Retour sur les 100 jours du Président Trum: le regard d’un expert des Relations internationales, diplomatie et stratégie.

Comprendre les 100 jours de Donald Trump

Donald Trump ne finit pas  de nous surprendre, D’abord  son élection est une surprise puisque les sondages lui donnaient perdant.

Deuxième surprise, pour la première fois des citoyens du pays de la grande démocratie marchent pour contester une élection à tel point que l’on se croirait en Afrique.

 Troisième surprise,  Trump prend un décret  interdisant l’immigration des citoyens de  sept (7) pays musulmans aux Etats- Unis et le pouvoir judiciaire bloque son  l’application.

 Quatrième surprise,  alors que Trump, en plein campagne a dit sans embase que « l’Américanisme, et non le mondialisme sera son credo » à tel point que le citoyen lambda pensait à la fin de l’interventionnisme américain, que les missiles pleuvent en Syrie et en Afghanistan, sans l’aval du congrès ni de l’Organisation des Nations Unies (Onu), et encore Trump s’apprêterait à donner une réponse dite  appropriée à la Corée du Nord. Déjà un blocus (bouclier) anti-missile est installé en Corée du sud pour parer à toute éventualité. Ces deux actes majeurs qui résument les cent (100) jours de Trump nous emmènent à nous interroger.  Alors je m’interroge : Cette posture de Trump s’apparente-t-elle à une violation de la constitution américaine et du droit international, ce d’autant plus que le Congrès n’a pas déclaré la guerre d’une part, et d’autre part  aucune résolution de l’Onu ne lui donne mandat de bombarder une base aérienne en Syrie ?  Au vu de ce qui précède, quelle est  donc la ligne directrice  ou la Grande Stratégie en matière de politique étrangère de Trump ? A- t-il ressuscité la Doctrine Monroe ? Quelle école de pensée politique l’inspire-t-il ? Est- il devenu le monarque britannique, dont les pères fondateurs ont rejeté la gouvernance  pour se donner une constitution qui garantit les droits des citoyens et les libertés individuelles ?

Autrement dit, a-t-il déchiré la convention  de 1787 de Philadelphie ? Pour comprendre cette posture ambivalente du Président Trump, il importe de faire un flash back historique pour nous imprégner succinctement  des  écoles de pensée de la politique étrangère américaine , des grands courants idéologiques,  des principes majeurs et  doctrines phares qui guident le Président américain et ses pouvoirs formels ( son  rôle, ses prérogatives , ses responsabilités)  surtout en période  de guerre.

I- Les faits

1) De la convention de Philadelphie en  1787

 Selon Patrice Gérard, dans son œuvre « LE PRESIDENT DES ETATS UNIS »,à cette convention le point d’achoppement tournait autour de la forme de l’exécutif et le nom du futur chef d‘Etat. Un débat contradictoire s’instaure entre principalement, Madison, délégué de Virginie, Wilson, délégué de Pennsylvanie, Sherman, délégué de Connecticut, Pinckney, délégué de la Caroline du sud et Gerry, délégué de Massachusetts.

Après quatre jours de débat houleux, les constituants  de 1787 finissent par s’accorder sur la dénomination : Président des Etat Unis, au futur chef d’Etat américain. Il a un rôle d’harmonisateur, de coordonnateur que de commandement ; il ne lève pas d’impôt et ne déclare pas la  guerre. Parce qu’ils étaient inspirés, lors de l’établissement du régime présidentiel, non seulement par les théories de Locke et de Montesquieu, mais aussi surtout par la crainte de revoir à la tête de leur Union, une sorte de monarque anglais, les constituants ont placé le président en seconde position dans le dispositif institutionnel (article II) après le pouvoir législatif confié par l’article 1 au congrès.

2) Des pouvoirs formels du président

L’autorité présidentielle s’est consolidée autour de trois fonctions formellement reconnues par la Constitution et leur pratique a en fait accentué les pouvoirs du président dans la formulation de la politique étrangère : il s’agit des fonctions de commandant en chef des forces armées (article II section2 alinea1), de chef d’État et de chef de gouvernement.

En premier lieu, il assure le commandement et le contrôle opérationnel des effectifs militaires.   

 En second lieu, le président peut utiliser la force et une intervention militaire, en cas d’urgence et de légitime défense. Cependant, seul, le Congrès peut déclarer la guerre : l’intervention armée est donc en principe soumise à la prérogative exclusive des deux chambres (Article I section 8 alinéa 11)

En troisième lieu, le président dispose du pouvoir de mettre fin aux hostilités armées, de signer la paix – quoique formellement le Sénat soit seul habilité à ratifier un traité de paix.

3) De la Loi sur les pouvoirs de guerre

Cette loi (war power Act signée en 1973) avait pour objectif de donner un cadre précis à l’engagement des forces armées américaines. Elle visait notamment à contraindre le président à recueillir l’aval du Congrès dès lors que les forces armées se trouvaient en opération à l’étranger).   Le mécanisme prévu par la loi présente trois volets.

     Tout d’abord, le président a le devoir de consulter le Congrès. Cela signifie d’un côté que, dès lors que cela est possible, il doit le consulter avant même d’engager les troupes. De l’autre, pendant que les troupes américaines sont en opération, il doit continuer à interroger régulièrement le Congrès, et ce, jusqu’à ce qu’il ait mis un terme à cette intervention.

     Ensuite, en l’absence de déclaration de guerre, le président dispose de quarante-huit (48) heures pour informer chaque Chambre de l’engagement et des circonstances de l’engagement des troupes américaines à l’étranger (en situation hostile ou potentiellement hostile).

     Enfin, la Loi stipule que, sauf intervention contraire du Congrès, l’engagement des troupes doit cesser et cessera automatiquement au terme de soixante (60) jours. Il est cependant entendu que le président disposera éventuellement de trente jours (30) supplémentaires, si nécessaires, pour retirer les troupes. Ce total de quatre-vingt-dix (90) jours peut varier, si le Congrès en décide autrement. D’un côté, le Congrès peut prolonger ce délai par le vote d’une résolution conjointe et donc l’engagement des forces armées ; de l’autre, le Congrès peut interrompre ce délai. En effet, à tout moment, en application des dispositions de la loi, le Congrès peut adopter, concurremment dans les deux Chambres et à la majorité simple, une résolution – qui ne saurait en principe être soumise au veto présidentielle – mettant fin à l’engagement des forces armées.

4) Des écoles de pensée et de la Grande stratégie 

Les écoles de pensée de la politique étrangère américaine tournent autour de trois axes principaux ou approches (approche unilatéraliste, multilatéraliste  et l’approche minimaliste)

L’école hégémoniste consacre l’Unilatéralisme,  c’est-à-dire l’utilisation illimitée de la puissance pour dominer le système international et pérenniser l’hégémonie américaine.

Quant aux écoles institutionnaliste, équilibriste et idéaliste, elles ont comme point de convergence le multilatéralisme, c’est-à-dire, l’utilisation mesurée de la puissance américaine pour assurer le leadership américain du système international en le forgeant de concert avec d’autres alliés et partenaires. Enfin les écoles souverainistes, mondialiste et isolationniste antimondialiste consacrent le minimalisme, c’est-à-dire le repli stratégique des Etats- Unis et abandon  d’un rôle actif sur la scène internationale afin de s’en remettre aux équilibres naturels pour maintenir la paix.

II- Notre analyse

Malgré l’adoption, en 1973, de la loi sur les pouvoirs de guerre par le Congrès, les présidents n’ont cessé d’accaparer le droit de faire usage de la force, de mener des interventions armées, refusant subséquemment de reconnaître l’autorité du Congrès. En fait, de déclarer la guerre, le Congrès se voit, dans la majorité des cas, simplement consulté par le président sur une résolution d’utilisation de la force. Le pouvoir présidentiel de mener – avec beaucoup de latitude – des interventions armées (et non des guerres, ce qui l’engagerait juridiquement à se soumettre au Congrès) s’est ainsi considérablement accru, surtout durant et après la guerre froide, si bien que la pratique est maintenant courante (plus d’une centaine de fois au cours du XXe siècle). Alors qu’aucune guerre n’a été déclarée depuis la Seconde Guerre mondiale, les interventions militaires américaines se sont multipliées (entre autres en Corée, au Vietnam, au Liban, dans l’ile de Grenade, au Panama, en Somalie, en Bosnie, au Kosovo ou encore en Afghanistan et en Irak).

 Dans une certaine mesure, c’est cette pratique qui a progressivement permis de justifier l’engagement, par le président, de soldats américains dans des missions de paix, sans prendre en compte l’autorité du Congrès(par exemple en Haïti, dans les Balkans ou en Afghanistan).

     Le président Truman faisait observer que les capacités dont il disposait sur le plan militaire (auraient rendu envieux César, Gengis Khan ou Napoléon). L’ambiguïté de la Constitution sur l’emploi de la force, en l’absence de déclaration de guerre, est à l’origine du rôle prééminent du président dans le domaine militaire. Certes, ce rôle s’est accru au cours de l’histoire, profitant de situations exceptionnelles (la guerre civile américaine, les deux guerres mondiales ou encore la guerre froide). En temps de guerre, certains présidents comme Lincoln ou F. D. Roosevelt ont assumé les pleins pouvoirs, que l’on a pu qualifier de quasi (dictatoriaux) – allant jusqu’à soumettre entièrement le fonctionnement de l’économie aux besoins de la guerre. L’ambiguïté persiste toujours, et même s’accroît, malgré l’adoption, de la  Loi sur les pouvoirs  de guerre

 III)   Notre position

  1. a) La constitution n’a pas été violée

Dans ce cas d’espèce, il ne s’agit pas d’une guerre, mais d’une intervention. Mieux le congrès a apporté son soutien et lui demande de l’informer désormais

Donc Trump n’a pas violé la constitution américaine. En plus  par rapport au respect de la séparation des pouvoirs, il a retiré le décret interdisant le visa aux citoyens des sept (7) pays islamiques pour en proposer un autre.

La pratique  de la politique étrangère américaine confère des pouvoirs informels au président. Trois raisons majeures ont contribué à renforcer le rôle et l’influence du président en politique extérieure, le contexte international, les attentes de l’opinion publique et le phénomène des (deux présidences)

 Ce sont la plupart du temps ces pouvoirs informels, davantage que les pouvoirs explicites, qui déterminent l’influence et la performance d’un président. Au-delà de l’autorité constitutionnelle de ce dernier, ce sont des facteurs politiques, ses qualités personnelles de leader et de gestionnaire de son administration qui vont déterminer la nature de son rôle et la qualité de sa politique étrangère. Pour Charles  Philippe David in La politique étrangère des Etats unisL(fondements ,acteurs ,formulation    «  Le rôle prédominant du président est également lié au poids de l’opinion publique qui attend de lui qu’il définisse fermement la position et la politique des États-Unis, particulièrement durant les moments de crise. Peu de présidents ont été épargnés. Les crises les obligent à réagir rapidement et à prendre des décisions qui engagent toute la nation, marquant du coup non seulement leur présidence, mais aussi la place des États-Unis dans le monde »

 Il suffit d’évoquer la guerre du Vietnam sous Johnson ou Nixon, la crise des otages en Iran sous Carter, le conflit du Liban sous Reagan, la guerre du Golfe sous G. H. Bush, les crises des Balkans sous Clinton, et surtout les attentats terroristes sous G. W. Bush. Ces moments constituent des tournants fondamentaux dans l’histoire des présidences (et des relations internationales). Ils définissent largement la nature de la performance du mandat présidentiel.

Alors que Bill Clinton était menacé de destitution (impeachment)  mise en œuvre par des parlementaires républicains, il ordonnait trois jours de bombardement de l’Irak. Il y aurait donc (deux présidences) fort différentes, celle de la politique intérieure et celle de la politique extérieure, ne répondant ni au même contexte ni aux mêmes conditions d’autorité. Ainsi que le disait par boutade le président Kennedy, (la différence entre politique intérieure et la politique extérieure, c’est la différence entre une loi qui est défaite et le pays qui est anéanti). Cette image illustre la déférence avec laquelle les Américains s’en remettent à l’autorité du président sur les affaires étrangères. Cela dit, il reste juste d’affirmer que le président est plus libre de ses décisions dans le domaine de la défense que dans celui des affaires sociales ou de la santé

b)Trump est guidé par la thèse  de la Destinée Manifeste et du pragmatisme traditionnel américain

 Pour l’heure, il est difficile ou il est trop tôt de  déterminer le principe majeur   ou  la ligne directrice (the  grand  strategy) de Trump en matière de politique étrangère même s’il a dit en plein  campagne que « l’Américanisme,  et non  le mondialisme, sera notre credo ». Ici, il apparait clairement que Trump semble  épouser les corollaires de la doctrine Monroe et de Georges Washington qui frisent le souverainisme, l’isolationnisme et l’unilatéralisme.

En bombardant la base aérienne syrienne,  Trump ne fait que mettre à exécution la thèse  du  Manifest Destiny,  voire de la « prédestination » selon laquelle l’Amérique est une nation appart qui a le devoir  et la responsabilité   de contrôler  les nouvelles donnes de la sécurité collective, de protéger les peuples opprimés par leur gouvernants  et de propager les idées et les vertus de la démocratie libérale.  Contrairement  à certains écrits,  Trump  ne mène pas une politique  étrangère spontanée,  mais une politique étrangère  guidée par le principe de la Destinée manifeste et du pragmatisme traditionnel américain.

c) Les nouvelles donnes géopolitiques imposent à Trump une attitude multilateraliste sauf en cas de légitime défense ou d’intervention humanitaire précise et bien ciblée

Comme l’a prévenu Samuel Huntington «  l’internationaliste réaliste » dans son Œuvre : The clash of civilizations :

 Les Etats- Unis, même s’ils souhaitent agir en « gendarme exclusif  du monde», doivent tenir compte du fait qu’ils gravitent de facto dans un système planétaire bizarre, un système uni-multipolaire, où coexistent une hyper puissance, plusieurs puissances matures ainsi que des puissances régionales qui cherchent de plus en plus, nettement, à défendre leurs propres intérêts, parfois opposés à ceux de l’Amérique.

Force est de noter que Trump est face à la réalité vivante qui lui impose une démarcation de ses slogans de campagne. Sa rencontre avec le président chinois, le chef de l’autorité palestinienne, le président égyptien, les monarchies du golf et le premier ministre israélien est la preuve de cette démarcation.

L’Honorable Palé Dimaté

Diplômé de l’Ecole des hautes Etudes internationales Paris : spécialiste des Relations internationales, diplomatie et stratégie