CPI/ Suicide en direct de l’ex-officier supérieur croate, Slobodan Praljak: les raisons d’un acte.

Par Léon SAKI – Afrique Matin.Net 

Coup de théâtre et image hallucinante au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de la Haye. Un tribunal censé juger des présumés crimes qui devient lui-même une « scène de crime », après le suicide en direct d’un accusé, l’ex-officier croate Slobodan Praljak. Comment l’accusé a-t-il réussi à se procurer cette substance alors qu’il est emprisonné depuis des années? Quel message, ce grand officier croate a-t-il voulu faire passer dans le monde entier en se suicidant en direct et en plein procès? Là sont les véritables interrogations qui ressortent de l’acte du prisonnier croate.

Si la première préoccupation relève des compétences des autorités policières Néerlandaises qui ont ouvert une enquête sur le drame, la seconde semble beaucoup plus à notre portée. Mais bien avant d’y revenir essayons de présenter les derniers instants de l’officier et de rappeler les faits pour lesquels il est jugé. Ce mercredi 29 novembre 2017, le verdict du jugement tombe comme un coup de semonce. Il écope de 20 ans. Contre toute attente, l’ex-officier supérieur se met débout et crie: «Praljak n’est pas un criminel ! Je rejette votre verdict».

Il s’empare d’une fiole dissimulée jusque-là, et la boit d’un trait. Quelques secondes plus tard, son avocate, Natacha Fauveau-Ivanovic, interrompt l’audience : « Mon client me dit qu’il vient d’avaler du poison ce matin». La séance est levée, les secours arrivent. Slobodan Praljak est conduit dans un hôpital de La Haye mais décède rapidement. En Croatie, c’est la consternation générale. La Présidente qui devait se rendre en Islande interrompe immédiatement son voyage et la vidéo du suicide est diffusée en boucle à la télévision nationale. L’homme de 72 est porté comme un héros national et les hommages à son égard fusent de partout.

Qui est Slobodan Praljak?

Ingénieur électricien de formation, diplômé de philosophie et de cinéma, Slobodan Praljak fut directeur du théâtre de Zagreb. Durant la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), il devient ministre adjoint de la défense de la Croatie puis commandant des forces croates en Bosnie. Jugé pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, l’homme qui aura porté sa dernière estocade contre lui-même, dans le prétoire de La Haye est aussi cité pour avoir été à l’origine d’un des actes les plus symboliques de ce conflit dans les Balkans : la destruction du pont de Mostar. Un pont qui a été reconstruit à l’identique depuis.

Le sens d’un acte

Si de nombreuses personnes s’interrogent encore sur les raisons du suicide publique de l’ancien chef des forces croates en Bosnie qualifié par ses détracteurs plus comme un acte prétentieux que courageux, elles sont loin d’imaginer l’impact politique de sa mort sous les projecteurs. Ce décès, plus que jamais, met sur la table la question fondamentale de la fiabilité de la CPI. Au plan sécuritaire, il revient de dire désormais que la CPI n’est pas un lieu sûr de sécurité pour les détenus si un poison d’une telle violence peut circuler dans les cellules, traverser les grilles pour se retrouver dans une salle d’audience.

La deuxième inquiétude repose sur l’impartialité et le caractère politique de la CPI qui aujourd’hui est au cœur de tous les débats.  « Il (Praljak) a ainsi montré à quel sacrifice il était prêt pour montrer au monde que Slobodan Praljak n’était pas un criminel de guerre », a déclaré Dragan Covic, membre croate de la présidence tripatrite de Bosnie, et d’ajouter: « C’est une humiliation » pour le TPIY, Il faut noter que la majorité des Croates ne digèrent pas l’image que la CPI tente de coller aux héros qui se sont battus contre l’agresseur, notamment celle d »entreprise criminelle commune ».

C’est cette image d’une guerre héroïque de libération qui se résumerait à une légitime défense contre une agression venue de Belgrade, qu’entendait défendre la semaine passée Kolinda Grabar-Kitarovic, dans un message lu lors d’une promotion du livre « Général Praljak ».Cérémonie au cours de laquelle la Cheffe de l’Etat a rendu un hommage à Slobodan Praljak. Aussi bien en Bosnie qu’en Côte d’Ivoire, une odeur de partialité se dégage de la Cour Pénale Internationale. Selon Human Rights Watch (HRW), par exemple, la Cour pénale internationale a « légitimé » la mise en place d’une justice partiale contre l’ex-président Laurent Gbagbo et ses proches en Côte d’Ivoire après la crise post-électorale, à travers son approche à sens unique.

Tout le sens du suicide du général réside donc dans l’inacceptation ou le refus de voir le combat de légitime défense des Croates être transformé par la CPI en conspiration criminelle commune. C’est la lassitude d’un homme face à un tribunal corrompu.