Trahis par les Etats-Unis, Les Russes reprennent du service en Syrie

Avec le raid surprise de l’aviation russe dans le sud de la Syrie, c’est un brutal rappel à l’ordre que Moscou lance à Washington, le sommant, en quelque sorte de revenir sur les voies qu’ils avaient convenues ensemble lors de l’accord de cessation des hostilités, accord dont le contenu avait alors été largement médiatisé par les deux parties.

La surmédiatisation de cet accord, avec tous ses effets pervers tendant à présenter le gouvernement syrien et la Russie comme les dindons d’une mauvaise farce, s’avère être un véritable piège pour les Etats-Unis. Il était évident que ni les Etats-Unis, ni ses alliés n’allaient respecter leurs engagements; c’était écrit dans leur agenda. Les règles étaient pourtant claires et, plutôt que d’attendre que Washington remplisse ses promesses, la Russie pouvait s’appuyer sur ces règles pour appliquer, grâce à son aviation, les termes de l’accord. A moins de dénier ouvertement sa parole, Washington ne peut que constater les résultats des frappes rentrant dans le cadre des règles acceptées par les deux parties.

Ces derniers temps, avant le raid russe, il s’est passé beaucoup de choses, sur les plans diplomatique et militaire, qui semblent toutes liées. Tout d’abord, nous avons constaté une très forte concentration, largement médiatisée, des forces de l’OTAN aux frontières russes dans les Pays Baltes. Evidemment, pour n’importe quel pays, un rassemblement armé à ses frontières représente toujours un danger à prendre au sérieux. Mais ce n’est certainement pas avec quelques dizaines de milliers d’hommes que l’OTAN envahira la Russie, quand il a fallu aux Etats-Unis pas moins de 150 000 à 200 000 hommes pour envahir un petit pays comme l’Irak dont une bonne partie des généraux étaient déjà soudoyés.

Tout le tapage médiatique du grand attroupement du Nord, n’avait-il pas pour but, entre autre, de détourner l’attention pendant qu’on renforçait le front syrien ? Cela est d’autant plus plausible qu’un autre déploiement, moins médiatisé celui-là, se faisait, d’une part, par un regroupement naval en Mer Noire, et d’autre part, par l’envoi, par petits groupes, de troupes américaines, britanniques, françaises et allemandes en Syrie, avec création illégale de bases militaires sur le terrain. Si les méga-exercices de l’OTAN dans les Pays Baltes n’ont fait que lever quelques sourcils au Kremlin, le double voyage du ministre de la défense de la Russie Sergueï Choïgou à Téhéran et à Damas en dit long sur l’importance prioritaire que revêt la Syrie pour les stratèges russes.

La rencontre entre les ministres de la défense syrien, russe et iranien à Téhéran n’a évidemment pas servi qu’à échanger des points de vue sur une situation qu’ils connaissent parfaitement. Ce n’est certainement pas non plus, pour discuter de plans d’attaques pour reprendre tel ou tel village. Un organe de coordination existe déjà pour cela. Ce serait plutôt pour mettre au point quelque chose de plus vaste, de plus général, à caractère à la fois politique et militaire. Le voyage par la suite de Choïgou en Syrie pour inspecter la base de Hmeymim et pour rencontrer le président Bachar Al Assad, confirme qu’il se prépare quelque chose de très important.

C’est peut-être en Syrie que les choses sérieuses risquent de se déclencher, et non dans les Pays Baltes. Les Etats-Unis ont, jusqu’ici, essayé de protéger Al Qaida, allant jusqu’à demander à la Russie, par la voix de John Kerry, d’éviter de bombarder le Front Al Nusra, l’Al Qaida syrien. Pendant que John Kerry tente d’endormir les Russes par une pseudo-trêve soi-disant difficile à maintenir, et par des atermoiements et des valses hésitations jouées à la perfection par le secrétaire d’état, les troupes « djihadistes » s’amoncèlent au Nord et au Sud, armées, préparées et encadrées par les spécialistes de l’OTAN.

Les Russes ne sont pas dupes, même s’ils en donnent l’impression. Ils savent que les Etats-Unis ne veulent pas de la paix telle qu’elle est proposée par Damas et Moscou. Les tergiversations des Américains n’ont d’autre but que d’utiliser ultérieurement tous les « djihadistes » en Syrie, Daesh et Al Qaida compris, dans une vaste action commune pour arriver à leurs fins. Si des hostilités devaient réellement se déclencher entre les Etats-Unis/OTAN et la Russie sur le terrain syrien, les Etats-Unis n’auront pas d’autre choix que de combattre du côté d’Al Qaida et l’Etat Islamique, mais cette fois, ouvertement, au vu et au su du monde entier, ce qu’ils ont réussi à éviter jusqu’ici. Les frappes russes dans le sud de la Syrie, sur des terroristes modérés à l’américaine, sont un signal de départ d’un autre round dans le bras de fer qui oppose Washington à Moscou.

Le bras de fer en cours, non militaire pour l’instant se joue essentiellement sur la mise en œuvre totale des accords signés entre les deux parties. Antérieurement à l’accord de cessation des hostilités, un mémorandum avait été signé le 20 octobre 2015 entre la Russie et les Etats-Unis, qui portait sur la compréhension mutuelle, la prévention des incidents aériens et la sécurité des vols d’aviation au cours des opérations dans l’espace aérien syrien. Le 18 Juin 2016, à la demande des Américains, une téléconférence des représentants des départements militaires de la Russie et des Etats-Unis sur les questions de la réalisation des dispositions du Mémorandum, a eu lieu, résultant des frappes russes.

Au cours de la téléconférence, les Russes ont remis sur le tapis les obligations des deux parties, selon les termes du mémorandum. En disant aux représentants des Etats-Unis que les bombardements avaient eu lieu à 300 km des territoires qui avaient été déclarés par la partie américaine comme étant des régions de l’opposition qui avait adhéré au cessez-le-feu, les Russes leur signifiaient que pour éviter des malentendus, les Américains sont tenus de donner des informations transparentes et à jour. Ce qui n’était manifestement pas le cas. Malgré le fait que les Russes aient averti les membres de la coalition dirigée par les Etats-Unis concernant les cibles terrestres choisies pour les frappes, la partie américaine n’a pas fourni les coordonnées des zones d’action de ses protégés. Les Etats-Unis travaillent dans l’ombre dans leur action clandestine en Syrie, la Russie veut rendre transparente cette action, et même la mettre en lumière, à défaut de la paralyser.

Avic- Réseau International