Hadj 2015 : Le témoignage poignant d'un rescapé de la bousculade à Mina

Par Franck Traoré (Stagiaire) Afrique Matin.Net

Survivant miraculé de la bousculade qui a fait plus de 700 morts dont 14 ivoiriens et de nombreux disparus à Mina lors du Hadj 2015, Mamadou Traoré, de retour en Côte d’Ivoire raconte ce qu’il a vécu.

« Le lendemain du jour de « Arafat », le jeudi 24 Septembre a été pour nous, pelerins du groupe de Sotra tourisme, l’enfer sur terre. Oui, ce jour là, nous avons vécu, pendant quelques minutes, en enfer.

En effet, après avoir passé la nuit à Mouzdalifa, le jour de « Arafat », nous avons pris la route pour Mina. Dans le but de procéder à la lapidation de Satan. Nous avions sur nous de petites pierres ramassées à Mouzdalifa afin de lapider le grand satan. Aussitôt à Mina, notre car a dû faire stop, loin de notre tente, compte tenu des routes qui avaient été barrées par les forces de l’ordre. Nous avons été obligés de marcher, insouciants, vers le lieu de la lapidation.

Chemin faisant, nous avons constaté un rétrécissement de la voie menant à la lapidation. Mais nous n’en avons tenu compte car pour nous, cela faisait partie des manœuvres de sécurité des forces de l’ordre. Aussitôt arrivé du côté des forces de l’ordre, nous avons constaté que ces dernières avaient barricadé la seule voie menant au lieu de la lapidation. Plus de possibilité de franchir le corridor. Pendant ce temps, ceux qui venaient en arrière forçaient le passage tandis que les forces de l’ordre nous empêchaient de passer. C’est comme cela que la bousculade a commencé.

Au début, nous pensions que cela serait de courte durée. C’était une erreur de jugement. La bousculade a duré pour nous une éternité. Je commençais à suffoquer. Il en était de même pour mes voisins arabes et africains qui pour certains demandaient de l’aide, pour d’autres s’effondraient sous le poids de la bousculade. Je commençais à m’affaiblir. Je manquais d’air. Pendant ce temps, ça criait de partout.

Nous tendions les mains vers les forces de l’ordre afin qu’elles nous secourent. J’étais choqué par leur indifférence. C’était le sauve qui peut. Le chacun pour soi. Pendant ce temps, il faisait une chaleur torride. Peu à peu, je sentais que mes forces m’abandonnaient. J’étais en train de m’effondrer. Je sentais que je perdais peu à peu connaissance. C’est en ce moment que je vis l’image de mon épouse, de notre fils et de mon père. Ils me souriaient. Comme pour me dire qu’ils étaient avec moi.

C’est ce qui me donna une force nouvelle. Force qui me poussa à sauter par dessus la tête de ceux qui me barraient la route pour me retrouver sur la voie après les forces de l’ordre. Tout nu car mon hyram (vêtement tout blanc porté par les pèlerins) m’avait été arraché par ceux qui étaient en dessous de moi dans la bousculade.

Aussitôt de l’autre côté, derrière les forces de l’ordre, je ramassai un hyram pour me couvrir et en chancelant, je m’effondrai tout juste à côté d’un membre de mon groupe.Très affaibli, couché par terre, dans la boue, je réclamais aux passants de l’eau à boire. Certaines âmes très généreuses m’aspergeaient de l’eau glacée sur le visage et sur le corps, d’autres m’en donnaient à boire. C’est ce qui m’a permis de résister contre le grand sommeil qui me tenaillait. Sommeil qui pouvait définitivement m’emporter dans l’eau delà. C’est quelques heures après que je me sois remis de mon état de choc que je me levai pour rechercher mes compagnons.

Nous nous rendîmes sous notre tente et le soir, nous constatâmes l’absence de 06 d’entre nous.Deux jours après, nous nous rendrons compte que quatre d’entre eux sont morts dans la bousculade. L’un d’entre eux a été retrouvé. Nous n’avons pas encore de nouvelles d’un autre. Le compagnon de Salif Bictogo et de Koné Hilliassou, le Maire de Bondoukou qui ont vécu l’enfer avec nous.

J’ai retenu une grande leçon de cette épreuve. Dieu m’a permis de vivre afin de me donner la chance d’être un homme nouveau. Comme je le lui avais demandé lors des bousculades. Le pardon aux uns et aux autres que j’ai demandé avant mon départ à la Mecque m’a été d’un grand secours. Ceux qui sont morts lors de la bousculade sont en ce moment les habitants du paradis parce qu’ils étaient tous en état de pureté. Que leurs parents sèchent leurs larmes car ils sont morts lors de l’adoration de Dieu. C’est une période de mort que nous recherchons tous. »