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Décision du Conseil constitutionnel/ Quel plan B pour l’opposition ivoirienne ?

Par Séraphin Yao Kouamé*

L’actualité politique du moment est entretenue depuis quelques jours par l’annonce des candidatures à l’élection présidentielle du 31 octobre prochain.   Suite à   l’acte posé par le président du Conseil constitutionnel,  Koné Mamadou, soutenu par ses collègues, en leur qualité d’hommes de loi, donc impartiaux, ont, malheureusement, tordu le cou au droit qui devrait être dit. A l’analyse de ces faits, le Maire et délégué Pdci-Rda de Brobo et Chercheur en science politique, Séraphin Yao Kouamé, soutient que ces personnalité ont failli et   ont décidé de sortir de l’histoire par la petite porte, à l’instar de Tia Koné et Yao N’dré.

Face à cette situation ubuesque, une seule question se pose à l’opposition significative et, au-delà, au peuple de Côte d’Ivoire tout entier : que faire maintenant ? Les avis se cristallisent autour de deux positions dominantes, pouvant donner lieu à la mise en place d’un plan A et d’un plan B de l’opposition pour battre Alassane Ouattara.

Séraphin Yao Kouamé « des consignes claires de mobilisation et de vote doivent être données pour marquer, de façon plus tranchée, l’isolement d’Alassane Ouattara »

Il est clair qu’abandonner n’est pas une option. Dans sa grande majorité, les Ivoirien(ne)s souhaitent le départ du président Ouattara, non pas seulement à cause de son inique politique de rattrapage ethnique et du tabouretisme, mais surtout en raison de ce que la Constitution lui interdit de briguer un autre mandat.

Alassane Ouattara doit donc quitter le pouvoir. Mais, de quels moyens légaux disposent désormais l’opposition et le peuple pour accomplir leur dessein et leur destin ?

Car, de l’avis général, par sa décision du 14 septembre 2020, le Conseil constitutionnel donne un signal clair quant à l’issue de l’élection du 31 octobre 2020 : le résultat définitif que nos présumés sages proclameront ne sera pas conforme à celui des urnes, donc à la volonté du peuple.

C’est dans cet imbroglio que l’opposition significative a décidé de se réunir le 20 septembre 2020, au siège du PDCI-RDA, sis à Cocody. De la déclaration commune sanctionnant cette rencontre, il ressort, outre l’appel à la désobéissance civile, six exigences majeures :

L’une de ces exigences, en particulier, cristallise les passions et fait couler beaucoup d’encre et de salive. Elle concerne la participation des candidats injustement recalés, dont les visages les plus emblématiques sont Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Albert Mabri Toikeusse Abdallah, Gnamien Konan, Mamadou Koulibaly et Marcel Amon Tanoh.

Des voix s’élèvent çà et là pour demander la non-participation du président Bédié et du PDCI-RDA à la joute électorale, par solidarité, tant que ces conditions ne seraient pas intégralement réunies. Certains proposent que l’affaire se règle comme en 2000, par un décret exceptionnel du président de la République.

Mais, on imagine mal Alassane Ouattara, malgré toute la certitude affichée par Guillaume Soro, lors de sa conférence de presse parisienne du 17 septembre 2020, après avoir violé la Constitution pour se présenter, prendre un tel acte, d’autant que derrière les candidatures retenues se cache une stratégie électorale mal camouflée.

Le bras de fer qu’imposent Alassane Ouattara et le RHDP à l’opposition est le résultat d’un plan savamment orchestré. Depuis le début avec la dolosive Constitution de 2016 jusqu’à la validation de sa candidature par le Conseil constitutionnel aux ordres, en passant par le bâillonnement de l’opposition, notamment avec les OPA sur les partis politiques, les nominations à la CEI et au Conseil constitutionnel inféodés, le verrouillage de la justice, les condamnations arbitraires et/ou emprisonnements des opposants politiques pour justifier leur inégibilité, la modification inconstitutionnelle du code électorale, l’introduction illégale du parrainage – et j’en passe – chaque action du clan au pouvoir a été savamment calculée.

Si le Conseil constitutionnel constitue la bête noire, nul doute que sa décision illégale met de l’eau au moulin de l’opposition. Les actions diplomatiques et les interpellations politiques de la communauté internationale, notamment le rappel par la France de son ambassadeur et la déclaration de l’Union européenne, constituent un indicateur de l’inconfort dans lequel s’est placé Alassane Ouattara.

La position désormais fragilisée du président sortant est une opportunité à saisir par l’opposition, à condition qu’elle joue en équipe. Fort heureusement les positions de tous les leaders majeurs convergent sur ce point.

La solidarité exemplaire affichée par le président Bédié et le PDCI-RDA, qui ne se contentent pas de condamner l’exclusion des autres candidats de la liste définitive de candidature, mais exigent leur participation effective est à saluer.

L’opposition doit, sans relâche, maintenir la pression politique et populaire, pour faire plier le régime non seulement sur la participation des candidats injustement recalés, mais également sur toutes les questions sensibles pouvant garantir la crédibilité du scrutin, à commencer par le retrait de la candidature du président en exercice. Elle doit même aller plus loin pour exiger la démission de ce dernier et la mise en place d’une transition.

Mais, à côté de ce plan A dit de la désobéissance civile, je préconise un plan B, comme dans toute stratégie politique ou militaire digne de ce nom. Une telle approche permettra de parer à toutes éventualités et d’éviter que l’opposition soit déboussolée, au cas où son plan A ne fonctionnerait pas : faire bloc autour de la candidature du président Bédié et le soutenir massivement contre Alassane Ouattara.

On entend les plus déçus de l’invalidation de la candidature de Laurent Gbagbo et des autres ténors soutenir qu’il faut que le PDCI-RDA refuse d’aller à l’élection, tant que leurs leaders n’ont pas été admis à compétitionner.

 C’est tout simplement une approche suicidaire qui témoignerait que nous plaçons nos intérêts partisans, malgré nos déclarations allant dans le sens d’une collaboration, au-dessus de l’intérêt supérieur de la Nation et de l’intérêt général des Ivoirien(ne)s. Ce serait à la fois naïf et contre-productif de refuser catégoriquement de participer à l’élection, sous prétexte que les efforts pour réaliser le plan A n’ont pas abouti en totalité.

A ce stade, il faut mettre de côté les émotions et regarder la réalité en face, comme le fait, avec courage et honnêteté, Anaky Kobenan : si toute l’opposition choisit de boycotter l’élection, cela n’empêchera pas Ouattara d’y aller avec Kouadio Konan Bertin dit KKB, comme faire-valoir. Celui-ci acceptera n’importe quoi pour légitimer la mascarade de scrutin. Et même si KKB retrouvait ses esprits et décidait de rallier l’opposition, Alassane Ouattara y ira seul, avec l’argument que la défection des autres ne change rien, du moment que le Conseil constitutionnel a déjà arrêté la liste définitive des candidats.

En 1995, quand Gbagbo était bien éligible et avait décidé de ne pas participer au scrutin tant que son allié Alassane Ouattara, pourtant inéligible, n’y était pas admis, entre autres requêtes, Francis Wodié, au nom de la démocratie et de la paix y était allé.

En 2000, cas plus patent, quand Robert Guéi et la junte avait invalidé toutes les candidatures des opposants significatifs en ne retenant que Laurent Gbagbo avec qui le général-balayeur croyait avoir un deal, celui-là y était allé.

Le plus ridicule serait de refuser d’aller à la présidentielle et après accepter de participer aux législatives, sénatoriales et locales. Cela rimerait à quoi, puisque nos représentants nationaux n’auront aucun poids dans les hémicycles et que nos maires et présidents de région n’auront pas de moyens pour travailler au service de leurs concitoyens locaux ?

A tous ces égards et pour toutes ces raisons, la candidature retenue de Monsieur Bédié Konan Aimé Henri apparaît comme du pain bénie pour toute l’opposition. Ce serait de la folie que de cracher sur une telle aubaine, sous quelque prétexte que ce soit.

D’aucuns mettent la pression sur le président Bédié en disant qu’il trahirait le reste de l’opposition, s’il va « seul » à l’élection. C’est un faux procès. C’est le reste de l’opposition qui trahirait le président Bédié s’il ne le soutenait, au nom de la Côte d’Ivoire et des Ivoirien(ne)s.

 Il faut comprendre d’abord que tant qu’il n’y aura pas d’élection, rien ne légitime un départ du président actuel, même au terme de son mandat. Notre Constitution ne prévoit pas de transition sans le président en exercice, en cas d’impossibilité d’organiser l’élection à la date légale. Et quand bien même ce serait le cas, un viol en appelant un autre, Alassane Ouattara pourrait encore trouver des arguments pour s’accrocher au pouvoir.

Certains défaitistes, sans livrer bataille, se cachent derrière la conviction qu’Alassane Ouattara va tricher pour éviter de soutenir le président Bédié, en proclamant qu’il est inutile d’aller à l’élection. Certes les arguments concernant la planification de la fraude par le clan Ouattara sont on ne peut plus sérieux.

Les indices, relevés plus haut, sont nombreux. C’est Gnamien Konan qui résume le mieux la situation en disant, en substance, que celui qui viole la Constitution pour se présenter n’est pas prêt à reconnaître le verdict des urnes. Mais, n’oublions pas qu’aucune fraude ne peut résister devant un peuple déterminé et uni.

A ce propos, le cas de l’élection de 2000 est édifiant. En effet, le président Bédié ne s’était pas caché derrière le coup d’état ou l’invalidation de sa candidature pour dénoncer une quelconque traitrise de la part du président Gbagbo.

Quant aux militant(e)s du PDCI-RDA, ils sont sortis nombreux, avec les autres Ivoirien(ne)s, pour voter Laurent Gbagbo, puis éjecter Robert Guéi du fauteuil, quand il avait voulu braquer le scrutin.

Les leaders de l’opposition, -doivent, dans l’optique d’un plan B, joindre leurs forces et énergies à celles du PDCI-RDA, pour une victoire nationale, autour du président Bédié.

Aujourd’hui, l’histoire se répète. Les leaders de l’opposition ont le devoir citoyen de choisir entre le camp de la démocratie et le camp de la dictature, d’autant que ce troisième mandat est assimilé, par nos meilleurs constitutionalistes et ceux du monde entier, à un coup d’état civil. Ils seraient historiquement responsables, s’ils se défilaient au lieu de se mobiliser derrière le candidat Bédié.

Car, certes Henri Konan Bédié et le PDCI-RDA possèdent tous les atouts pour vaincre seuls Alassane Ouattara et le RHDP dans les urnes. A plus forte raison, lorsqu’on prend en compte la multitude d’électeurs déçus de la société civile et ceux des autres partis de l’opposition qui n’attendront point une quelconque consigne pour signifier leur colère à celui qu’ils ne veulent plus sentir.

Pour ces électeurs, le principe et l’objectif se confondent autour du concept tous-sauf-Ouattara (TSO). Pour arriver à leur fin, ils choisiront de voter utile en portant leur voix sur le candidat le plus à même de dégager leur bourreau du fauteuil : Bédié Konan Aimé Henri.

Mais, un soutien ferme de l’opposition permettra de poser, en amont, les jalons de la réconciliation nationale, l’objectif premier du projet de société et du programme de gouvernement du président Bédié. C’est d’ailleurs en ce sens que l’héritier légal et légitime de Félix Houphouët-Boigny entend mettre en place un gouvernement de large ouverture, dès son élection.

C’est pourquoi les leaders de l’opposition, à commencer par Laurent Gbagbo, doivent, dans l’optique d’un plan B, joindre leurs forces et énergies à celles du PDCI-RDA, pour une victoire nationale, autour du président Bédié.

Des consignes claires de mobilisation et de vote doivent être données pour marquer, de façon plus tranchée, l’isolement d’Alassane Ouattara. Haut les cœurs !

*Maire et délégué PDCI-RDA de Brobo

Chercheur en science politique

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