Quatre manifestants ont été abattus lors d’un rassemblement à Omdourman, ville voisine de la capitale soudanaise, selon des médecins, alors que les négociations entre militaires et contestation étaient censées reprendre jeudi soir pour régler les points en suspens d’un accord de transition.
“Quatre manifestants ont été tués par balles réelles et plusieurs ont été blessés lors d’un rassemblement à Omdourman”, a déclaré dans un communiqué le comité des médecins, proche de la contestation, dont les meneurs devaient reprendre les négociations avec le Conseil militaire de transition au pouvoir.
Les tirs ont eu lieu alors que des milliers de manifestants se sont rassemblés jeudi dans plusieurs villes pour protester contre le meurtre cette semaine de six manifestants, dont quatre lycéens.
Une reprise des négociations était normalement prévue jeudi soir. Elle avait été annoncée plus tôt par un porte-parole du Conseil militaire et confirmée par la contestation. Les discussions avaient déjà été suspendues après la mort des six manifestants lundi lors de la répression d’un rassemblement.
Des Soudanais avaient alors défilé contre les pénuries de pain et de carburant à Al-Obeid, dans l’Etat du Kordofan-Nord (centre) et six d’entre eux avaient été tués par balles et 60 blessés.
Le général Jamal Omar, membre du Conseil de transition militaire qui dirige le pays depuis la destitution du président Omar el-Béchir en avril, a accusé les paramilitaires des redoutées Forces de soutien rapide (RSF) d’avoir tiré sur la foule.
Obtenir justice
Dirigées par Mohammed Hamdan Daglo, aujourd’hui numéro deux du Conseil militaire, les RSF, sont également accusées par les leaders de la contestation, qui ont appelé à “une marche d’un million” de personnes pour “obtenir justice”.
Des milliers de Soudanais ont répondu à l’appel dans la capitale Khartoum et d’autres villes du pays.
“Où est la commission d’enquête?”, ont scandé les protestataires défilant dans les quartiers Burri et Bahri, hauts lieux à Khartoum de la contestation depuis le déclenchement des manifestions en décembre dernier.
A Khartoum, de nombreux manifestants ont brandi des drapeaux et des photographies de protestataires tués depuis décembre.
Des rassemblements ont également eu lieu à Al-Obeid, Madani (centre), Port-Soudan, ville au bord de la mer Rouge, et dans l’Etat du Nil-Blanc (sud).
Mercredi soir, le général Omar avait accusé des membres des RSF qui gardaient une banque près du rassemblement lundi à Al-Obeid d’avoir réprimé la manifestation à coup de matraques.
“Cette action a entraîné une réaction de certains étudiants qui ont jeté des pierres sur les forces”, a-t-il ajouté.
“Cela a conduit des membres de la force à agir à titre individuel et à tirer sur les manifestants. Nous avons identifié ceux qui ont tiré à balles réelles et entraîné la mort des six” manifestants, a-t-il précisé.
Les suspects ont été remis aux autorités locales, a indiqué l’agence officielle Suna, sans préciser leur nombre. Ils ont été licenciés et seront jugés, de même source.
Points en suspens
Les lycéens protestaient contre les pénuries de pain et de carburant. Les premières manifestations au Soudan avaient été déclenchées par le triplement du prix du pain dans un pays à l‘économie exsangue.
Depuis décembre, la répression de la contestation a fait plus de 250 morts, selon un comité de médecins proche de la contestation.
La mort de manifestants à Al-Obeid avait entraîné la suspension de négociations prévues initialement mardi entre leaders de la contestation et les militaires sur le partage du pouvoir.
Ces négociations devaient permettre de finaliser certains points en suspens après la conclusion d’un accord de partage du pouvoir le 17 juillet. Obtenu après de difficiles négociations, il prévoit un Conseil souverain composé de cinq militaires et six civils chargé de mener la transition pendant un peu plus de trois ans.
Les points en suspens portent sur les pouvoirs de ce Conseil souverain, sur le déploiement des forces de sécurité et l’immunité de généraux impliqués dans la répression de rassemblements.
Ces discussions ont déjà été suspendues par le passé, notamment après la dispersion brutale le 3 juin d’un sit-in de manifestants devant le siège de l’armée à Khartoum qui a tué 127 manifestants, selon un comité de médecins proches de la contestation.
Une enquête officielle a conclu à l’implication de huit paramilitaires dont des membres des RSF dans cette équipée sanglante. Le général Daglo a nié toute responsabilité, dénonçant une tentative de nuire à l’image de ses forces.
AFP