Par Léon SAKI – Afrique Matin.Net
Ce n’était certainement pas la marche qui intéressait les hommes de Dieu encore moins la prière pour la paix en pleine rue d’Abidjan sous la forme d’un chemin de croix. Le clergé ivoirien voulait se rendre compte, par lui-même, des accusations trop souvent portées par l’opposition et la société civile contre le régime d’Abidjan, traité d’autoritaire et dictatorial.
Depuis son accession à la magistrature suprême, les rapports sur la férocité du pouvoir Ouattara a toujours été une préoccupation majeure pour les chancelleries et Vatican. Si la plus part de ces représentations diplomatiques a choisi de fermer les yeux sciemment sur les dérives totalitaires du pouvoir d’Abidjan rapportées par d’importantes ONG internationales, pour des raisons liées à des intérêts énormes, certaines comme le Vatican du très Souverain Pontife a décidé de voir les choses autrement.
Après les violences électorales du premier tour de la présidentielle 2010 attribuées au clan Ouattara, les élections qui se sont déroulées, sous sa tutelle, ont toutes été émaillées de violences et entachées de graves irrégularités. Il a été donné de voir des victoires, aux législatives et aux municipales, arrachées aux adversaires du régime en place et des bureaux de vote détruits. Des journalistes de l’organe de presse PDCI 24 ont subit des graves violences et leurs matériels emportés. Toutes les marches annoncées par l’opposition ont été interdites et leurs organisateurs interpellés et menacés. Même de simples meeting politiques dans des endroits clos sont pris à partie par les forces de l’ordre.
La Côte d’Ivoire est devenue un pays où il est difficile de faire de la politique, de mener des revendications professionnelles et corporatives. Tout cela, le Vatican le sait. C’est ce qui explique la dernière sortie du clergé ivoirien invitant le pouvoir ivoirien à la transparence électorale. « Au regard du développement des dernières actualités en Côte d’Ivoire, marquées par des élections municipales et régionales émaillées de violences, ….si nous ne prenons garde, nous risquons de renouer avec les vieux démons d’une autre crise postélectorale. Les germes en sont visibles pour celui qui sait lire entre les lignes», a averti le Cardinal Kutwa.
C’est pourquoi, il a exhorté la classe politique ivoirienne à rendre plus perceptible et visible sa volonté « d’œuvrer ensemble pour le bien de la famille humaine, à accueillir les vertus humaines qui sous-tendent le bon agir politique, la justice, l’équité, le respect réciproque, la sincérité, l’honnêteté et la fidélité ».
Quelques jours après, les évêques de Côte d’Ivoire réunis à Korhogo lors de la 114è Assemblée Plénière a égrainé les quatre (04) conditions pour des élections apaisées en octobre prochain, au nombre desquelles, la mise en place d’une Commission Électorale Indépendante (CEI) consensuelle, la libération des prisonniers politiques et d’opinion, le retour des exilés, la consolidation de l’Etat de droit et le respect de la constitution.
A la suite de ce message sans management et direct, des voix se sont levées au plus haut sommet pour porter une contradiction aux hommes de Dieu pour les rassurer que la Côte d’Ivoire se porte bien démocratiquement et en termes de gouvernance. C’est un pays où il n’existe pas de prisonnier politique a déclaré le porte-parole du gouvernement. Et le président Alassane Ouattara de renchérir lui-même depuis Londres, annonçant que la CEI est consensuelle et entièrement contrôlée par la société civile.
Toutes ces réactions vont amener alors l’Eglise Catholique de Côte d’Ivoire à prendre l’intelligente et astucieuse décision d’organiser une « marche priante » pour la paix, espérant qu’au nom de cette valeur certainement partagée et chère au pouvoir, elle se déroulera très bien. Il s’agit ici pour l’Eglise Catholique de se rendre à l’évidence voire vérifier les propos tenus par le Chef de l’Etat et ses porte-paroles. Mais voilà que l’annonce de la marche provoque un véritable tolet au sein du régime qui se dit scandalisé par l’organisation d’une telle activité de la part d’Hommes de Dieu. Vous ne saurez jamais les pressions, intimidations et menaces auxquelles furent confrontés les organisateurs en si peu de temps.
L’Eglise aurait espéré voir le gouvernement s’associer à cette marche; voir les institutions, les membres du gouvernement et les autres confessions religieuses se mettre avec elle, côte-à-côte, pour marcher ensemble dans la fraternité, la convivialité et montrer une image extraordinaire de la Côte d’Ivoire à travers le monde entier, mais cela n’a pas été le cas parce que nos gouvernants sont pour la plus part mal conseillés. Ainsi par manque d’inspiration, le régime ivoirien s’est laissé entraîné dans un piège grotesque, son propre piège.