Politique/Guillaume Guéï déclare que « Thiam bénéficie d’un capital de sympathie et a sa destinée entre les mains »

Directeur des opérations dans une société irlandaise de pétrole et de gaz et président du mouvement politique « La République Nouvelle », Guillaume Guéi revient sur les raisons de la création de son mouvement politique et se prononce sur l’actualité de son pays.

La vie politique ivoirienne est marquée par la nouvelle configuration du Pdci-Rda après le décès du président Henri Konan Bédié et l’élection de Tidjane Thiam à la tête du parti. Quelle analyse faites-vous sur ce sujet ?

 Le renouvellement de notre classe politique est une bonne chose.  Cela est même indispensable pour revivifier les partis politiques et le débat national. Je trouve regrettable qu’il faille attendre la disparition d’un leader politique pour entreprendre le renouvellement de la classe politique.

Il y a eu un changement à la tête du Pdci-Rda et je souhaite qu’il y ait aussi un changement à la tête du Rdr devenu Rhdp, du PPA-CI, car les défis qui attendent nos états africains sont légions vu que chaque génération a ses défis, les défis actuels n’ont rien à voir avec ceux lors à la création du Rda à l’époque coloniale. Tout changement est porteur d’espoir, il appartient aux principaux leaders de ne pas décevoir. Pour l’heure, Thiam bénéficie d’un capital de sympathie malgré les conditions de son accession à la présidence du Pdci-Rda. Il a sa destinée entre les mains.

« L’avènement d’Alassane Ouattara au pouvoir suprême en Côte d’Ivoire avait suscité tellement d’espoirs que les promesses non tenues sont vivaces dans l’esprit de tous les ivoiriens ».

Quelle appréciation portez-vous sur le regroupement de plusieurs partis politiques de l’opposition et des organisations de la société civile sur leur récente déclaration – concernant la Commission Électorale Indépendante ?  

– Je tiens à préciser que c’est une coalition, pas une fusion autour d’un leader. Cette coalition a pour objectif de parler d’une seule voix. Hier, nous avons assisté à la naissance du Rhdp pour faire bouger les lignes. Nous espérons le même succès à cette nouvelle famille politique. Concernant les revendications, quoi de plus légitime que de faire compétir dans une atmosphère apaisée tous les Ivoiriens et les ivoiriennes qui le désirent. La vraie démocratie, c’est laisser le peuple choisir librement ses dirigeants.

Un groupuscule de personnes ne peut s’arroger le droit de choisir qui doit présider aux destinées de la nation en imposant les personnes qui doivent compétir. Ce n’est pas cela la démocratie. Si en 2010, les élections présidentielles n’avaient pas été ouvertes à tous, le régime actuel n’aurait jamais pu accéder au pouvoir d’État. J’invite à regarder dans le rétroviseur, le gouvernement, les barons du Rdr devenu Rhdp, les amis et sympathisants de la Côte d’Ivoire. J’implore l’Esprit Divin à les habiter afin d’éviter à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens ce qu’on a connu et subi en 2020.

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Il est temps de lever toutes les sanctions judiciaires et politiques qui frappent certains dignes enfants de la Côte d’Ivoire, de libérer l’ensemble des prisonniers politiques et de permettre le retour libre et serein de tous les exilés de notre nation. Les guerres de personnes ont assez duré et suffisamment été préjudiciables aux Ivoiriens et au développement de notre Nation. Il est temps d’y mettre fin.

Après les accords de Marcoussis, les partis de l’opposition avaient demandé et obtenus la recomposition de la Commission électorale indépendante (CEI) d’alors jugée inféodée au parti au pouvoir. L’opposition d’aujourd’hui fait des constats avérés et demande sa recomposition. Inféodée pour inféodée, les mêmes causes devraient produire les mêmes effets. Oui les revendications, toutes les revendications de la plateforme des partis politiques de l’opposition sont légitimes, légales et recevables. Mieux, c’est le souhait de tous les Ivoiriens dignes de ce nom.

Vous êtes sans ignoré que les rapports ne sont pas au beau fixe entre les gouvernements des pays de l’AES, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger et le gouvernement ivoirien. Quel est votre point de vue sur cette situation tendue ?

Je voudrais d’emblée m’incliner devant la dépouille de toutes les personnes, de quelque nationalité que ce soit, qui ont tragiquement trouvé la mort dans les affrontements armés qui se déroulent au Sahel. Le sang des enfants d’Afrique a assez coulé. Et ce, depuis la nuit des temps. Il est temps que cela s’arrête.

« Si en 2010, les élections présidentielles n’avaient pas été ouvertes à tous, le régime actuel n’aurait jamais pu accéder au pouvoir d’État ».

Épris de justice, de liberté et panafricain que je suis, je trouve normal que les pays du Sahel aient décidé de remettre en cause les clauses des relations bilatérales qui les liaient à certains de leurs partenaires. Je me souviens qu’après une réunion de la Cédéao, le président Ivoirien avait ouvertement appelé à une intervention armée pour déloger les tenants du pouvoir au Niger et ne perdons pas de vue l’affaire des 46 soldats ivoiriens au Mali.

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Plusieurs violations de l’intégrité du territoire ont récemment été dénoncées de part et d’autre part par les gouvernements Ivoirien et Burkinabè. Aujourd’hui réunis au sein de la Confédération des Etats du Sahel (CES), chacun de ces pays se rappelle des différends qui les ont opposés récemment et dans le passé à la Côte d’Ivoire. C’est normal que tout cela n’augure pas à s’attendre à une relation apaisée avec les états du CES.

J’ai entendu le Président Ibrahim Traoré, Benjamin des présidents des Etats de la CES, dire que leur confédération n’en avait pas après le peuple Ivoirien mais que leurs griefs étaient contre le gouvernement ivoirien. Je salue ce distinguo qui permet de ne pas faire l’amalgame entre les peuples frères des différentes nations. La Côte d’Ivoire a toujours été un pays d’hospitalité qui a accueilli, intégré et assimilé des millions d’hommes et de femmes issus de ses pays. Nous ne souhaitons pas une belligérance entre ces peuples en Côte d’Ivoire.

Les différends politiques sont faciles à régler. Il suffit d’une réunion et d’une poignée de mains et tout est réglé. Une belligérante entre peuples peut être meurtrière avec des conséquences insoupçonnées sur des générations. Les rapports tendus entre le gouvernement Ivoirien et les Etats du CES, j’estime que c’est du coin-coin-coin entre hommes de pouvoirs pour s’assurer de sa suprématie prépondérante.

Un peu comme à la maternelle et au primaire quand on gonflait le torse dans la cour de la récréation pour intimider les camarades. Généralement, ça ne va nulle part. Les peuples et les populations ont fait une saine lecture de la situation et ils vivent en parfaite harmonie dans les différents pays. Dans aucun pays, nous n’avons entendu parler d’attaque contre des communautés. Il faut applaudir la maturité politique de nos populations.

Depuis 2011, le président du Rhdp Alassane Ouattara est à la tête de la Côte d’Ivoire. Avez-vous un commentaire à faire sur sa gouvernance?

« Pour l’heure, Thiam bénéficie d’un capital de sympathie malgré les conditions de son accession à la présidence du Pdci-Rda. Il a sa destinée entre les mains ».

L’avènement d’Alassane Ouattara au pouvoir suprême en Côte d’Ivoire avait suscité tellement d’espoirs que les promesses non tenues sont vivaces dans l’esprit de tous les ivoiriens. Dès son accession au pouvoir d’Etat, nous avons assisté, dénoncé et décrié la résurrection du parti-Etat en Côte d’Ivoire avec le Président de la République qui était également le Président d’un parti politique, c’est-à-dire Président d’un groupuscule de personnes.

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Ce mélange de genres a eu pour conséquence une politique de rattrapage exacerbée avec des conditions ambigües et discutables d’attribution des marchés publics. Le processus de gré à gré appliqué tous azimuts pour l’attribution des marchés publics a eu pour conséquence que les ouvrages livrés n’étaient pas au rendez-vous de la qualité attendue. Des surfacturations et la non qualité ont été constatées sur la plupart des ouvrages livrés. On a assisté à du bitume biodégradable.

Les problèmes de délestage toujours récurrents, la réhabilitation de l’université de Cocody qui a coûté des milliards pour peu de changements fonctionnels palpables. Et le pom-pom a été le gouffre financier de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) avec la construction d’édifices sportifs qui sont déjà en train de tomber dans les oubliettes et qui bientôt vont entamer leur décrépitude. Quelle rentabilité pour le stade de San-Pedro ? Comment rentabiliser à Abidjan le stade Champroux, le palais des sports, le stade Houphouët-Boigny et le nouveau stade construit à Ebimpé ?

Je ne sais pas si un bilan financier de la CAN et une projection d’usage des ouvrages sportifs ont été faits après -. C’est un scandale si cela n’a pas été fait. J’estime qu’une réallocation des fonds par exemple vers un vrai et réel programme emplois-jeunes aurait été plus judicieuse. Sous cette présidence, nous avons assisté à plusieurs régressions. Au plan politique, nous avons assisté au tripatouillage et au non-respect de la constitution avec un troisième mandat anticonstitutionnel et la résurrection du parti-Etat. Au plan judiciaire, nous avons assisté à la fin de la séparation des pouvoirs. Notre justice a été complètement inféodée au parti-Etat… Conséquences ; beaucoup d’exilés et de prisonniers politiques.

Au niveau économique, ce fut l’explosion exponentielle de la dette de l’État avec une cherté de la vie jamais constatée en Côte d’Ivoire. Au niveau social, nous avons constaté un taux de mortalité, de suicides et de disparitions jamais égalé en Côte d’Ivoire. Le pouvoir d’achat des Ivoiriens jadis moteur de la joie de vivre des Ivoiriens a fondu comme du beurre au soleil. Le panier de la ménagère est devenu le sachet de la ménagère. Partout dans tous les foyers, le désarroi est palpable. À tout cela se sont ajoutés les déguerpissements et les expropriations non concertés.

Source : ledebativoirien.net et crocinfos.net