Région du Bas-Sassandra/L’hévéaculture fait disparaitre la culture du vivrier

Par Haidmond Kaunan/afriquematin.net, envoyé spécial

Il n’y a plus d’espaces cultivables à consacrer  aux cultures vivrières. « La culture du cacao, après avoir mangé la forêt, c’est le tour de l’hévéaculture d’engloutir tous  les bas-fonds du district du Bas-Sassandra, censés réservés pour les vivriers ». C’est le constat qui saute aux yeux à tout observateur averti lorsqu’il parcourt toute cette région agricole dite nouvelle boucle du cacao. Mais pour quoi cette nouvelle culture a-t-elle pris la place des céréales ?

De la sous-préfecture de Liliyo, première circonscription administrative du district du Bas-Sassandra, faisant frontière avec la région du Gôh à celle de Tabou, dans la région de San Pedro, en passant par Soubré, Méagui, Gabiadji,Grand-Béréby, c’est un peu la désolation.

Le département de Soubré, autrefois grenier de toute la nouvelle boucle du cacao  ne l’est plus. Il est même difficile de trouver un espace libre propice à la culture d’ignames et du maïs. Au bord de la voie qui traverse cette région on aperçoit par endroit quelques petites  boutures de manioc ou  des billons  de culture d’ignames aux abords des plantations de cacao. Et pour cause, il n’y a plus de terres cultivables devant être réservés à ces vivriers. Les bas-fonds propices à la riziculture, produits maraîchers et autres céréales ont également cédé la place à l’hévéaculture. Dans l’ensemble les paysans expliquent ce phénomène  par trois raisons. « Un planteur d’hévéa est comparé à un salarié, il préfère occuper son bas-fonds par l’hévéa qui lui  rapportera quelque chose tous les mois et consacrer une partie à l’achat des vivres. Ce n’est pas facile de pratiquer des cultures de céréales dans les bas-fonds, l’entretien est très coûteux et le résultat  déficitaire », explique Fofana Adama, planteur et président de conseil d’administration d’une société coopérative à Gabiadji. Qui reconnaît toutefois qu’il n’est pas normal d’être planteur et s’approvisionner en vivres sur le marché en ville. Quant à Sylla  Siaka, il explique l’occupation des bas-fonds par l’hévéaculture, par le mauvais rendement des cultures de céréales, « Si vous vous faites un tour sur le marché de San Pedro vous trouverez toute sorte de nourriture à l’image d’Abidjan et Bouaké mais très chère. Cette partie de la terre qu’on retrouve ici dans la région n’est pas nourricière. Tous les vivres que vous trouverez sur le marché de San Pedro proviennent de Bouaflé, Vavoua, Daloa, Duékué… Dans la région de Bouaflé avec un hectare de riz vous pouvez récolter 25 à 30 sacs de riz paddy. Mais dans cette partie du pays on travaille à perte si n’est en cultures pérennes », fait-il remarquer. Le constat à retenir est que la seule région qui avait une terre nourricière qui est celle de la Nawa, n’a plus d’espace. Contrairement à nos premiers interlocuteurs, Yao Koffi, planteur à Gand-Béréby et PCA de coopérative qualifie ce phénomène de course à l’argent en vitesse. « La plupart de ces plantations d’hévéa que vous traversez depuis Gagnoa jusqu’ici à Grand-Béréby appartiennent à des gens que je qualifie d’impatients, de pressées. Ces planteurs ont vu le jour dans cette dernière décennie, il y en a même de plus jeunes. Ils ont même  souvent coupé leurs pieds de cacao pour les remplacer par l’hévéa au moment où le prix du cacao n’était pas stable. Ils ne s’étaient pas interrogés sur l’avenir de l’hévéaculture et celle de la cacaoculture avant d’occuper les bas-fonds par l’hévéa. Les bas-fonds constituent une mine d’or, une réserve des vivres, pour soi et pour sa postérité. On ne doit pas le gaspiller », dénonce-t-il