Crise ukrainienne/Poutine ne fait que se défendre, il ne fait pas la guerre…

Interview réalisée par Keren Bossouma/afriquematin.net avec T.S

 Auteur du fameux livre intitulé « Guerre en Ukraine : Poutine n’est pas le mal », l’écrivain ivoirien Sylvain Takoué se prononce ici sur les raisons de sa publication. Il répond sans détours à nos préoccupations.

Votre livre intitulé « Guerre en Ukraine : Poutine n’est pas le mal », est chose inattendue, pour un écrivain africain, surtout avec un intitulé pareil…

Inattendu peut-être pour vous, et pourquoi laisser penser qu’il est inattendu qu’un écrivain africain publie un livre sur la question ukrainienne ? En tout cas, si c’est ce que laisse penser votre question, vous avez bien tort. D’ailleurs, -, ce livre montre bien que tout le monde a droit à s’intéresser à ce débat.

Vous êtes le seul écrivain africain à vous y lancer à travers un livre…  

« Le président Vladimir Poutine -est un homme d’Etat correct, avéré, rigoureux, une personnalité qui ne fait donc rien au hasard… », selon l’écrivain Sylvain Takoué dans son livre.

Ce n’est pas héroïque de ma part. Je n’en tire pas une gloire personnelle, mais c’est juste une question de bon sens. Tout écrivain qui en est doté, devrait s’interroger ainsi sur l’avenir du monde, – c’est aussi de rechercher la vérité historique, et la faire triompher aux dépens de ceux qui l’ensevelissent. –

J’estime qu’au regard de la vérité historique, le président Vladimir Poutine tient le bon bout, et qu’il a pleinement raison de prendre les mesures qu’il faut, pour empêcher -les occidentaux, notamment et précisément les Américains, de se mettre stratégiquement au nez et aux portes de la Grande Russie.

Notez que le président Vladimir Poutine -est un homme d’Etat correct, avéré, rigoureux, une personnalité qui ne fait donc rien au hasard, qui est éclairé par le bon sens et la raison. Sachez aussi que ce n’est pas lui qui se débat dans cette crise ukrainienne, mais les autres, et pis encore, le président Zelenski. Oui, j’en parle dans mon livre, parce que cela fait partie des grands sujets actuels du monde, et que je suis d’esprit un citoyen du monde. 

C’est tout de même à croire que vous vous invitez, en tant qu’écrivain ivoirien, dans une crise qui se passe loin de vous, loin de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique ?

-Remarquez que je ne me suis pas invité-dans cette affaire, mais que j’y ai été convoqué par la raison. D’abord, je me suis aventuré, en tant qu’écrivain, tout court, je suis une intelligence mouvante du monde. Il n’y a pas de sujets pour lequel je serais habilité à écrire et publier des livres, et d’autres sujets pour lesquels je serais subitement ou étonnamment muet et inaudible.

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Un écrivain n’est pas un fonctionnaire d’Etat, qui est conséquemment astreint à des réserves, à des limites à ne pas dépasser. Donc, moi j’écris sur tous les sujets du monde, pas seulement dans les limites de mon pays, la Côte d’Ivoire, ni dans celles de mon continent d’origine, l’Afrique.

Ensuite, la crise ukrainienne, n’est pas un dossier lointain ou éloigné de la Côte d’Ivoire ni de l’Afrique. Ceux qui le pensent ainsi, sont ceux qui méconnaissent les relents insoupçonnés d’une guerre, d’où qu’elle provienne…

Selon Sylvain Takoué, « un écrivain n’est pas un fonctionnaire d’Etat, qui est conséquemment astreint à des réserves, à des limites à ne pas dépasser. »

C’est-à-dire ?

Je suis sûr que vous avez déjà entendu dire qu’une guerre se gagne avec des alliés. De la même façon, ce sont avec les alliances, qu’une crise d’intérêt autour d’un pays donné, s’internationalise et devient une guerre élargie.

 Donc, le jeu des alliances entre Etats y est pour beaucoup dans une guerre élargie. En quoi l’attentat de Sarajevo, par lequel est née la Première guerre mondiale de 1914-1918, avec l’assassinat, perpétré le 28 juin 1914, de l’archiduc François-Ferdinand, intéressait-il vraiment l’Afrique éloignée ? Pourtant, l’Afrique, par rattachement colonial à la France, a fourni des contingents de soldats africains pour participer à cette guerre au côté de la France métropolitaine.

En quoi aussi la menace que représentait Adolf Hitler pour l’Europe, à cause de ses désirs d’envahir la Pologne, l’Autriche-Hongrie, ou encore l’Alsace-Lorraine, intéressait-elle vraiment l’Afrique éloignée, dans la Seconde guerre mondiale de 1939-1945 ? Pourtant, l’Afrique avait encore fourni en masses déferlantes des contingents de soldats africains péjorativement qualifiés de tirailleurs sénégalais. Ils ont combattu au côté de la même France. Vous comprenez ?

Oui, mais…

Laissez-moi finir. De cette même façon, ne peut-on pas craindre que la crise ukrainienne, où la même France est dangereusement impliquée sous l’égide des Etats-Unis d’Amérique, ne soit le théâtre d’une autre guerre internationale qui pourrait tout aussi mobiliser l’Afrique au côté de la France ?

 Vous voyez bien, qu’en l’espèce, cette crise ukrainienne s’internationalise progressivement avec le jeu des alliances entre l’Europe, l’Amérique et l’Angleterre. Même si, pour le moment, la chose semble se circonscrire entre, d’un côté, la Russie – et en face, l’Occident – voyez déjà les divisions et collisions qui se font en Afrique sur l’alignement, ou pas, à la Russie ou à l’Occident.

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Dans votre livre, il est écrit que « Poutine n’est pas le Mal » dans cette crise ukrainienne…

Oui. C’est un fait avéré. Si vous avez lu ce livre, vous y avez sûrement trouvé des éléments de réponses à la question ukrainienne. Qui sont ceux qui, au juste, instiguent ce conflit et y soufflent le feu ? Le premier élément de réponse – n’est pas le président russe Vladimir Poutine. Lisez et relisez bien la partie du livre où le Vice-président de la Douma (le parlement russe), Piotr Tolstoï, éclaire suffisamment la lanterne des uns et des autres, à la lumière des accords signés. Notamment ceux de Minsk, pour éviter cette propension -, qu’on connaît aujourd’hui.

Dans ce livre, le président Vladimir Poutine lui-même expose tout aussi clairement les faits tels qu’ils se présentent, à la lumière de l’histoire, mais que tente, par subterfuge et mauvaise foi habituelle, d’occulter ou de noyer l’Alliance occidentale.

Oui, mais on vous rétorquera le défaut d’équilibre de l’information, puisque ceux dont vous parlez sont des protagonistes russes…

L’erreur que vous faites ici, c’est qu’il ne s’agit pas seulement d’équilibrer l’information qui, elle-même, est suffisamment et sauvagement galvaudée aujourd’hui en Occident sur cette question ukrainienne.

Poutine y est catalogué comme un – agent du mal, presqu’exactement comme l’ont été Saddam Hussein en Irak, Bachar el-Assad en Syrie, ou encore Mohamad Kadhafi en Libye. Donc, pour la question ukrainienne, il ne s’agit pas tant d’équilibrer l’information, mais de savoir quels sont, exactement, ceux qui se donnent tant la peine d’entretenir mordicus cette guerre.

Ce n’est pas Poutine. La position de mon livre est celle-là, et des arguments ainsi que des documents historiques y sont faits étalage. Par exemple, tandis que Poutine parle, lui, d’« opération spéciale militaire », pour corriger les mauvaises lignes et le défaut manifeste de l’Ukraine d’avoir, à l’encontre de l’histoire même de cette terre russophone, des rêves et des désirs suscités, d’appartenir à l’Organisation du traité de l’atlantique nord (OTAN), les protagonistes occidentaux, qui veulent tellement envenimer les choses et ainsi effarer le monde entier pour l’y impliquer insidieusement, parlent, quant à eux, de « guerre ».

 Ce n’est pas la même chose, car si la Russie faisait vraiment une vraie guerre à l’Ukraine, pensez-vous que ce pays existerait encore, à cette heure ? C’est donc là un abus de langage – de l’Alliance occidentale.

Qui d’autres, dans votre livre, prend position en faveur de la Russie dans cette crise ukrainienne ?

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C’est d’abord la voix parfaitement audible de l’Histoire de cette partie du monde. Croyait-on vraiment pousser l’Ukraine à intégrer l’Otan, sans voir la Russie s’y opposer énergiquement, alors même qu’elle a toutes les raisons légitimes de s’y opposer ? Que recherche l’Occident à pousser l’Ukraine à entrer coûte que coûte dans cette organisation ? En cela, j’aime un esprit lucide comme celui du rigoureux journaliste belge Michel Collon. Sa réponse à ces questions sur le mobile des guerres, est claire : les ressources stratégiques.

 L’ancien président de la France, Nicolas Sarkozy, désavoue également – et cela, pendant qu’il était encore en fonction – l’Occident dans son action de faire entrer l’Ukraine dans l’Otan. Il faut aussi souvent écouter des hommes politiques français -, tels que François Asselineau et Jean-Luc Mélenchon. Ce sont des voix -, qui martèlent aux oreilles -de l’Occident, que ce conflit ukrainien n’a pas le sens de la raison.

Serez-vous pourtant écouté, vous, à travers votre livre qui le martèle tout aussi ?

Ce n’est pas cela le plus important. Ce n’est pas moi qui vais décider de l’issue des choses en Ukraine. Ce qui importe, c’est que la vérité ait été dite ouvertement dans ce livre qui soutient clairement que Poutine n’est pas le mal, et qu’il a raison. S’il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre, on verra bien ce que sera l’issue de cette crise ukrainienne. Par ailleurs, j’ai récemment adressé une lettre ouverte au président Zelenski, à l’occasion du dernier Sommet de l’Otan, qui a eu lieu à Vilnius, en Lituanie, au mois de juillet dernier.

Pour lui dire quoi ?

Pour lui dire de lever haut le drapeau blanc de la capitulation, et d’aller avoir un dialogue direct avec le président Vladimir Poutine lui-même. Car, une chose est certaine, ses alliés occidentaux s’essouffleront à le soutenir tant militairement que financièrement.

D’ailleurs, à ce récent Sommet de l’Otan, il n’a pas du tout été question de l’’intégration de   l’Ukraine à l’Organisation, alors que Zelenski s’y attendait héroïquement. Cela a été pour lui une douche froide. De plus, le soutien financier occidental se raréfie aujourd’hui pour l’Ukraine. L’euphorie occidentale des premiers moments retombe progressivement. Que deviendra l’Ukraine après cet échec occidental ? Elle reste une terre russophone. Elle retournera à sa source. Rien de plus.