Par Jean Levry – Afriquematin
« Si l’Europe veut maintenant faire preuve de courage, elle doit avoir la force de faire face aux problèmes de la décolonisation de l’Afrique ». A travers cette déclaration fracassante, Luigui Di Maio, Premier ministre italien touche du doigt une question essentielle relative au développement de l’Afrique. Les panafricanistes et combattants de l’indépendance totale de l’Afrique obtiennent ainsi un soutien de poids, de surcroit un membre de l’union européenne. Mais l’Afrique refuse toujours de renter dans l’histoire en se détournant des vrais combats pour sa liberté.
L’Italie a décidé de prendre en main le combat pour la décolonisation économique et politique de l’Afrique en s’attaquant ouvertement à la politique néocolonialiste de la France en Afrique. Les autorités italiennes sont convaincues que la France est à la base de l’appauvrissement de l’Afrique. En plus d’entretenir des réseaux d’influences dans plusieurs pays africains en vue de défaire les présidents moins accommodants et placer leurs pions à la tête des États africains pour piller les richesses de ceux-ci, ce qu’il est convenu d’appeler la « Françafrique », la France a une mainmise sur l’économie de 14 pays d’Afrique subsaharienne. Et cela à travers le Franc CFA, cette monnaie coloniale imposée par la France à ces anciennes colonies d’Afrique noire.
« Si nous n’abordons pas la question de la souveraineté monétaire en Afrique, tout ceci ne sert à rien. Actuellement, la France, près de Lyon imprime la devise utilisée dans 14 pays africains. Tous ces pays africains, disons de l’Afrique subsaharienne, ont, non seulement, une monnaie imprimée en France mais pour maintenir un taux fixe d’abord avec le franc français et aujourd’hui avec l’euro, sont obligés de payer 50% de leur argent sur un compte courant géré par le trésor français. (…) La France, à travers cela contrôle la géopolitique de cette région où vivent 200 millions de personnes », a dénoncé le député italien Alessandro Battista lors d’une interview sur une chaine de télévision, après avoir déchiré un billet de 10 000 Fcfa en direct.
L’immigration clandestine : guérir le mal par les racines
« Si aujourd’hui, nous avons encore des personnes qui quittent l’Afrique, c’est à cause de plusieurs pays européens, la France en tête qui n’a toujours pas fini de coloniser l’Afrique. (…) il est nécessaire pour la première fois de s’attaquer aux causes parce que ceux qui traitent exclusivement les effets sont à la fois les ennemis de l’Afrique. (…) Je pense que la France est un de ces pays qui, en imprimant de l’argent pour 14 pays africains empêche leur développement économique et contribue au fait que les migrants partent puis meurent dans la mer ou arrivent sur nos côtes », martèle Matteo Salvini, vice-premier ministre italien et ministre de l’intérieur visiblement remonté contre le néocolonialisme de la France en Afrique.
Pour lui, la solution à la migration des africains en Europe passe par la décolonisation totale de l’Afrique par la France, qui ne tient son rang de puissance mondiale qu’en pillant les pays africains. « Il existe une dizaine de pays africains pour lesquels la France imprime leur propre monnaie (le franc des colonies) et c’est avec cela que la dette française en financer. Si la France n’avait pas de colonies africaines qu’elle appauvrit, elle serait la 15ème puissance économique mondiale. Et au lieu de cela, elle figure parmi les principales en raison de ce qu’elle fait à l’Afrique», enfonce-t-il le clou.
Malgré la réaction des autorités françaises qui ont convoqué l’ambassadrice de l’Italie en France, les italiens sont bien déterminés à en découdre avec allié européen. L’Italie aurait même décidé de porter plainte contre la France devant le Conseil de l’Union Européenne. « La France gère la souveraineté de ces pays empêchant ainsi leur indépendance légitime, souveraineté monétaire. (…) Ce n’est qu’une escroquerie », souligne le chef du gouvernement italien.
Et si les ennemis de l’Afrique étaient les africains ?
« J’insiste, je persiste et je signe. Les ennemis de l’Afrique, ce sont les africains », a déclaré la super star ivoirienne du reggae, Alpha Blondy dans l’une de ses chansons à succès. Au regard de certaines réactions suite à la levée de boucliers des autorités italiennes contre la France, on ne peut que donner raison à l’artiste.
« Le FCFA n’est pas la cause du sous-développement », ou encore « La France n’a rien à avoir avec ce qui arrive aux africains », telles sont quelques uns des commentaires de certains africains sur les réseaux sociaux. Certes l’Afrique souffre de plusieurs maux qui sont entre autres la mauvaise gouvernance, la corruption, le népotisme etc. mais de là à nier le rôle néfaste que joue la France dans l’appauvrissement de l’Afrique, c’est se faire harakiri. Car, le débat concernant le Franc des colonies françaises d’Afrique (FCFA) n’est pas nouveau. Depuis bien longtemps et surtout ces dernières années, plusieurs économistes et observateurs avertis des relations internationales tant africains que français dénoncent cette monnaie coloniale qui n’est que le prolongement de la servilité de l’africain au profit de la France. L’on a encore en mémoire l’affaire du polémiste Kemi Seba qui avait brulé un billet de Franc Cfa en guise de protestation contre cette devise et qui a été arrêté au Sénégal.
Si les chefs d’États africains semblent avoir les mains liées et sont, par conséquent, impuissants pour pouvoir dénoncer les effets néfastes du FCFA sur nos économies et corrélativement le développement de l’Afrique, les populations, elles devraient ouvrir les yeux et voir la réalité en face. Combattre ceux qui combattent cette monnaie de domination, c’est se poser en ennemi de l’Afrique. C’est encore pis quand cela vient d’un africain en ce sens qu’il devient son propre ennemi.