Aboisso/Vivement que la paix des braves revienne à Krindjabo
Par Pascal Fobah Eblin*
Un chef coutumier respecté est la clé du succès de toute gestion communautaire des ressources et le samedi 25 mars 2023, était prévue se tenir la cérémonie populaire de confirmation de la désignation du nouveau Chef de Krindjabo. Malheureusement cet évènement n’a pas pu avoir lieu, et pour cause….
Contrairement à ce qui a été annoncé comme évènement majeur prévu se tenir le samedi 25 mars 2023, relatif à la cérémonie d’investiture du nouveau chef du village de Krindjabo à Aboisso, encore moins les événements qui lui ont été rattachés.
En prélude à cette cérémonie, le collectif des chefs de quartiers de Krindjabo a écrit un courrier à l’administration pour la tenir informée de cette investiture. En retour, Sa Majesté Nanan Amon N’douffou V, Roi du Sanwi, a aussi écrit à l’administration pour lui présenter les risques de troubles à l’ordre public et à la paix que pourrait entraîner la tenue d’une telle cérémonie.
Après analyse de la situation et pour préserver la cohésion sociale et favoriser un climat paisible et le maintien de l’ordre public à Krindjabo, le préfet de région, Legré Koukougnon, a décidé de la suspension de ladite cérémonie et de son report à une date ultérieure. Il a aussi réquisitionné la Gendarmerie Nationale aux fins de maintenir l’ordre public et la tranquillité de la population de Krindjabo.
Vivement la Paix
Cette mesure conservatoire a été prise lors d’une rencontre qui s’est tenue dans les locaux de la préfecture d’Aboisso le vendredi 24 mars 2023 de 10 heures à 13 heures. A cette occasion, le préfet de région était entouré de ses collaborateurs et du sous-préfet d’Adjouan. Etaient aussi présents les représentants de Sa Majesté Nanan Amon N’douffou V, roi du Sanwi, le collectif des chefs de quartiers de Krindjabo, les représentants du bureau de la mutuelle des originaires de Krindjabo (la MOK) et le représentant du député d’Aboisso sous-préfecture.
Nous voudrions nous excuser auprès de tous ceux qui auraient été choqués par l’information sur le 25 mars 2023 qui s’est révélée erronée et a causé beaucoup de désagréments. Nos sincères excuses s’adressent particulièrement à Sa Majesté Nanan Amon N’douffou V, roi du Sanwi, à toute la notabilité de ladite localité, au collectif des chefs de quartiers – ainsi qu’à la mutuelle des originaires de Krindjabo (la MOK).
Nous souhaitons que, sur les conseils avisés du préfet de région et avec la médiation des responsables de la mutuelle des originaires de ce village, la paix revienne dans le village et que l’installation du nouveau chef de village se fasse dans la ferveur générale. Pour son développement, Krindjabo a besoin de paix et de l’entente entre toutes ses filles et tous ses fils.
Les faits qui interpellent
Les compassions royales à l’endroit de certaines personnalités politiques de la région du Sud-Comoé se font, selon certaines langues, avec des préférences qui contreviennent au principe d’équidistance attendu d’un père dans ses rapports avec tous ses fils, quels qu’ils soient. Même si Adiaké et Ayamé sont à distances variables de Krindjabo, ces deux villes devraient bénéficier de la même distance affective vue de Krindjabo.
Les sujets de réprobation et de colère portent aussi sur l’attribution de titres princiers à des personnalités du royaume sans que l’on sache ce qui l’a motivée objectivement. Il est vrai que l’exemple de Michael Jackson, un chanteur américain mondialement connu qui a visité Krindjabo le 14 février 1992, a révélé que l’accession à la dignité de prince peut ne pas l’être par lignage et reposer sur la qualité des services rendus ou le prestige apporté à la communauté.
Si c’est cela le principe établi de façon discrétionnaire et que nul ne peut d’ailleurs contester, comment comprendre cette récompense-récompense à géométrie variable alors que l’on ne peut pas compter le nombre de services rendus à la communauté depuis plusieurs décennies par des fils bien connus et non des moindres du Sanwi ? A moins, bien-sûr, qu’il n’y ait des lignages royaux ignorés du grand public.
Nous pensons, pour notre part, que la politique ne devrait pas dénaturer ce principe noble de récompense royale qui se rapproche de ce que fait la grande chancellerie en contexte républicain. Cette initiative est à encourager mais demande à être mieux encadrée pour ne pas édulcorer les us et coutumes politiques du Sanwi. Il faut préciser, pour ce qui est du cas de Michael Jackson, que sa famille d’origine possédait l’un des quarante-huit (48) sièges royaux selon les anciens du royaume.
La royauté ne doit pas être une source de conflits
Dans toute société monarchique, le détenteur du pouvoir royal « est l’âme du peuple, le père de chacun de ses sujets, le représentant du créateur, le premier prêtre des génies protecteurs et des ancêtres qui veillent sur la cité. A ce titre, sa personne est sacrée et inviolable » (pascalchristian.fr) et, ses actes et ses rapports avec toutes les composantes de la population représentent ou magnifient, selon le cas, ce sacré et la pratique de l’équité associés à sa fonction de chef politique premier de la zone.
Les comportements, les prises de position et la vie publique du souverain sont fixés et figés dans ces marques de sacralité et d’équité. La personne royale est ainsi une institution à part entière qui a, entre ses mains, le secret du consensus et du compromis qui garantissent la cohésion sociale ainsi que l’ordre dans le royaume.
La personne royale est faiseuse de paix, gardienne des coutumes et chantre du dialogue et de l’entente entre les fils et filles de la zone qu’elle a sous son administration. Elle est censée être le trait d’union entre tous les cadres de cette zone pour arrondir les angles de leurs oppositions et établir l’entente entre eux pour le bien de tous et de la communauté.
Elle ne doit pas être une source de conflits ou animer des conflits, quels qu’ils soient, au sein de la communauté. Le faire, c’est désacraliser et sa personne et sa fonction. Ce sont là quelques-uns des traits invariants de toute institution royale dans nos contrées et qui s’appliquent bien à l’institution royale dans le Sanwi.
*Professeur des Universités, natif de Krindjabo