L’Erythrée et l’Ethiopie rétablissent leurs relations diplomatiques

Cela fait 20 ans que les échanges diplomatiques entre les deux voisins étaient rompus. Ils sont désormais rétablis, a annoncé ce dimanche 8 juillet le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed à Asmara, après avoir été reçu en grande pompe par le président érythréen Issayas Afewerki.

Après un tête-à-tête avec le président de l’Erythrée, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a annoncé la réouverture des ambassades dans leurs capitales respectives, mais aussi la réouverture des frontières.

« Nous nous sommes mis d’accord pour que les liaisons aériennes ouvrent prochainement, pour que les ports soient accessibles, pour que les gens puissent circuler entre les deux pays et que nos ambassades ouvrent », a-t-il déclaré ce dimanche.

Un peu plus tôt sur Twitter, c’est son chef de cabinet qui annonçait que la liaison téléphonique directe était désormais restaurée entre l’Erythrée et l’Ethiopie. Une première en 20 ans.

Toute la journée, les images d’une foule en liesse dans les rues d’Asmara et celle de l’accueil chaleureux du président érythréen Issayas Afewerki au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed à sa descente d’avion ont été diffusées par la télévision officielle érythréenne.

Les échanges de sourires et l’accolade entre les deux dirigeants, hautement symboliques, étaient inimaginables il y a quelques semaines encore, tant les tensions étaient vives entre ces deux frères ennemis.

Des étapes vers la paix

Il y a à peine un mois, le nouveau Premier ministre éthiopien crée la stupeur en annonçant son intention d’appliquer l’accord de paix signé en 2000 avec l’Érythrée et qui prévoit la restitution de territoires contestés à ce pays. Nouvelle surprise, le président érythréen Issayas Afewerki, qui a pourtant créé sa légitimité sur le conflit avec le voisin éthiopien, s’empresse d’accepter la main tendue.

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Puis les évènements s’enchaînent. Une délégation de haut niveau se rend à Addis-Abeba il y a à peine deux semaines, pour la première fois depuis 20 ans. On annonce à l’occasion une prochaine visite du Premier ministre éthiopien à Asmara. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour le voir tenir sa promesse. Abiy Ahmed a atterri dimanche matin à l’aéroport d’Asmara où il a été accueilli en grande pompe.

Des contentieux à régler

Des spécialistes de la région saluent un pas important franchi sur le chemin de la paix, mais un pas encore « symbolique ». « Ce ne sont pour l’instant que des outils politiques », explique le journaliste Léonard Vincent, spécialiste de la région. Les deux pays doivent maintenant s’attaquer à la cause profonde de leur conflit. « La grande étape qu’il va falloir franchir maintenent, ça va être la gestion des territoires disputés, qui est au coeur de la guerre entre les deux pays. »

Le Premier ministre éthiopien doit restituer des territoires contestés à l’Érythrée, en particulier la ville de Badme, au grand dam d’une partie de la population qui parle de « trahison ». Il y a aussi la question de la démilitarisation de la zone frontalière, la reprise des relations économiques ou encore l’accès de l’Éthiopie aux ports érythréens.

« Il y a un certain nombre de problèmes techniques très lourds qu’il va falloir gérer. Et là on pourra commencer à parler d’un vrai rapprochement et d’un début de résolution définitif du conflit entre les deux pays », souligne Léonard Vincent, journaliste au Média et spécialiste de la Corne de l’Afrique.

La situation politique et économique de l’Erythrée est désastreuse. Le régime est sous le coup d’un embargo militaire, une surveillance internationale extrêmement stricte étant donné son pouvoir de nuisance dans la région, à soutenir des mouvements rebelles ici et là, et l’oppression de sa jeunesse qui s’enfuit par milliers tous les mois à travers les frontières. Toutes ces pressions ont fini par convaincre Issayas Afewerki, sans doute.
Léonard Vincent
09-07-2018 – Par RFI