouattara qui a été adoubé par Henri Konan Bédié et l’ensemble des partis du RHDP (Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix).

Quand Affi Nguessan légitime Alassane Ouattara

« Comment comprendre qu’on puisse inviter ses militants à ne pas se faire enrôler dans le cadre électoral et participer à l’élection »

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Affi Nguessan était en proie à une crise interne. Mais il n’a pas jugé utile de régler cette situation avant de se lancer dans la course à la présidentielle. Alors que son champion Laurent Gbagbo est encore détenu à la Haye et que plusieurs cadres du Front Populaire Ivoirien se retrouvent en prison, il s’est lancé dans la course, avec en toile de fonds, un handicap de fait.

Les critiques de l’ancien premier ministre de Laurent Gbagbo estiment qu’il a contribué, par sa participation, à la légitimation de la réélection d’Alassane Ouattara, en dépit d’un score peu honorable de 9, 29% des voix. Car, comment comprendre qu’on puisse inviter ses militants à ne pas se faire enrôler dans le cadre électoral et participer à l’élection.