Bien-être des producteurs/Les pluies de milliards transformés en pluie de misère
Par Haidmond Kaunan/afriquematin.net, envoyé spécial dans le Bas-Sassandra, l’indénié-Djuablin et la Mé
Le régime Alassane Ouattara avait promis de déverser des pluies de milliards sur les producteurs de café et cacao. Cela, il l’avait inscrit dans son projet de société au cours de sa campagne pour les présidentielles en 2010.
Il avait promis remettre, selon ses propres termes, la filière café-cacao aux producteurs. Malheureusement pour ces derniers, ces torrents de milliards sont passés inaperçus aux yeux des pauvres et braves paysans qui n’ont pu se réjouir des plaisirs qu’a offert ce nouvel an de 2019, eu égard à la mévente du cacao et l’hévéa. Mais surtout à cause du fait que la société de développement des forêts(Sodefor) empêchait les exploitants agricoles d’avoir accès à leurs plantations qui se trouvent dans de forêts classées dont elle avait elle -même favorisée l’infiltration.
En Côte d’Ivoire, toutes les couches socio-professionnelles se font entendre par des signatures de pétitions, de préavis de grèves ou de sit-in, lorsque leur droit est menacé. Sauf les paysans et particulièrement les producteurs de café cacao et de caoutchouc qui pleurent sans pouvoir élever la voix, qui souffrent dans leur chair agrémentés par une douleur silencieuse qui ne dit pas son nom, tellement grande qu’elle est muette, difficile à contenir, du fait qu’on les empêche de s’organiser pour revendiquer. Sachant que l’Etat de Côte d’Ivoire choisit des personnes à sa solde qui ne sont pas le choix de la base pour les représenter au conseil du café et cacao (CCC).
Faut-il rappeler pour mémoire, le gouvernement ivoirien avait annoncé que pour cette campagne 2018-2019, qu’il fixerait le même prix et le même jour que la République voisine du Ghana. Loin s’en faut, puisqu’ il y a une différence de 93 francs CFA entre le prix du Cocoboad ghanéen et le CCC de Côte d’Ivoire. Ce qui ne peut ralentir, voire freiner la fuite du cacao vers le Ghana. Le Ghana achète le cacao ivoirien à 840 Francs dans la région de l’Indénié-Djuablin, au vu et au su des autorités compétentes. Pour l’observateur qui est parti d’Abidjan pour la sous-préfecture de Grabo dans le département de Tabou au Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire en passant par les département de Soubré et San Pedro, le constat est que les cacaoyers sont depuis le mois d’octobre, dépourvus de cabosses. Dans les régions de l’Indénié-Djuablin et la Mé, abritant de vastes plantations bien entretenues qui font du cacao de qualité, il est constaté une baisse drastique du volume du cacao par rapport à la campagne dernière. A cela, il faut ajouter le fait que dans le département de San Pedro ou les deux-tiers(2/3) du territoire sont recouvert par le massif forestier, classé, la Sodefor s’impose en dressant des corridors pour faire payer à chaque coopérative, la somme de 300.000 francs pour pouvoir commercialiser le cacao. Au risque de ne pas pouvoir commercialiser sa production .Cette même structure étatique, dont les agents avaient eux-mêmes installé des allogènes et allochtones dans ces forêts classées et les avaient mis en confiance en les rackettant à cout de millions de francs annuellement. Dans le département d’Abengourou, où se trouvent plusieurs forêts classées, les agents des eaux -forêts incendient les plantations des producteurs qu’ils ont eux -mêmes installés. A Afféry, dans le département d’Akoupé, dans la région de la Mé où les autochtones eux-mêmes occupent la forêt classée d’Agbo depuis le lendemain des indépendances la Sodefor les empêche d’avoir accès à leur plantation en vue de les entretenir. Là -bas, plus de 80% de la production cacaoyère de la sous-préfecture proviennent de cette forêt pour laquelle ils avaient reçu un titre de propriété provisoire sur un bail emphytéotique (99 ans). Le gouvernement avait annoncé qu’il combattrait contre les 100.000 hectares de plantations ravagées par la maladie du Swollen shoot et dédommager les victimes. Hélas la désolation est totale ! Le centre national de recherche agronomique(CNRA) avait proposé aux producteurs de cacao la variété Mercedes qui produirait 1.5 à 3 tonnes/ha. Auquel s’ajoute le projet bois d’ombrage pour l’accompagner. Le conseil du café et cacao (CCC) demande actuellement aux producteurs de ne plus produire plus de 400kg/ha. Et toutes ces réactions, ces maltraitances des producteurs de l’Etat de Côte d’Ivoire sous prétexte qu’il y aurait une surproduction cacaoyère. Mais que veut l’Etat ivoirien au juste ? Regrette-t-il d’avoir initié tous ces projets ? La Côte d’Ivoire a- t-elle toujours besoin de cacao ?, car le gouvernement ivoirien veut tout simplement une baisse de production pour avoir une hausse du prix mondial pour mieux prélever sa part. Et tant pis pour les producteurs qui ont besoin d’un fort tonnage pour faire face à leurs nombreuses charges dont l’entretien et la main d’œuvre agricole devenue rare à cause de la mévente des produits agricoles. Et pourtant le CCC n’arrêtera pas de prélever les quarante pour cent du prix mondial, le gouvernement ivoirien n’arrêtera pas de fixer très cher le prix de renouvellement des codes des coopératives, il n’arrêtera pas, non plus de taxer les coopératives. Bref ! Et pourtant il n’y a pas de route. Dans le département de Tabou, chaque coopérative agricole cotise plus d’un million de francs Cfa pour l’entretien des ponts et pistes rurales et même la voie internationale qui relie le département au port autonome de San Pedro. La culture du café va disparaître une nouvelle fois. Avec la chute de prix de 50 francs. Déjà pour la campagne 2017-2018, il y a un stock de plus d’un millier de tonnes de café qui se « repose » dans les magasins des coopératives de l’Indénié-Djuablin. Région par excellence de production de bon café dont les producteurs sont touchés par le découragement à cause de la complexité ce travail et du manque de main-d’œuvre agricole. L’hévéa, devenue la culture de consolation par excellence, depuis des décennies, est descendu aux enfers. L’on note que les producteurs agricoles ivoiriens, sont les plus grands oubliés des projets du gouvernement.