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Guinée : l’ombre de la Chine plane sur l’élection présidentielle

La place croissante de la Chine en Guinée et le ressentiment qu’elle entraîne dans la population ne manqueront pas d’être au cœur des débats de la prochaine élection présidentielle d’octobre, à laquelle Alpha Condé devrait concourir pour un troisième mandat.

Le Président Alpha Condé de la Guinée

Sans surprise, le président de la République de Guinée Alpha Condé devrait être candidat à sa propre succession lors de l’élection présidentielle d’octobre prochain. Ainsi en ont décidé les militants du Rassemblement pour la Guinée (RPG), le parti présidentiel, rassemblés durant deux jours en convention politique à Conakry pour désigner leur candidat lors du prochain scrutin. Si le président Condé, 82 ans dont 10 passés au sommet du pouvoir, s’est offert le luxe de la réserve, se contentant de « prendre acte » de la décision de ses militants, celui-ci apparaît cependant avoir soigneusement préparé le terrain depuis des mois dans cet objectif.

En mars dernier, Alpha Condé avait ainsi fait modifier la limite du nombre de mandats présidentiels inscrite dans la constitution, à l’occasion d’un référendum controversé. Ce dernier, boycotté par l’opposition, avait fait l’objet d’une très vive condamnation de la part de la communauté internationale. À l’exception toutefois de Pékin, dont le porte-parole s’était empressé de saluer les « bonnes conditions » dans lesquelles le vote se serait déroulé, malgré les six morts et les dizaines d’arrestations provoquées par la répression des forces de l’ordre guinéenne le jour du scrutin. Un soutien bienvenu pour la Guinée d’Alpha Condé, de plus en plus isolée sur la scène internationale.

Une dépendance de plus en plus forte à Pékin

Dix ans après l’arrivée d’Alpha Condé, l’ancien opposant qui promettait de tout changer, le pays dont l’index de développement humain est le 15e le plus faible au monde semble loin d’être sortie de l’ornière. Outre la question du respect des droits de l’homme, qui apparaissent particulièrement fragilisés dans le pays, les infrastructures et les perspectives d’avenir pour la Guinée semblent toujours autant faire défaut.

Le débat de la prochaine élection présidentielle devrait ainsi principalement porter sur le bilan des deux mandats du président sortant. Dix ans après l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé et 62 ans après l’indépendance du pays, la Guinée d’Alpha Condé apparaît plus que jamais dépendante de la Chine, son principal partenaire commercial et désormais principal soutien sur la scène internationale. L’ombre de Pékin est en effet visible derrière la plupart des réalisations du vieux président : de l’exploitation croissante des gisements de bauxite par des entreprises issues de l’Empire du Milieu, à la réalisation des centrales hydroélectriques de Koukoutamba, Amaria, Souapiti et Kaléta sur le fleuve Konkouré, construites voire intégralement prises en charge par des entreprises chinoises (respectivement Synohydro, TBEA, et China Water Electric pour les deux derniers). De même, Conakry doit à Pékin l’envoi de matériel médical pour la gestion de l’épidémie de Covid-19, dont la réception en Guinée par l’ambassadeur Huang Wei et par les officiels du pays a été savamment mise en scène tout au long de la pandémie.

Le resserrement de la tutelle de Pékin sur la Guinée est également perceptible à travers l’alignement de la diplomatie du pays sur les intérêts chinois. Au point de provoquer de sérieuses contorsions du côté du ministère guinéen des Affaires étrangères. Conakry, qui a refusé de condamner la répression des Ouïghours en dépit des 88% de Musulmans que comptent la Guinée, est aussi restée très timorée pour condamner les actes de racisme visant des étudiants guinéens par les autorités locales en Chine lors du déclenchement de la pandémie de Covid-19.

Un ressentiment croissant à l’égard de la Chine

Ces reniements n’échappent pas à l’opinion guinéenne, et alimentent un ressentiment croissant à l’égard de la présence chinoise dans le pays. Principal grief : le manque de retombées pour les populations locales, qui critiquent un détournement des richesses du pays sans contrepartie. Si le secteur des mines représente en effet 13% de la richesse nationale, celui-ci ne pèse dans le même temps que 3% de l’emploi du pays. De même, l’achèvement des premiers barrages sur le fleuve Konkouré ne s’est pas encore traduit par un meilleur accès à l’électricité dans un pays ou 82% des Guinéens et 97% des habitants des campagnes en sont encore privés. La réalisation de ces centrales hydroélectriques vise par ailleurs davantage à faire fonctionner les usines de transformation de la bauxite, très énergivores, et les concessions minières chinoises, plutôt qu’à résorber le problème du manque d’électricité dans le pays. Leur construction a pourtant nécessité le déplacement de milliers de Guinéens, contraints de quitter leurs champs pour s’entasser dans des camps de réfugiés où leur situation est aujourd’hui très précaire.

La survenue de manifestations dans l’arrière-pays contre certaines entreprises minières chinoises, notamment l’année dernière à Boffa, indique une montée inquiétante des tensions. Isolé sur la scène internationale et plus que jamais dépendant de Pékin pour se maintenir au pouvoir, Alpha Condé doit désormais composer avec des critiques de plus en plus vives dans le pays. Nul doute que le sujet devrait occuper une large place dans les débats jusqu’au jour du vote.

La Rédaction 

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