Par Léon SAKI – Afrique Matin.Net
Alors qu’elles avaient été faiblement touchées lors de la crise financière de 2008, les économies d’Afrique Subsaharienne semblent aujourd’hui avoir subi d’énormes préjudices liés à la pandémie de Covid-19. L’économie culturelle notamment celle des musées ne parait pas échapper à cette réalité. Docteur Silvie Memel Kassi, enseignante et Directrice du Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire décrit ici, l’impact de la crise sanitaire sur son institution.
La Côte d’Ivoire traverse, depuis quelques semaines, une crise sanitaire très grave déclenchée en Chine. Comment avez-vous accueilli l’apparition de cette maladie en Côte d’Ivoire ?
Comme toute menace qui met en péril la vie des populations, et Comme toute compatriote soucieuse de la quiétude et la paix de son pays, la survenue de cette maladie m’a évidemment inquiété. J’ai pris la menace au sérieux et essayé de voir ce qui se passait d’abord en Chine et en Europe. Avec les signes alarmants distillés par les médias sur la pandémie, je me suis rendue compte qu’il s’agissait d’une situation très grave qui nécessitait des dispositions particulières et une rapide prise de conscience comportementale.
Face à cette pandémie, quel est l’état d’esprit de vos collaborateurs?
Au niveau de mes collaborateurs, c’était le même abattement. Quand on vous parle d’une maladie devant laquelle les grandes puissances sont impuissantes et qui de plus en plus se propage sur l’ensemble du globe, l’inquiétude ne peut qu’être au rendez-vous. A cela, il faut ajouter le manque d’informations sur la maladie et les messages alarmants fusant de partout qui donnaient visiblement lieu à une fébrilité sans pareille, une sorte de peur-panique.
Quel est l’impact de cette pandémie sur les activités du Musée des Civilisations ?
A propos des activités du Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire, l’impact est certain et considérable, et ce, d’autant plus que le musée est fermé depuis le début du mois de mars. Les institutions comme les musées sont des espaces de contacts très fréquentés. Alors, en tant que directeur, je me suis vue dans l’obligation de fermer temporairement l’institution après avoir présenté la situation à ma hiérarchie et obtenu l’autorisation. La pandémie de Covid-19 a d’importantes conséquences sanitaires, mais aussi sociales, économiques, politiques, environnementales, culturelles et financières.
Au sein de notre institution, nous avions des activités génératrices de revenus qui permettaient non seulement de faire face à des situations spontanées et de réaliser certains projets, mais aussi de subvenir aux besoins salariaux des agents journaliers dont le rôle est indispensable dans l’entretien et l’embellissement du site. Dès l’instant où le musée est fermé, sans aucune entrée d’argent, il va ipso facto se poser le problème des salaires de ces agents. Si la situation perdure, nous serons dans l’obligation de nous séparer d’eux. Sachons également que depuis le déclenchement du Covid-19, l’ensemble des acteurs économiques et sociaux se sont tournés vers les solutions digitales. Cette pandémie nous invite inéluctablement à la digitalisation. Aujourd’hui, comme le pense l’UNESCO, c’est de voir comment dans le contexte actuel de la crise sanitaire, on peut parler et proposer des solutions résilientes au secteur de la culture pour son accès à tous. En ce qui nous concerne, nous attendons les instructions du Cabinet qui est très avancé sur la question.
Comment se fait la réorganisation du travail au sein de cette importante institution pour assurer son fonctionnement en cette période très sensible? Y a-t-il des dispositions particulières ?
La tendance est au service minimum. Nous avons fait une programmation pour qu’il y ait une permanence au musée. Quatre (04) agents par jour au musée issus des trois différents départements. Nous, nous y allons deux à 3 fois par semaines selon les diligences. Mais nous travaillons beaucoup par les moyens de communication à distance, notamment le téléphone et l’internet. Nous sommes présentement sur un projet de numérisation avec la Fondation Orange qui nous a déjà fourni un serveur et son application, ce qui aidera considérablement dans le cadre de la résilience.
En cette période de crise sanitaire où les déplacements sont quasi nuls, quelles sont les mesures pour continuer la fréquentation du Musée des Civilisations par le public ?
Nous envisageons la mise en ligne de l’exposition du musée afin que les personnes qui ne peuvent plus se déplacer jusqu’au musée puissent, de leur lieu de retranchement, visiter le musée.
Comment jugez-vous les mesures de soutien prises par le Premier Ministre ivoirien contre cette maladie ?
Ce sont des mesures salutaires qui méritent d’être encouragées.
Quelle serait pour vous, la meilleure façon de freiner la propagation de cette maladie devant l’incivisme de beaucoup d’Ivoiriens ?
C’est vraiment dommage que certaines personnes se conduisent encore aujourd’hui comme si le virus ne tuait pas et pourtant le danger est bien réel. Je crois qu’il faut vraiment renforcer la campagne de sensibilisation en diffusant également dans les langues comme cela se fait pour les informations politiques en langues vernaculaires parce qu’il ne s’agit pas seulement de leurs vies mais aussi de celle des autres. Parce que l’incivisme contribue également à la contamination à grande échelle de la maladie. Même celui qui est à la maison et qui respecte les consignes de prévention peut être victime de l’incivisme de son voisin puisqu’à un moment donné, il est amené à sortir et ce n’est pas écrit sur le front des gens qu’on croise, qu’ils sont symptomatiques. Il faut respecter les consignes ; se protéger en sortant notamment avec le nez et la bouche dans les bavettes, se laver les mains à tout moment, disposer de gel hydro-alcoolique, etc.
A la fin de cette pandémie qui a vu l’audience du musée baisser, quelles sont les stratégies pour ramener l’institution à son meilleur niveau ?
Il s’agit, comme nous l’avons dit plus haut, de mettre le musée en ligne en plus de la numérisation et communiquer à travers le site internet et la page Facebook afin de rattraper et d’optimiser le taux de fréquentation. Nous avons besoin de financement pour le site Internet en construction
En cette période de crise sanitaire, y a-t-il une synergie d’actions et échange d’expériences entre les différents musées de Côte d’Ivoire ?
Notre dénominateur institutionnel commun est le cabinet ministériel de la Culture qui a déjà anticipé avec des dossiers communs nous mettent ensemble et dont le déploiement touche directement nos structures respectives. De toutes les façons, nous n’avons pas le choix puisqu’avant le Covid-19 nous travaillions déjà en collaboration. Aujourd’hui, l’actualité sanitaire nous invite plus que jamais à privilégier l’aspect digitalisation. C’est sûr que nous allons recevoir des instructions dans ce sens.